En 2013, le Cloud est devenu de facto le modèle de référence de delivery de l’IT, selon Loïc Simon, évangéliste bien connu d’IBM. Tour d’horizon des gagnants et des perdants dans ce nouveau contexte.


À l’occasion de la trêve estivale, Channelnews vous propose de lire ou relire quelques-uns de ses articles parmi les plus consultés du premier semestre 2014. L’article ci-dessous est une reprise d’un sujet initialement publié le 8 janvier dernier sous le titre : « Bilan 2013 : les gagnants et les perdants du Cloud ». Il s’agissait d’une adaptation d’un post de blog de Loïc Simon, évangéliste bien connu d’IBM détaché chez Aspaway, qui commente, un an après, ses propres prévisions 2013 pour l’écosystème Cloud. Instructif.

Intitulé Ecosystème Cloud 2013 : 6 Surfeurs et 6 Rameurs dans le Tsunami Cloud, l’article traitait des conséquences prévisibles de la déferlante Cloud pour les acteurs IT traditionnels. Des « rameurs » auxquels Loïc Simon prédisait une année 2013 bousculée. Son analyse portait sur six sous-groupes en particulier : les VARs/SSII, les grossistes à valeur ajoutée (VADs), les éditeurs de logiciels (ISVs), les fournisseurs de services hébergés (MSPs), les grands fournisseurs et les intégrateurs d’infrastructures (ou Cloud builders dans le jargon business en vigueur).

Une année bousculée, notamment pour les VARs et les SSII, à qui l’évangéliste prédisait une « pression [accrue] des nouveaux pure players du Cloud » et une « explosion du nombre d’opportunités de ventes perdues face à des propositions Cloud et SaaS ». En réalité, Loïc Simon en convient, « les pure players sont restés timides cette année ».

« Il faut désormais expliquer pourquoi on ne fait pas de Cloud »


Mais la pression est bien là. À défaut de venir des pure-players, elle vient des clients, pour qui le Cloud est devenu de facto le modèle de delivery de l’IT et à qui « il faut désormais expliquer pourquoi on ne fait pas de Cloud ». Du coup, et « c’est le changement radical de 2013 », les VARs et les SSII sont passés d’une posture dubitative vis-à-vis du Cloud à une optique de « comment on fait », souligne l’évangéliste.

Concernant les VADs, qui font la promotion de leurs plateformes d’agrégation de services Cloud – c’est notamment le cas d’Arrow avec ArrowSphere et de Tech Data avec StreamOne – Loïc Simon pronostiquait une adoption plus lente que prévu par le channel. « Les VADs n’ont pas encore établi leur pertinence et leur crédibilité de distributeurs de services cloud », écrivait-il il y a un an. Une prédiction validée aujourd’hui, « ArrowSphere et StreamOne peinant à décoller vraiment ». Toutefois, il note qu’Arrow « a compris l’intérêt d’apporter un catalogue d’offres aux MSPs et exploite ArrowSphere à cet effet ».

Prédiction également validée pour les ISVs, submergés d’options possibles pour déployer leurs applications sur le Cloud ou pour développer des solutions Cloud natives. « Ils sont face à une [véritable] jungle d’offres provenant tant des MSP, que des CSP (Cloud Service Providers) et des fournisseurs de technologies ou de plateformes », souligne Loïc Simon.

D’autant qu’ils doivent en plus se poser la question de « l’évolution de leur métier vers un modèle de fournisseur de services business (ou BPaaS pour business process as a service) » et de comment intégrer des must have tels que la mobilité, l’analytique, le social business, etc. D’où la nécessité de ne pas se tromper dans le choix du partenaire qui les accompagnera dans toutes ces étapes.

Fin 2012, Loïc Simon constatait que les MSPs (Managed Service Providers) ou fournisseurs de services d’infogérance et/ou d’hébergement  avaient du mal à trouver une position solide dans le Cloud. Il s’interrogeait : doivent-ils s’attaquer à un marché IaaS/PaaS en cours de commoditisation par les Amazon, Google, MS Azure, IBM SmartCloud et les nouveaux arrivants tels que CloudWatt ou Numergy ? Peuvent-ils réussir dans des niches verticales ou communautaires à forte valeur ajoutée ? Peuvent-ils encore continuer à offrir du Cloud Canada Dry tout en restant à flot dans le tsunami Cloud ?

Trop tard pour devenir MSP


Des questions toujours d’actualité en ce début 2014 alors que l’année écoulée a été marquée par la « guerre des prix dans le IaaS » et la multiplication des MSPs, qui ont « poussé comme des champignons ». Dans ce contexte, l’évangéliste estime qu’il est déjà trop tard pour se lancer dans un modèle MSP compte tenu de la forte pression de la concurrence et de la difficulté à se différencier. Il juge plus opportun pour ceux qui n’ont pas encore démarré d’activité Cloud de s’orienter directement vers un modèle de Cloud service broker (CSB), consistant à exploiter des services produits par d’autres. L’exemple récent le plus emblématique est celui de SCC qui, après avoir hésité pendant deux ans à lancer sa propre plate-forme Cloud, vient d’opter pour une stratégie exclusivement de Cloud broker.

Pas de changement notable non plus – mis à part quelques exceptions, notamment chez IBM – pour les grands constructeurs et fournisseurs de technologies, qui « courent après l’or du Cloud depuis deux ou trois ans. Mais ils n’ont pas encore totalement adapté leurs processus, leurs indicateurs clés de performance (KPIs) et leurs mécanismes de reporting aux nouvelles règles du jeu du cloud. Sans parler de la difficulté à faire évoluer les compétences internes et les cultures ».

En revanche, l’évangéliste d’IBM remarque que « la grande majorité des aspirants Cloud builders essaient de développer, avec plus ou moins de bonheur, un business de MSP ». Mais ils « peinent à attirer, développer et garder les bons talents et compétences pour se différencier et se positionner en experts Cloud. Ils ont aussi du mal à proposer des solutions en opex (paiement en fonction de l’usage) au lieu de capex (achat) ».

Loïc Simon nuance également son analyse concernant les gagnants supposés du tsunami Cloud. Ainsi, il admet que 2013 n’a pas été l’année de la déferlante des fournisseurs de BPaaS (prestataires de services business, business process outsourcers et autres fournisseurs de contenus et de données qui exploitent des solutions IaaS, PaaS et SaaS pour proposer leurs propres services). Mais il reste convaincu que « c’est bien dans les usages business du Cloud que tout le monde voit désormais l’évolution des offres et solutions « valeur » ».

Pas de déferlante BPaaS, ni de vague d’AppStores B2B


Même déception du côté des AppStores B2B. Alors qu’il espérait détecter dès 2013 les gagnants potentiels dans la course aux services B2B d’agrégation, d’intermédiation, de courtage (brokerage) de places de marché, de communautés verticales ou de magasins d’applications (AppStores), Loïc Simon convient que pour l’instant, mis à part dans la mobilité BtoC, les exemples sont rares. « Beaucoup veulent être de la partie parmi les VADs, les Telcos, les distributeurs B2B ou les gros acteurs de l’IT et du web », rappelle-t-il toutefois.

Mais les grandes gagnantes de l’avènement du Cloud sont lesstartups SaaS, qui exploitent les ressources IaaS et PaaS mises à leur disposition et profitent de la guerre des prix que se livrent les grands faiseurs. Des startups SaaS qui font concurrence aux ISVs mais qui sont difficiles à classer dans les cases traditionnelles tant leur activité est protéiforme.

D’une manière générale, Loïc Simon note que les entreprises qui réussissent dans le Cloud se contentent rarement de n’endosser qu’un seul des modèles décrits ci-dessus mais en déploient souvent plusieurs simultanément. C’est le cas par exemple de la société Hardis, à la fois MSP, Cloud Broker, éditeur SaaS, fournisseur BPaaS, etc.

Autres grands gagnants de la révolution Cloud : les experts Cloud. « Consultants, architectes, intégrateurs, intégrateurs, développeurs, administrateurs, (bonjour devops !), avant-ventes, vendeurs, voire marketeurs cloud : tous sont chassés et attirés par les fournisseurs Cloud de tous types. C’est d’autant plus vrai en cette fin 2013 que le marché du cloud se complexifie à vitesse grand V. Plus personne n’est capable de tout embrasser, de tout comprendre. D’où la nécessité de faire appel à des experts de plus en plus pointus. »

Enfin, magie du Cloud, certains clients finaux, guidés par leur DSI ou leurs partenaires IT, réinventent leur business et fournissent eux-mêmes des services Cloud à leurs propres clients. « La frontière entre client et fournisseur IT devient floue. Toutes les entreprises [sont susceptibles de devenir] des fournisseurs de services cloud, mais, le plus souvent, elles ne le savent pas ou ne le disent pas. » L’une des manifestations de ce phénomène est que de plus en plus de startups se font désormais racheter par des sociétés dont les activités sont – étaient ! – en dehors de l’IT, constate Loïc Simon.