Pratiquer le télétravail ne signifie pas nécessairement échapper au contrôle de son manager. Le sujet de la surveillance du salarié est ainsi réapparu autour de Microsoft Workplace Analytics, «un outil destiné à éviter l’épuisement professionnel des salariés » avait annoncé Microsoft lors de son lancement. Un outil permettant de surveiller les équipes ont en revanche jugé plusieurs lanceurs d’alerte. L’éditeur a depuis fait machine arrière en modifiant au début de ce mois le score de productivité calculé par le produit.

Malgré tout, la crise pousse à l’adoption d’outils de surveillance constate GetApp, la plateforme des logiciels métiers qui a mené l’enquête auprès de 1.418 professionnels en France : 1.309 employés (postes intermédiaires et surveillés) pratiquant ou non le télétravail et 269 managers et membres de la direction de PME utilisant des outils de surveillance.

Un premier constat s’impose : les investissements dans des logiciels de surveillance des employés sont à la hausse depuis le début de la crise de Covid-19. Les budgets initiaux ont été revus de 50% à 100% à la hausse pour 32% des répondants, et de 1 à 50 % à la hausse pour 29% des répondants. Si 22% des dirigeants n’ont pas appliqué de changement ou ont revu leur investissement à la baisse, 17% d’entre eux affirment investir un budget au moins 100 % supérieur à ce qui était prévu avant la crise. Les coûts vont de la gratuité à plus de 250 euros par mois pour l’ensemble des utilisateurs.

Près des trois quarts des dirigeants interrogés (73%) indiquent qu’ils poursuivront la surveillance des salariés après la crise. Il est vrai que 84% d’entre eux estiment que cette surveillance est positive (42%), voire très positive (42%) pour l’entreprise. Du côté des surveillés, 59% rejettent l’idée de la surveillance et 41% y voient au contraire des avantages (établissement d’un climat de confiance mutuelle, sécurité, preuve que le travail est réalisé, motivation pour atteindre ou dépasser les résultats ou encore prise en compte des heures supplémentaires…).

Les raisons de la mise en place d’un système de surveillance sont multiples (vérification de l’atteinte des objectifs, synchronisation des différentes parties prenantes, contrôle de la bonne utilisation des données sensibles etc). Sont également cités la vérification de l’absence de harcèlement, de discrimination ou de conflits, le repérage de vols et de prises de risque ou encore le dépistage de problèmes de communication ou d’organisation au sein d’une équipe. Une majorité des employeurs (67%) surveille l’activité sur ordinateur, viennent ensuite le contrôle de la présence (34%), la surveillance de l’espace de travail (25%), le contrôle des conversations audio (18%), des charges de travail (15%), de l’utilisation des réseaux sociaux et des communications numériques (13%), enfin 12% des répondants veulent connaître l’emplacement géographique du salarié (GPS).

Attention prévient GetApp, « les outils agrégeant des données de productivité peuvent parfois brouiller les frontières entre suivi de l’efficacité et contrôle excessif, lequel a tendance à s’avérer contreproductif. Elles peuvent aussi créer des réticences, voire du rejet de la part des employés, d’autant plus si les raisons de la surveillance ne sont pas explicitées, ou pire, ne sont pas justifiées. »

GetApp a divisé les salariés qui ont répondu à l’enquête en deux groupes : ceux dont l’entreprise utilise des outils de surveillance et ceux dont l’entreprise n’en utilise pas. Dans le groupe des salariés surveillés, 81% s’estiment « plutôt » à « très productifs » dans leur travail. Toujours dans ce groupe, 92% des télétravailleurs se disent « aussi productifs » ou « plus productifs ». Dans le second groupe, 72% des travailleurs se déclarent « plutôt » à « très productifs » dans leur travail tandis que 86% des télétravailleurs se disent « aussi productifs » ou « plus productifs ». Comme on le voit, dans les deux cas, une majorité écrasante de répondants se sentent productifs, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de télétravail. Mais, constatent les auteurs de l’étude, la proportion de travailleurs « surveillés » à se sentir productifs est toutefois supérieure. Cela dit, s’agit-il réellement de productivité ou bien s’estime-t-on productif car on a passé plus d’heures à son poste.

Cela peut surprendre mais les managers peuvent utiliser la surveillance comme levier d’une meilleure reconnaissance de leurs employés. C’est ce qu’assurent 61% d’entre eux qui affirment avoir ainsi accordé des bonus et des promotions. En revanche 21% d’entre eux indiquent qu’ils ont été obligés de prendre des mesures moins agréables (avertissement, blâme…), et 4% d’entre eux n’ont pas pris de telles mesures mais ont une opinion altérée de certains salariés. Enfin,14% des managers sondés n’ont pris aucune mesure.

Pour que la surveillance ne soit pas considérée comme un contrôle excessif et infantilisant, et pour obtenir de leurs salariés la meilleure productivité possible dans un contexte donné,« les dirigeants et managers se doivent d’appuyer leur décision de surveillance sur des objectifs concrets et les communiquer en toute transparence, sans oublier de prendre en compte les situations personnelles et, bien sûr, les recommandations de la CNIL », conclut l’étude.