Cela fait plusieurs années que le Cigref dénonce les pratiques abusives des grands éditeurs de logiciels en position dominante que sont Microsoft, Oracle, Salesforce, SAP ou encore Google, pour leurs pratiques commerciales jugées déloyales. En 2018 déjà, il dénonçait notamment « l’adaptation continue des métriques, l’obsolescence programmée des logiciels par l’arrêt du support ou de la compatibilité avec les versions plus récentes pour forcer la montée de version, l’entrée de nouvelles technologies, ou des pratiques commerciales qui pourraient s’assimiler à de la vente liée, le but étant d’augmenter la facturation ».
Las sans doute de prêcher dans le désert, le groupement de grandes entreprises et d’administrations publiques françaises (et qui pilote par ailleurs le hub français du projet de cloud européen Gaia-X) compte bien peser sur le Digital Markets Act (DMA), une proposition de législation européenne sur les marchés numériques en discussion à Bruxelles, pour y inclure des obligations empêchant les pratiques déloyales d’octroi de licences logicielles. « Les logiciels jouent un rôle critique pour la majorité des entreprises. Les licences logicielles déterminent précisément où et comment ces logiciels peuvent être utilisés, et le prix que les entreprises paient. Il est alarmant de constater qu’au cours des dernières décennies, certains éditeurs de logiciels ont profité de leur situation de marché en utilisant ces licences pour restreindre les options des clients professionnels et leur imposer des contraintes techniques, contractuelles ou financières injustifiées », explique-t-il dans un communiqué.
Le Cigref s’est trouvé pour ce combat un allié de poids : le Cispe (Cloud Infrastructure Service Providers of Europe), qui regroupe une petite trentaine de fournisseurs d’infrastructures cloud en Europe. Si la majorité de ceux-ci sont bien entendus européens (OVHcloud, Ikoula, Outscale, Jaguar Network, Scaleway, CoreTech, IT.Net…), on y retrouve aussi AWS, qui fut pourtant accusé naguère par le Cigref de verrouiller le marché.
Les deux alliés ne s’invitent pas à la négociation les mains vides. Ils ont établi la FairSoftware.Cloud, une liste de 10 principes à respecter pour l’octroi de licences logicielles équitables. « La Commission européenne et les États membres sont invités à considérer ces principes pour élaborer des obligations pour les contrôleurs d’accès telles qu’entendues dans la proposition de législation pour les marchés numériques, ou d’autres législations », affirment ils dans le communiqué.
« Il est impératif que les utilisateurs ne soient pas enfermés par les pratiques commerciales ou techniques des fournisseurs qui seraient préjudiciables à la capacité d’évolution des systèmes, d’utilisation des données, d’innovation, et in fine préjudiciables à la compétitivité de nos entreprises. », précise dans le document Bernard Duverneuil, directeur du Digital et des Systèmes d’Information du Groupe Elior et président du Cigref. « Les décideurs politiques et parties prenantes ont une opportunité unique de mettre l’économie numérique européenne sur la bonne voie. »
« Nous avons une opportunité historique de nous assurer que la proposition de règlement européen Digital Markets Act répondra aux pratiques déloyales de certains éditeurs de logiciel établis pour promouvoir un marché du cloud juste et concurrentiel. Les principes sont un élément clé pour l’octroi de licences qui répondent aux attentes des clients et des consommateurs dans l’économie du numérique », complète de son côté Alban Schmutz, vice-président d’OVHcloud et président du Cispe.