L’économie collaborative crée des possibilités nouvelles pour les entreprises comme les pour les particuliers. Le succès des plateformes n’est pas sans poser des problèmes. La Commission jette les premières bases de réflexion sur ce phénomène.

Pour certains, il s’agit de l’économie du partage en marche, pour d’autres, c’est la financiarisation d’échanges existants par le passé hors de l’économie de marché, c’est le « libéralisme augmenté » selon l’expression du philosophe Michel Onfray[1] qui « permet de sortir du système social ». Quelle que soit la perception que l’on puisse avoir, l’arrivée de plateforme comme Uber, AirBnb, Bookings bouleverse les règles de l’économie traditionnelle en favorisant de nouveaux business model et en introduisant une concurrence asymétrique.


Qu’est-ce que l’économie collaborative ?

Le terme «économie collaborative»7 désigne des modèles économiques où des plateformes collaboratives qui créent un marché ouvert pour l’utilisation temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes privées facilitent des activités.

L’économie collaborative fait intervenir trois catégories d’acteurs :

  1. des prestataires de services, qui partagent des actifs, des ressources, du temps et/ou des compétences – il peut s’agir de personnes privées qui proposent des services sur une base occasionnelle («pairs») ou des prestataires de services qui interviennent à titre professionnel («prestataires de services professionnels») ;
  2. des utilisateurs de ces services ;
  3. les intermédiaires qui mettent en relation – via une plateforme en ligne – les prestataires et les utilisateurs et qui facilitent les transactions entre eux («plateformes collaboratives»). Les transactions réalisées dans le cadre de l’économie collaborative n’entraînent généralement pas de transfert de propriété et peuvent avoir un caractère lucratif ou non lucratif.

Portés par l’innovation, les nouveaux modèles économiques présentent un potentiel considérable pour la compétitivité et la croissance. Le succès des plateformes collaboratives pose parfois de multiples problèmes pour les opérateurs du marché en place et les pratiques existantes, mais en permettant aux particuliers de proposer des services, ces plateformes encouragent également de nouvelles possibilités d’emploi, des formules de travail souples et de nouvelles sources de revenus. Les consommateurs, quant à eux, peuvent tirer parti de l’économie collaborative sous la forme de nouveaux services, d’une offre élargie et de prix plus abordables. Celle-ci peut aussi promouvoir un partage plus important des actifs et une meilleure utilisation des ressources, ce qui peut contribuer à la stratégie de développement durable de l’UE et à la transition vers l’économie circulaire.

La Commission européenne considère que cette nouvelle économie doit être encouragée et développée d’une manière responsable. Elle soulève souvent des questions sur l’application des cadres juridiques existants, brouillant ainsi les limites entre consommateurs et fournisseurs, salariés et travailleurs indépendants, ou encore entre fourniture professionnelle et non professionnelle de services. Cela peut dès lors susciter une certaine incertitude sur les règles applicables, en particulier lorsqu’elle s’accompagne d’une fragmentation réglementaire découlant d’approches divergentes à cet égard au niveau national ou local. Cette situation freine le développement de l’économie collaborative en Europe et empêche ses avantages de se matérialiser pleinement. À cela s’ajoute le risque que les zones grises réglementaires soient exploitées pour contourner les règles destinées à préserver l’intérêt général.

Une croissance rapide

Taille encore relativement modeste, l’économie collaborative croît rapidement. D’après les estimations, les plateformes et les fournisseurs collaboratifs ont généré en 2015 28 milliards d’euros de recettes brutes dans l’UE. D’après les estimations fournies par PwC Consulting, les plateformes collaboratives présentes dans cinq secteurs clés de l’économie collaborative ont rapporté 3,6 milliards d’euros en 2015 dans l’UE. Les 5 principaux secteurs sont l’hébergement (location de courte durée), le transport de personnes, les services de proximité, les services professionnels et techniques et le financement collaboratif.

 «Une économie européenne compétitive a besoin d’innovation, que ce soit dans le domaine des produits ou dans celui des services, commentait Jyrki Katainen, Commission européenne chargé de l’emploi, de la croissance, de l’investissement et de la compétitivité. La prochaine « licorne » européenne pourrait naître de l’économie collaborative. Notre rôle consiste à promouvoir un environnement réglementaire qui permette à de nouveaux modèles économiques de se développer tout en assurant la protection des consommateurs et en garantissant une fiscalité et des conditions de travail équitables.»

La note intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative» publiée par la Commission entend fournir des orientations sur les modalités selon lesquelles il conviendrait d’appliquer le droit de l’Union en vigueur à ce secteur dynamique et en mutation rapide, en clarifiant les problèmes clés auxquels les acteurs du marché comme les pouvoirs publics sont confrontés :

Quel type d’exigences en matière d’accès au marché peuvent être imposées?
Les prestataires de services ne devraient être tenus d’obtenir des autorisations d’établissement ou des licences que lorsque cela est strictement nécessaire pour atteindre des objectifs d’intérêt général importants. L’interdiction absolue d’une activité ne devraient constituer qu’une mesure de dernier recours. Les plateformes ne devraient pas être tenues d’obtenir d’autorisations ni de licences lorsqu’elles n’agissent qu’en qualité d’intermédiaires entre les consommateurs et ceux qui proposent le service réel (service de transport ou d’hébergement par exemple). De plus, les États membres devraient faire la distinction entre les particuliers qui proposent des services sur une base occasionnelle et les prestataires qui interviennent à titre professionnel, en établissant par exemple des seuils fondés sur le niveau d’activité.

Qui est responsable en cas de problème?
Les plateformes collaboratives peuvent être exemptées de responsabilité pour les informations qu’elles stockent au nom de ceux qui proposent un service. Elles ne devraient pas être exemptées de responsabilités pour les services qu’elles proposent elles-mêmes, comme les services de paiement. La Commission encourage les plateformes collaboratives à continuer à prendre, sur une base volontaire, des mesures pour combattre les contenus illicites en ligne et renforcer la confiance.

Comment la législation de l’UE en matière de protection des consommateurs protège-t-elle les utilisateurs?
Les États membres devraient garantir que les consommateurs bénéficient d’un niveau de protection élevé contre les pratiques commerciales déloyales sans pour autant imposer d’obligations disproportionnées aux particuliers qui ne fournissent des services qu’à titre occasionnel.

Quand existe-t-il une relation de travail?
Le droit du travail relève en majeure partie de la compétence des États membres, et est complété par des normes sociales minimales de l’Union et par la jurisprudence de l’UE. Les États membres pourraient envisager de prendre en considération des critères tels que le lien de subordination à la plateforme, la nature du travail et la rémunération lorsqu’ils décident si une personne peut être considérée comme un travailleur d’une plateforme.

Quelles sont les règles fiscales qui s’appliquent?
Les prestataires de services et les plateformes de l’économie collaborative doivent payer des impôts et des taxes au même titre que les autres acteurs de l’économie. Il s’agit de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. Les États membres sont encouragés à continuer à simplifier et à clarifier l’application des règles fiscales à l’économie collaborative. Les plateformes de l’économie collaborative devraient coopérer pleinement avec les autorités nationales pour enregistrer les activités économiques et faciliter la perception des impôts et des taxes.

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Pour aller plus loin

[1] Faut-il avoir peur du monde qui vient ? France Culture

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