Début décembre, Eiffage Energie Systèmes, la branche énergie du groupe de BTP, annonçait le rachat via sa filiale régionale Auvergne-Rhône-Alpes de 100% du capital de la société de distribution et de services savoyarde Access Group, signant l’entrée de plain-pied d’Eiffage sur le marché du numérique. Mais pourquoi ce mariage de la carpe et du lapin entre un leader du bâtiment et un spécialiste des infrastructures IT ? Explications.

À l’instar de ses concurrents, Eiffage est positionné sur les métiers du génie électrique, du génie climatique et du génie mécanique. Des expertises regroupées au sein de sa branche énergie, qui pèse 4 milliards de chiffre d’affaires et emploie 29.000 salariés. Mais contrairement à ses concurrents, le groupe n’avait développé aucune activité en propre dans le numérique. Or, comme le souligne Olivier Malaval, le directeur d’Eiffage Energie Systèmes Auvergne-Rhônes-Alpes, le numérique pénètre déjà tous les marchés qu’adresse Eiffage : industrie, bâtiment, infrastructures (les grands réseaux d’adduction), villes & collectivités.

Longtemps demeurées à l’état de concepts marketing, les notions d’industrie 4.0, de bâtiment connecté, de ville intelligente, etc. sont devenues des réalités et se déclinent en de multiples applications. « Mettre en place un projet d’industrie 4.0 sous-entend d’avoir des compétences en réseau, en architecture informatique […], détaille Olivier Malaval. La réglementation RE2020, qui impose de réduire de 30% les émissions carbone sur tout le cycle de vie des bâtiments, implique d’en améliorer les performances [en assurant notamment] une gestion technique centralisée. Cela suppose là encore de déployer des réseaux numériques, d’installer des systèmes de contrôle, de stocker des données […] On constate aussi cette présence de plus en plus importante du numérique dans les projets des villes et des collectivités. Par exemple, pour l’aménagement d’une voie de covoiturage que nous avons réalisé sur Lyon, il a fallu concevoir un système pour compter les passagers dans les voitures, avec tout ce que cela implique en termes de traitement de données et d’analytique […] Le numérique est partout et la demande est forte : on ne pouvait pas ne pas s’y intéresser. »

Si pour Eiffage, un rapprochement avec un acteur du numérique semblait aller de soi, cela paraissait beaucoup moins évident du point de vue d’Access Group. Jalouse de son indépendance et soutenue par une forte dynamique de développement (notamment sur les secteurs de la santé, de l’hôtellerie et des stations de ski qui sont ses domaines de prédilection), la société de services ne s’inscrivait jusque-là pas du tout dans une perspective de cession. C’est Eiffage qui, après l’avoir croisée au hasard d’un chantier commun, est allé à ses devants et a su convaincre ses dirigeants de l’intérêt de l’opération. « Je ne voyais pas du tout où s’inscrivait le numérique dans leur métier », convient aujourd’hui Dominique Plottier, président d’Access Group.

Au final, ce dernier a vu dans l’opération l’opportunité de garantir un développement encore plus important pour Access, de donner des perspectives plus ambitieuses à ses 120 salariés et d’anticiper la question de la transmission de l’entreprise qui se serait posée au cours de la prochaine décennie. Mais l’entreprise a posé ses conditions : elle a obtenu de pouvoir poursuivre son développement en propre. Autrement dit, elle garde son autonomie. « Ce n’est pas Access qui va porter la stratégie numérique d’Eiffage mais on s’est engagé à les accompagner dans leur montée en puissance sur le numérique », explique Dominique Plottier. Une montée en puissance qui pourrait passer, pourquoi pas, par d’autres opérations de croissance externe.

Pour Eiffage, c’est donc la première véritable incursion dans le domaine du numérique même si le groupe a déjà mené plusieurs petites acquisitions à la marge au cours des dernières années : il a ainsi acquis le spécialiste savoyard de l’audio-vidéo et de la domotique Avenir Elec en 2016, l’intégrateur audio-vidéo Arthesis la même année et l’intégrateur Wifi Resintel en 2018.

Eiffage attend des synergies fortes de son acquisition et espère la mettre rapidement à contribution sur ses chantiers. Pour cela, Access Group devra au préalable renforcer ses effectifs et son organisation. La société sort en effet d’une année 2021 éprouvante qui a vu ses facturations augmenter de quasiment 30% sur son activité historique de projets d’infrastructures – à 16 M€ – alors que son effectif est resté constant. « L’activité est débordante et comme la plupart de nos confrères, nous avons beaucoup de mal à trouver des ressources », explique Dominique Plottier. Plus de 25 postes sont actuellement ouverts dans le groupe, qui a réalisé 24 M€ de chiffre d’affaires en 2021 (+15%) avec ses filiales hébergement et télécom.