Paul Dujancourt, directeur général de Kroll Ontrack France livre son appréciation sur les différences comparées de fiabilité et de récupérabilité de données entre SSD et disques magnétiques traditionnels.
Depuis quelques années, les SSD s’imposent comme une alternative de plus en plus recherchée aux disques durs magnétiques traditionnels. « Si les avantages en termes de performances plaident largement pour le SSD, qu’en est-il de la fiabilité et de la facilité de récupération des données de l’une par rapport à l’autre », s’interroge Paul Dujancourt, directeur général de Kroll Ontrack France dans une tribune publiée récemment sur le blog de la société.
Premier élément de réponse : la probabilité de subir un incident de type perte de données avec un SSD est de l’ordre de 1 sur 10.000, selon Kroll Ontrack, soit un taux de panne « quasiment identique en valeur absolue » à celui observé sur les disques magnétiques. En revanche, le taux de récupération de données est beaucoup plus faible. Paul Dujancourt estime que pour les SSD, les données seront considérées comme définitivement perdues dans 20% à 25% des cas, alors que ce taux ne dépasse pas 7% à 8% pour les disques magnétiques.
L’écriture sur les SSD est destructrice
Plusieurs raisons expliquent cette différence de taux de récupération. « Le SSD est basé sur l’usage de cellules de mémoire stockées sur du silicium et non pas sur un support magnétique comme les disques durs, écrit Paul Dujancourt. L’écriture est destructrice et limite l’usage à quelques milliers de cycles. Pour augmenter la durée de vie, il faut diminuer l’usage de chaque cellule de mémoire. Les cellules de mémoires sont organisées de différentes manières selon les technologies de mémoires.
La technologie de SSD la plus fiable est la SLC (Single Level Cell) qui est également la plus chère. Ce type de mémoire organise chaque cellule unique de mémoire de manière indépendante et non pas en groupes comme pour les MLC (Multi-Level Cell) et les eMLC (Enterprise Multi-Level Cell); les eMLC étant plus « professionnelles » que les MLC car organisées en plus petits groupes que les MLC. Si elles étaient idéalement utilisées, les mémoires SLC pourraient avoir une durée de vie de l’ordre de 50 ans. Mais il y a des « mais ».
Les déplacements de données usent de manière prématurée les cellules
Les mémoires sont systématiquement effacées par blocs entiers même s’il n’y a qu’une seule petite information de changée dans tout le bloc. L’écriture est effectivement séquentielle par bloc, à contrario d’un disque dur où on peut aller écrire n’importe où à n’importe quel moment, mais plus lentement. Bref, des données inchangées se retrouvent déplacées en permanence, beaucoup plus souvent que nécessaire sur un plan de logique intellectuelle pure. Le nombre de ces déplacements use de manière prématurée les cellules. Les laboratoires de Kroll Ontrack ont pu l’analyser sur des milliers de cas de pertes de données sur SSD que la vie des SSD est limitée à six ans maximum pour certaines utilisations bien établies, et ce, en utilisant pourtant les meilleures mémoires de type SLC. Notez qu’il faut compter deux ans avec les eMLC et trois mois avec les MLC. »
Au-delà de la longévité réduite des SSD, Paul Dujancourt pointe d’autres risques non négligeables qui diminuent le potentiel de récupération des données. Le plus grand réside dans l’usage de disques SED (pour Self Encryption Disc) utilisant des chiffrements natifs constructeurs. Or lesdits constructeurs acceptent rarement de livrer la clé maître de chiffrement en cas de perte des données. Un problème qui n’est pas spécifique aux SSD mais qui se pose plus souvent pour eux que pour les disques magnétiques, observe Kroll Ontrack. Ce dernier conseille donc d’utiliser des disques SSD standard, d’exploiter les solutions spécialisées de chiffrement et de conserver séparément les clés.
Un processus de récupération en général plus long pour les SSD
Enfin, quand bien même les puces mémoires des SSD sont encore susceptibles de livrer leurs données, ce sont bien souvent la puce de gestion des mémoires ou le composant de gestion de la tension d’alimentation qui sont endommagés. Pour récupérer les données, la méthode consiste à remplacer ou simuler la puce contrôleur. Mais encore faut-il déterminer quelles étaient les cellules actives au moment de l’incident. Ce qui rend le processus de récupération au final beaucoup plus long et onéreux que pour les disques magnétiques.
Facteur de complexité supplémentaire : la profusion des constructeurs – ils sont plus de 200 à se partager le marché – et l’immaturité de la technologie. « Alors que dans le magnétique, il suffit de maîtriser un jeu de cinq ou six technologies, il y en a des centaines dans le SSD qui plus est évoluent très rapidement. Il n’est pas rare de voir le firmware d’un même produit se modifier sensiblement en l’espace de quelques semaines. »
In fine, Paul Dujancourt se dit convaincu que les deux technologies SSD et magnétique vont continuer à vivre en parallèle, voire qu’elles tendront vers une forme d’hybridation. Car, même s’il anticipe une marge de progression sur le taux de récupération de données des SSD (qui passera vraisemblablement par une normalisation des contrôleurs), il craint que leur potentiel d’augmentation de leurs capacités de stockage soit moindre que delui des disques durs magnétiques à moyen terme.