La SSII s’est séparée de plus d’un salarié sur trois en France l’année dernière. Une proportion qui devrait être comparable cette année, l’obligeant à procéder à 1.200 recrutements pour compenser ces départs. 

 

Gros malaise chez Ausy France. Avec 1063 départs pour un effectif de moins de 3.000 salariés, le turnover y a atteint le taux faramineux de 35% en 2012. Un taux deux fois supérieur à celui, pourtant déjà élevé, de la profession. Et ce turnover ne devrait pas fondamentalement baisser en 2013 : la société a en effet annoncé la semaine dernière tabler sur 1.200 recrutements sur l’exercice. Mais contrairement à ce qu’elle indique dans son communiqué de presse, ce n’est pas pour alimenter « la forte croissance du groupe en France », puisque ses revenus y ont plutôt tendance à stagner. Après une année 2012 à peine positive (+0,8% en croissance organique), le chiffre d’affaires a même reculé de 1,2% au premier trimestre 2013 (qui comptait, il est vrai, deux jours ouvrés en moins). Sauf brusque retournement du marché, la suite de l’année devrait être à l’avenant.

 

Selon un responsable syndical, ce turnover tient au mode de gestion de l’entreprise, basé sur des taux de marge élevés et des salaires bas « à la limite des minimums légaux ». Ce qui ne favorise pas la fidélisation des salariés. Et malheur à ceux qui se retrouvent en intercontrat : l’entreprise n’hésite pas à recourir au licenciement. Dans son document de référence, elle en reconnaît une centaine pour l’année 2012 (soit 10% des départs). Mais leur nombre serait beaucoup plus élevé, selon un communiqué de la CFE-CGC de mars, qui fait état de « 10% des départs à la suite de licenciements et presque autant à la suite de ce que la direction considère comme des fautes graves ». Illustration de cette politique : plus de la moitié des salariés issus du rachat d’Aptus en 2011 auraient déjà quitté l’entreprise, selon notre source syndicale.

 

Cette année, le rythme des départs pourrait même s’accélérer, suite à l’adoption le 16 mai dernier du projet d’harmonisation des statuts des salariés, qui était en discussion depuis plusieurs mois. Un projet certes rendu nécessaire par les multiples rachats intervenus au cours des dernières années (le groupe utilise encore neuf systèmes de paie différents) mais qui a abouti à « une régression tant sur les salaires, que sur les temps de travail ou que sur la mutuelle », assure notre source syndicale. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les salariés viennent d’apprendre qu’ils n’auraient pas de participation cette année alors que l’entreprise est bénéficiaire et surtout que les managers répétaient depuis des mois à tous les nouveaux embauchés qu’elle avoisinerait  les 1.500 €.

 

Edit du jeudi 20 juin :

Contactée, la direction nous a répondu par la voix de son directeur des ressources humaines, Didier Lichtensteger. Selon ce dernier, le véritable turnover de la société est plus proche de 20%, taux standard de la profession, que de 35%. Explication : une partie des départs rescensés dans le bilan social n’entrent pas à proprement parler dans son décompte du turnover. 86 CDD non renouvelés, 46 fins de contrats professionnels, 112 fin de stages et 208 périodes d’essai interrompues avant leur terme, soit 452 personnes, sortent ainsi de son champ statistique. En procédant ainsi, on atteint bien 20% de rotation de l’effectif. À noter toutefois que d’après nos informations, la moitié des périodes d’essai non menées à terme sont le fait des salariés et non de l’employeur. Didier Lichtensteger souligne également que sur les 611 salariés démissionnaires, 245 salariés ont été recrutés par des clients de la société. Ce qui réduit encore le taux de turnover subit, estime-t-il.

Malgré ces déclarations rassurantes, les trois organisations syndicales que nous avons interrogées s’accordent à dire que le niveau du turnover de l’entreprise est problématique y compris du point de vue la direction. Un représentant de la principale force syndicale en convient : le niveau de rotation des effectifs est beaucoup plus rapide que ce qu’il serait nécessaire. L’idéal serait que les salariés restent en moyenne cinq ans dans l’entreprise. Mais en pratique ils ne restent pas plus de deux-trois ans.