Depuis trois ans, le revendeur Celeris investit dans les infrastructures dites OCP (Open Compute Project). Avec un succès mitigé jusqu’à présent. Mais le marché gagne en maturité, estime Raphaël Maurice, co-fondateur de Celeris.

Channelnews : Il y a trois ans, Celeris a commencé à promouvoir les solutions d’infrastructures répondant aux spécifications de l’OCP (Open Compute Project). Qu’est-ce que l’OCP et pourquoi en faire la promotion ?

Raphaël Maurice : Initié par Facebook en 2011 pour concevoir des datacenters plus efficaces à moindre coût, l’Open Compute Project a vocation à appliquer au monde du hardware la philosophie qui a donné naissance à l’open source dans le domaine du logiciel. On parle d’ailleurs d’open hardware. Dès sa création en 2010, Celeris s’est donné pour vocation d’accompagner ses clients dans le choix de leurs matériels en fonction de leurs besoins. Chaque matériel ayant ses spécificités et ses avantages, Celeris s’est doté d’un laboratoire dans lequel il est possible de comparer les matériels des principaux constructeurs. C’est donc tout naturellement que Celeris a acquis en 2017 deux racks OCP accueillant des matériels d’origine Quanta, Gibabyte, Wiwynn ou Hives, puis un mini-rack Discovery sur roulettes (embarquant cinq serveurs et un switch) pour les POC. Ces équipements (une vingtaine en tout) permettent de vérifier que les solutions open hardware sont plus durables, plus facilement maintenables et moins énergivores que les solutions propriétaires. À noter que nous rachetons, via un intermédiaire spécialisé, les racks OCP de Facebook et autres GAFAMs. Matériels que nous garantissons jusqu’à six années. Ce qui montre la durabilité des composants OCP (supérieure à 10ans). Au final, l’open hardware permet de générer des économies substantielles en matière de coûts de possession. Toutefois, ces solutions ne conviennent pas aux clients dont les parcs serveurs ne sont pas de taille suffisante et qui ne disposent pas de suffisamment de ressources.

Channelnews : Récemment, Celeris a entrepris de se certifier en tant que centre de compétence OCP. Quel est l’intérêt de cette certification et quel est son coût ?

Raphaël Maurice : Celeris est certifié centre de compétence OCP depuis fin 2019. Nous souhaitions montrer que Celeris tient la route techniquement en matière de conception de datacenters OCP et gagner en visibilité. Nous nous sommes rapprochés pour cela de la Fondation OCP qui a validé notre expertise moyennant quelques milliers d’euros d’adhésion.

Channelnews : Est-ce que ces investissements dans l’open hardware ont été payants en termes de génération de business ?

Raphaël Maurice : Pour l’instant, les résultats sont mitigés. Avec à peine plus de 1% du chiffre d’affaires, le poids des solutions OCP reste marginal dans l’activité. Mais durant ces trois années, nous avons sensibilisé de nombreux clients potentiels, notamment dans le gaming, la sécurité, l’hébergement. À partir de l’été 2019, on a mis en place des POC dans de très grosses organisations, notamment dans le domaine de la banque et de la grande distribution. Ainsi, Thales R&D, EDF Exaion ont des POC en cours. On peut aussi citer Nerim et Qwant qui ont acheté un rack pour de la production. Difficile de ne pas mentionner également OVH, qui a franchit le pas et construit lui-même ses serveurs… C’est un signe fort. Dire que c’est en train de décoller est encore prématuré. Mais plus le temps passe et plus on accroche de clients.

Channelnews : Quels freins avez-vous identifiés ?

Raphaël Maurice : On s’est rendu compte que les clients avaient besoin de beaucoup d’accompagnement car ils sont un peu perdus face à l’OCP, dont l’approche est parfois un peu déroutante. Par exemple, le câblage se fait par l’avant. Les machines n’ont pas d’alimentations propres mais s’insèrent dans des barres d’alimentation. La documentation est parfois minimaliste. Pour mieux répondre à cette attente, nous avons embauché un nouvel ingénieur. On a aussi constaté des réticences de la part des exploitants de datacenters en colocation, qui refusent de prendre en compte la moindre consommation électrique des solutions open hardware dans leurs loyers. Mais les premiers datacenters full OCP commencent à voir le jour (notamment en Amérique latine à l’initiative de Giga Data Center). Et en attendant, on concentre nos efforts sur les acteurs qui ont leur propres salles serveurs. De notre côté, il nous a fallu du temps pour bien appréhender la philosophie de l’open hardware, ses contraintes, son écosystème… Enfin, comme je l’indiquais précédemment, l’open hardware ne convient pas à tous les clients. Il faut des parcs conséquents et disposer de ressources nombreuses. L’open hardware permet de s’affranchir de la propriété intellectuelle des grands constructeurs mais en contrepartie, il est nécessaire d’affecter des ressources pour développer les outils qui permettront de piloter cette infrastructure.

Channelnews : Pouvez-vous nous rappeler qui est Celeris et à quel type de clientèle la société s’adresse ?

Raphaël Maurice : Celeris est un revendeur d’une vingtaine de personnes ayant réalisé 52 M€ de chiffre d’affaires en 2019 auprès d’une clientèle constituée pour l’essentiel d’entreprises de « web tech » – dont l’IT constitue le principal levier de croissance.

 

Légende photo : De gauche à droite, Raphaël Maurice et Erwan Qimbert, respectivement directeur commercial et directeur technique de Celeris.