L’Autorité de la concurrence vient d’épingler le constructeur allemand de solutions de solutions de vidéosurveillance et trois de ses grossistes français, ACTN, Be IP et Edox, pour pratiques anticoncurrentielles. L’autorité de la concurrence leur reproche en effet de s’être entendus entre 2012 et 2019 pour limiter la liberté tarifaire de leurs revendeurs et pour avoir restreint les ventes en ligne des produits de la marque. Des pratiques ayant eu pour effet de limiter la possibilité, pour les revendeurs, de proposer leurs produits en dehors de leur zone de chalandise et de priver les consommateurs finaux de la possibilité de profiter de prix concurrentiels, a estimé l’Autorité. Celle-ci leur a infligé de lourdes sanctions pécuniaires : Mobotix écope de près de 650.000 €, ACTN de près de 500.000 €, Be IP de près de 170.000 € et Edox de près de 100.000 €.

Que reproche concrètement l’Autorité de la concurrence à Mobotix et à ses grossistes ? Deux dispositions du contrat de distribution liant le constructeur et ses partenaires. La première stipule que les grossistes ne doivent pas publier de prix qui soient inférieurs aux prix public conseillés diffusés par Mobotix et qu’ils doivent s’assurer que leurs clients revendeurs en font de même. La seconde figure dans un tableau qui recense les engagements que doivent respecter les revendeurs en fonction de leur statut. Il est écrit que les revendeurs s’engagent à ne « pas [avoir] de boutique en ligne comme activité principale ».

Deux dispositions contrevenant aux articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Ce sont ces dispositions, aujourd’hui supprimées des contrats de Mobotix, qui ont justifié les sanctions. L’Autorité explique dans son jugement que Mobotix a mis en œuvre des mesures de surveillance des prix assises sur les stipulations de ses contrats de distribution. Des mesures justifiées par la nécessité de préserver les marges des partenaires (grossistes et revendeurs). L’Autorité précise que certains grossistes ont confirmé l’application effective de ces clauses et, le cas échéant, l’existence de mesures de représailles (réduction des remises). De même, les restrictions de ventes sur Internet a été confirmée par la plupart des grossistes et par certains revendeurs auditionnés au cours de l’enquête.

Cette affaire appelle plusieurs commentaires. D’abord, on peut s’étonner que ce genre d’affaire ne soit pas plus fréquent dans le secteur IT tant les pratiques de contrôle des prix semblent répandues. C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être des programmes partenaires qui visent à réguler la concurrence que se font les revendeurs afin de préserver la rentabilité de tous. Ensuite, il est surprenant de voir les grossistes de Mobotix se faire sanctionner alors qu’ils n’ont fait que se conformer à des contrats rédigés par Mobotix. Ce à quoi l’Autorité répond qu’en signant les contrats, ACTN, Be IP et Edox ont « acquiescé à l’invitation du fabricant [d’uniformiser les prix] ». On peut se demander enfin pourquoi les sanctions sont aussi lourdes. Dans le cas d’ACTN, la sanction pécuniaire représente par exemple plus trois fois ses bénéfices annuels.

Invités à s’exprimer, la plupart des protagonistes ont décliné ou sont restés très évasifs. Tous ont indiqué vouloir faire appel de la décision de l’Autorité. Affaire à suivre donc.

 

Addendum du 16/11/2021

Le grossiste ACTN a publié ce jour un communiqué de presse relatif à cette affaire. Nous le reproduisons ici in extenso :

« Aux termes d’une décision du 8 novembre 2021, l’Autorité de la Concurrence a condamné notre fournisseur MOBOTIX et 3 Grossistes dont ACTN, BE-IP et EDOX pour entente anticoncurrentielle (déc. n° 21-D-26).

Cette décision intervient après une procédure de 7 ans, initiée en 2014 à la suite du contrôle d’un revendeur installateur certifié MOBOTIX par les services de la répression des fraudes (DGCCRF).

ACTN est condamnée à une très importante amende à verser sous peu de
488 787 € pour les motifs suivants :

– MOBOTIX a piloté la politique tarifaire des installateurs de son programme de partenaires.

– Les grossistes auraient été invités à choisir des revendeurs-installateurs n’ayant pas une activité commerciale basée sur les boutiques en ligne, dans le cadre du programme de partenariat MOBOTIX.

Nous ne nous sommes entendus ni avec le fournisseur ni avec les autres grossistes.

Nous ne comprenons pas cette décision que nous avons décidé de contester devant la Cour d’appel de Paris.

Nous sommes condamnés sur le fondement d’un contrat d’adhésion rédigé par MOBOTIX en anglais, en 2012 et modifié en 2016, et d’un document non contractuel de 2016 trouvé sur le site internet de MOBOTIX. Les éléments du dossier montrent que nous n’avons pas exécuté les clauses qui nous sont opposées, bien au contraire.

ACTN n’a participé à aucune pratique anticoncurrentielle :

– Nous sommes totalement libres de nos prix qui sont négociés avec nos clients installateurs et nous n’interférons en aucune façon dans la propre politique tarifaire de notre clientèle professionnelle qui est concurrencée par d’autres revendeurs MOBOTIX et par d’autres marques sur un marché très largement fourni.

– Nous ne sélectionnons pas les installateurs qui participent au programme de partenariat et ne vérifions jamais s’ils vendent ou non par Internet.

Nous avons toujours considéré le programme de partenariat MOBOTIX comme ayant pour seul objet d’améliorer la qualité du service rendu, au travers des actions de formation et d’accompagnement des installateurs car les produits de ce fournisseur sont complexes et haut de gamme.

ACTN ne retire aucun bénéfice de ce programme qui a été décidé par le fournisseur MOBOTIX pour son réseau d’installateurs agréés sachant que nos prix sont fixés au plus bas et que nous ne dégageons qu’une très faible marge de la vente de ces produits.

Notre condamnation de 488 787 € est totalement injustifiée et nous avons décidé de la contester devant la Cour d’Appel de Paris dans laquelle siègent des magistrats spécialisés. »