Microsoft est pointé du doigt, en interne comme en externe, du fait de ses rapports étroits avec l’armée israélienne, dans le contexte des bombardements sur Gaza. Un ingénieur de Microsoft a interpellé son PDG, Satya Nadella, le premier jour de la conférence annuelle Build qui se tient cette semaine, afin de dénoncer les contrats de cloud et d’intelligence artificielle (IA) signés entre Microsoft et le gouvernement israélien. L’ingénieur en micrologiciel pour Azure depuis 6 ans, Joe Lopez, a demandé publiquement à son patron que la firme de Redmond mette fin à ces accords. Il qualifie son entreprise de complice dans les violations des droits humains contre la population de Gaza et appelle Microsoft à prendre ses responsabilités en tant qu’acteur de la tech mondiale.
D’autres salarié·e·s de Microsoft ont déjà manifesté leur désaccord avec la politique commerciale de leur direction vis-à-vis du gouvernement israélien. En avril dernier, lors de la célébration des 50 ans de Microsoft, deux employées ont accusé Microsoft d’avoir fourni des outils d’IA utilisés lors des frappes aériennes menées à Gaza. Elles ont été licenciées. En février dernier, cinq salariés avaient été exclus d’une réunion avec Satya Nadella après avoir également manifesté leur opposition.
L’agence Associated Press a révélé, en début d’année, que des modèles d’IA de Microsoft et de son partenaire, OpenAI, avaient été utilisés pour sélectionner des cibles de bombardement à Gaza et au Liban. Microsoft aurait fourni plus de 20.000 heures d’assistance aux militaires israéliens dans le cadre d’un contrat de 10 millions de dollars.
Le compositeur Brian Eno, responsable du son de démarrage bien connu de Windows 95, vient d’adresser une lettre ouverte à Microsoft. Il y dénonce lui aussi la collaboration de la firme de Redmond avec le ministère israélien de la Défense :
« Au milieu des années 1990, Microsoft m’a demandé de composer un petit morceau de musique pour le système d’exploitation Windows 95. Depuis, des millions – voire des milliards – de personnes ont entendu ce son de démarrage qui représentait une porte d’entrée vers un avenir technologique prometteur. J’ai accepté ce projet avec plaisir, comme un défi créatif, et j’ai apprécié l’interaction avec mes contacts au sein de l’entreprise. Je n’aurais jamais cru que cette même entreprise puisse un jour être impliquée dans les mécanismes de l’oppression et de la guerre.
Aujourd’hui, je suis obligé de parler, non pas en tant que compositeur cette fois, mais en tant que citoyen alarmé par le rôle que joue Microsoft dans un type de composition très différent : celui qui mène à la surveillance, à la violence et à la destruction en Palestine.
Dans un billet de blog daté du 15 mai 2025, Microsoft a reconnu fournir « des logiciels, des services professionnels, des services cloud Azure et des services Azure AI, y compris de la traduction linguistique » au ministère israélien de la Défense. L’entreprise a ensuite précisé qu’« il est important de reconnaître que Microsoft n’a pas de visibilité sur la façon dont les clients utilisent nos logiciels sur leurs propres serveurs ou autres appareils ».
Ces « services » soutiennent un régime qui se livre à des actions qualifiées de génocidaires par d’éminents juristes et organisations de défense des droits de l’homme, des experts des Nations unies et un nombre croissant de gouvernements du monde entier. La collaboration entre Microsoft, le gouvernement et l’armée israéliens n’est pas un secret et implique l’usage de logiciels de l’entreprise dans des technologies mortelles portant des noms soit-disant « amusants » comme « Where’s Daddy » (un système de guidage pour traquer les Palestiniens afin de les faire exploser dans leur domicile).
Vendre et faciliter des services avancés d’IA et de cloud computing à un gouvernement engagé dans un nettoyage ethnique systématique n’est pas du « business as usual ». C’est de la complicité. Si vous construisez sciemment des systèmes qui peuvent permettre des crimes de guerre, vous devenez inévitablement complice de ces crimes.
Nous vivons à une époque où des entreprises comme Microsoft ont souvent plus d’influence que les gouvernements. Je pense qu’un tel pouvoir s’accompagne d’une responsabilité éthique absolue. En conséquence, je demande à Microsoft de suspendre tous les services qui soutiennent des opérations contribuant à des violations du droit international.
Mon nouveau carillon de démarrage est le suivant : soyez solidaires des courageux employés de Microsoft qui ont refusé de rester silencieux. Ils risquent la perte de leurs moyens de subsistance pour défendre des personnes qui ont perdu et continueront à perdre la vie. J’invite les artistes, les personnes oeuvrant dans le domaine des technologies et toutes les personnes de conscience à se joindre à moi dans cet appel.
Je m’engage également à ce que les honoraires que j’ai perçus pour le son de démarrage de Windows 95 servent désormais à aider les victimes des attaques contre Gaza. Si un son peut signaler un véritable changement, que ce soit celui-ci ».