Est-ce que la recrudescence des attaques a stimulé la demande pour les solutions de sécurité informatique ? Quelles sont les tendances sur le marché de la cybersécurité ? Telles sont quelques-unes des questions que nous avons posées à Alain Takahashi, président et co-fondateur du grossiste à valeur ajoutée spécialisé en sécurité informatique Hermitage Solutions. Entretien.

Channelnews : On entend souvent que la crise sanitaire, l’essor du travail à distance et l’intensification des attaques par rançongiciels auraient conduit davantage d’entreprises à se préoccuper de leur cybersécurité. Est-ce que cela a pu inciter davantage de prestataires de services numériques à se tourner vers ce marché ?

Alain Takahashi : Il y a incontestablement une sensibilisation accrue des grandes entreprises sur la cybersécurité. Il y a quelques années, l’idée qu’un cryptolocker puisse mener une entreprise à la liquidation, c’était de la science-fiction. Aujourd’hui, c’est la réalité. Mais je ne pense pas que ce soit lié à la crise sanitaire. Le Covid n’a eu aucun effet sur le cybercrime. Au contraire. Je ne pense pas non plus qu’il y ait un afflux de nouveaux revendeurs souhaitant se lancer dans la cybersécurité. J’estime à 2.000 le nombre d’intégrateurs en France vendant des solutions de cybersécurité à des degrés divers. J’ai l’impression que ce nombre est stable. Le marché de la cybersécurité reste un petit marché, de l’ordre de 1 milliard d’euros par an, à comparer à un marché de l’IT supérieur à 70 milliards.

Channelnews : Quelles tendances observez-vous sur le marché français de la cybersécurité ?

Alain Takahashi : Il y a un vrai phénomène autour des services managés. Il y a trois ou quatre ans, les clients qui en faisaient étaient rares. Aujourd’hui, il y a une acceptation par le channel du modèle à la souscription. Mais l’impulsion vient des éditeurs, qui sont de plus en plus à avoir une offre. C’est le cas de Sophos, qui est notre principal partenaire, ou encore d’Eset. Mais beaucoup ne sont pas encore tout à fait prêts, notamment au niveau des back office qui sont encore imparfaits.

Je note un regain d’intérêt pour le chiffrement. Un domaine pour lequel notre marque locomotive est Conpal (l’ex-Utimaco). Mais cela reste un marché extrêmement limité en France. Contrairement aux Allemands, qui sont très sensibilisés au chiffrement, ou aux Américains, qui ont peur des procès, les Français ne chiffrent que lorsqu’ils y sont contraints par la réglementation : c’est le cas dans le secteur de la santé et pour les OIV, sur injonction de l’ANSSI.

Je note également un renouveau dans le domaine de la sauvegarde, avec des éditeurs qui incorporent des routines de détection de ransomwares dans leurs solutions. Je constate enfin que tout le monde commence à s’intéresser aux solutions de gestion de mots de passe type Keeper Security, que nous distribuons depuis deux ans. Nous sommes encore au début de la vague mais l’évangélisation n’est plus à faire sur ce type de solutions.

Channelnews : Avez-vous fait rentrer récemment de nouvelles marques à votre catalogue ?

Alain Takahashi : Les dernières marques entrées au catalogue sont Conpal en 2019, Keeper Security en 2020 et Systancia, avec qui nous démarrons. Mais l’arrêt des salons professionnels, notamment d’Infosec UK et de RSA Security, a considérablement entravé notre capacité à sourcer des nouveaux produits.

Channelnews : Hermitage Solutions fête ses 20 ans cette année. Comment se porte la société et quelle est sa dynamique de croissance ?

Alain Takahashi : La société ne publie pas ses comptes. Elle est présente en France mais également en Belgique, en Lituanie, en Lettonie et en Estonie. Elle compte 35 salariés, dont 22 en France. En France, Hermitage Solutions travaille avec environ 250 clients actifs. Il s’agit essentiellement d’intégrateurs d’infrastructures réalisant 20 à 30% de leur activité en sécurité informatique et adressant une clientèle d’entreprises de 10 à 1.000 salariés. La société réalise une croissance annuelle de l’ordre de 20% et embauche. Elle compte actuellement 18 marques au catalogue, parmi lesquelles : Sophos, Scale Computing et Tripwire, Eset, FoxIT, NeoWave

Channelnews : En vingt ans, vous avez en l’occasion de lancer de nombreuses marques en France, souvent à fonds perdus. Quels enseignements en avez-vous tiré ?

Alain Takahashi : En 20 ans, nous avons travaillé avec 120 marques. C’est dire si nous en avons raté des lancements. Il y a quatre raisons principales pouvant conduire à un échec. Parfois, il s’avère que les éditeurs ont une bonne technologie mais qu’ils n’ont pas de produit. D’où la difficulté à les vendre. Il arrive également que les attentes des investisseurs soient irréalistes. Il est parfois judicieux de se demander face au représentant d’un nouvel éditeur d’où vient son financement et quelle est son espérance de vie à son poste. S’il n’y a que des fonds d’investissement au capital, c’est problématique car il y a souvent une incompatibilité entre les cycles de décision des clients et le rythme de la Silicon Valley. Autre source d’échec : le non-respect du channel. C’est souvent le cas des éditeurs français qui ne voient dans le channel qu’une stratégie de survie. Enfin, il peut tout simplement ne pas y avoir de marché. Il arrive que des technologies ne prennent jamais ou mal en France. La surveillance des postes des salariés ou l’authentification DSP2 sont des exemples.

Channelnews : Quels sont les prochains chantiers pour Hermitage Solutions ?

Alain Takahashi : Le prochain enjeu va être de réussir le virage des services managés. C’est actuellement en forte progression (+150%) mais on part d’une base faible. On voudrait que cela cela fasse 10% du chiffre d’affaires cette année et 50% d’ici à trois ans.