Forte de ses 2.500 adhérents, la Fédération des entreprises du bureau et du numérique (Eben) bénéficie d’une vue privilégiée sur les problématiques des entreprises du secteur. Entretien avec Delphine Cuynet, sa directrice générale, pour décrypter les tendances de cette rentrée 2021.

Channelnews : Comment s’est déroulée la mise en œuvre du passe sanitaire dans les entreprises du bureau et du numérique ?

Delphine Cuynet : les adhérents n’ont pas rencontré de problème particulier sur la mise en place du passe sanitaire pour la bonne raison qu’ils n’y sont pas tenus, n’étant ni établissements de santé, ni espaces accueillant du public. Certains adhérents ont voulu l’imposer en interne par souci de protection de leurs salariés. Mais ils n’en ont pas eu le droit. Seule difficulté qui s’est rapidement résorbée, beaucoup d’établissements de santé ont demandé que les techniciens et livreurs de leurs prestataires de services numériques intervenant sur site l’aient. La Fédération a alors mené des démarches auprès des pouvoirs publics pour que les personnels effectuant des livraisons et ceux effectuant des interventions d’urgence en soient exonérés. Nous avons été entendus. Les prestataires et sous-traitants qui interviennent dans les établissements où le passe est demandé aux usagers sont en revanche concernés par l’obligation de présenter un passe sauf si leur activité se déroule dans des espaces non accessibles au public (bureaux).

En réalité, la vraie problématique de cette rentrée 2021 concerne les problèmes d’approvisionnement.

Channelnews : Ce problème d’approvisionnement touche-t-il beaucoup d’entreprises ?

Delphine Cuynet : Oui. Nous recevons quotidiennement des appels d’adhérents qui commencent à en ressentir les effets sur leur trésorerie. Ils passent des commandes. Mais celles-ci ne leur sont livrées que partiellement, voire pas du tout. Résultat : les projets s’enlisent et les clients ne sont pas facturés. Ces problèmes d’approvisionnement touchent notamment les entreprises de l’informatiques et de l’impression.

Channelnews : Qu’est-il possible de faire ?

Delphine Cuynet : on a demandé au gouvernement qu’il communique auprès des opérateurs publics pour qu’ils n’appliquent pas les pénalités de retard dans le cadre des marchés publics. Le gouvernement a envoyé une circulaire mais celle-ci n’oblige à rien. Autre piste étudiée : la création d’une aide d’autant plus justifiée que les entreprises vont devoir commencer à rembourser les PGE (prêts garantis par l’État).

Channelnews : Qu’en est-il de la difficulté à recruter ?

Delphine Cuynet : la problématique est toujours d’actualité et a même tendance à s’aggraver. Recruter des commerciaux dans le numérique est mission impossible et il y a un déficit de profils techniques. Eben s’est attaqué au problème en mettant en place une formation en alternance de technicien réseaux IP. Cette formation, assurée par l’ADN (Association des Neticiens dont Eben est membre) s’adresse à des personnes en reconversion n’ayant aucune connaissance préalable dans le numérique et leur permet d’obtenir un titre professionnel de niveau 4 (Bac) reconnu par le Ministère du travail. Une promotion d’une dizaine de personnes démarre en octobre. Il reste encore des places à pourvoir.

Autre initiative menée en association avec l’Opcommerce (l’opérateur de compétences du commerce) : la réalisation d’une cartographie des métiers de la branche. La première partie de ce travail est achevée. Vingt-cinq fiches métier ont été définies, parmi lesquelles l’hôtesse de caisse, le responsable de magasin, l’administrateur réseau ou le technicien de reprographie… Ces fiches vont être accessibles via une plateforme qu’on lancera mi-octobre. Cette plateforme a vocation à encourager la mobilité au sein de la branche et à servir de support aux entreprises pour leurs recrutements et leurs entretiens annuels obligatoires.

On poursuit en parallèle le tour de France de la formation qu’on organise depuis deux ans avec Négociance. Cette formule permet aux entreprises d’actualiser les certifications de leurs techniciens sur les technologies clés du marché et d’en faire prendre en charge les frais par l’Opco de la branche (pour les entreprises de moins de 50 salariés). Trois cents salariés en ont déjà bénéficié.

Channelnews : De quelles autres thématiques vos adhérents doivent-ils se soucier en priorité ?

Delphine Cuynet : De cybersécurité et de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Ces deux thématiques feront prochainement l’objet de commissions et de groupes de travail dédiés. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour annoncer qu’Eben va faire évoluer son mode de fonctionnement historique en abandonnant ses commissions métier au profit de commissions thématiques. Afin de susciter des vocations, on va lancer un prix de la meilleure initiative RSE. Les lauréats devraient être connus mi-décembre. Quant à la cybersécurité, nous sommes un membre très actif de Cybermalveillance.gouv avec lequel on a participé à la mise en place du label Cyber Expert.