Eric Sansonny, directeur général France d’Aruba constate que les PME françaises n’ont pas une bonne compréhension du Cloud. Un déficit qu’il attribue en partie à une mauvaise évangélisation.


Channelnews : Vous avez signé au cœur de l’été une tribune intitulée « Cloud hybride, gare à la récupération » pour dénoncer le discours inadapté de certains grands faiseurs en matière de Cloud. Un discours qui aurait pour effet d’en brouiller l’image dans l’esprit des entreprises. Qu’avez-vous voulu dire exactement ?

Eric Sansonny : En effet, je m’élève contre la récupération que certains font de la notion de Cloud dans l’objectif de répliquer les modèles du passé, de verrouiller le marché ou de l’orienter en fonction de leur actualité produits. Je pense notamment à Microsoft, qui, faute d’infrastructures adaptées en France, promeut un cloud hybride fermé, fondé sur le maintien de serveurs traditionnels chez les clients et sur la fourniture de services de débordement assurés depuis son datacenter d’Irlande et gérés par une console d’administration pseudo-unifiée.

Je pense également à Cloudwatt qui, pendant deux ans, a communiqué sur le fait que le Cloud consistait à faire du stockage déporté et qui se met tout à coup à vendre « de l’instance à la minute » sans expliquer le lien entre les deux.

Je pense encore aux grossistes informatiques qui, contraints de réinventer leur modèle économique face à des clients qui se détournent du matériel au profit du service, mettent en place sans avoir ni les compétences ni les infrastructures des offres parcellaires et sélectives, basées sur leurs accords commerciaux passés, et qui surcroît ne sont pas en phase avec les attentes réelles des entreprises.

Pourquoi cela vous irrite-t-il ?

Eric Sansonny : Parce que toutes ces visions sont restrictives, dévalorisantes, et ne contribuent pas au développement du Cloud en France. Cela génère de la confusion tant chez les clients que chez les partenaires. Pour certaines grandes et moyennes entreprises, le Cloud est certes devenu une évidence. Mais la plupart des PME en sont encore loin, contrairement à leurs homologues US ou britanniques. On constate un déficit de compréhension de ce que c’est que le Cloud dans les PME. Par exemple, la plupart ne font pas l’association entre l’hébergement et le Cloud.

Que faudrait-il faire, selon vous ?

Eric Sansonny : Il reste un vrai travail d’évangélisation non mercantile à effectuer en France. Peu d’acteurs font ce travail. Amazon, qui serait légitime, ne communique pas, estimant que sa marque recèle suffisamment de force virale pour s’en passer. Et ceux qui le font, on l’a vu, privilégient les prises de paroles qui nuisent aux autres.

Pour permettre aux clients, notamment les PME, de tirer réellement avantage du Cloud Computing, il est indispensable d’être ouvert aux standards du marché, d’être agnostique en termes de technologies et multi-hyperviseurs. Ce n’est que comme ça que l’on peut leur offrir la souplesse, l’adaptabilité, la réactivité de mise en place, la portabilité, et la réversibilité qu’elles attendent.

Quels sont les problèmes spécifiques du channel par rapport au Cloud ?

Eric Sansonny : Le problème qui se pose au channel est que les investissements nécessaires pour disposer de sa propre infrastructure sont ultra-lourds. Dans ces conditions, les partenaires n’ont pas beaucoup de choix. Soit ils se tournent vers les grossistes, qui se positionnent en agrégateurs d’offres existantes. Mais leurs catalogues sont limités à des offres SaaS sélectionnées en fonction des marges arrières qu’ils négocient en amont. Du coup, les partenaires n’ont pas vraiment de marge de différenciation et leurs choix sont dictés par les remises qu’ils peuvent obtenir. Ceux qui veulent vraiment fournir des offres IaaS peuvent se tourner vers des acteurs comme nous. Mais nous sommes peu nombreux à fournir ce service en marque blanche. Et encore faut-il acquérir les bonnes compétences. Ils peuvent aussi se tourner vers les grands acteurs tels que Microsoft ou Google. Mais dans ce cas, ils doivent accepter la monétisation de leurs données ou le « vendor lock-in ».