Quelques jours après son plan cloud pour l’industrie 4.0 et ses 1,8 milliard d’investissements, le gouvernement annonce un nouveau plan en faveur d’une dynamique française pour l’intelligence artificielle doté de 2,2 milliards d’euros. Un budget dédié aux applications concrètes de l’IA de confiance et une initiative politique et économique qui ne souhaite pas se retrouver freinée par les inévitables débats sociétaux posés par l’IA.

En 2018, suite au rapport du député Cédric Villani, le gouvernement français annonçait un plan IA de 1,5 milliard d’euros pour notamment créer et développer un réseau d’instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) mais aussi investir dans des capacités de calcul pour la recherche publique.

Cette semaine, le gouvernement a annoncé la phase 2 de son plan IA dotée d’une rallonge de 2,2 milliards d’euros, dont 1,5 milliard de financements publics (provenant essentiellement du PiA4 et de France 2030) et 506 millions d’euros de cofinancements privés.

« Après une première étape axée notamment sur la recherche, cette nouvelle phase vise à renforcer la transformation de notre potentiel de R&D en succès économiques et à accélérer fortement, dans un contexte où de nouvelles générations d’IA offrent de nouvelles opportunités à saisir » explique le gouvernement.

Ce plan vise à faire de la France un leader dans les domaines de l’IA embarquée et de l’IA de confiance mais aussi à accélérer le déploiement de l’IA dans l’économie. Ces investissements doivent permettre de :

* Former au moins 2000 étudiants en DUT / licence / licence pro, 1500 étudiants en master et 200 thésards par an.
* Placer au moins 1 établissement universitaire dans la liste des leaders mondiaux
* Recruter 15 scientifiques étrangers d’envergure mondiale d’ici janvier 2024
* Capter de 10 à 15% du marché mondial de l’IA embarquée d’ici 2025
* Soutenir 10 projets d’IA de démonstrateurs ou de développement technologique d’IA frugale
* Lancer 4 démonstrateurs d’usages de l’IA dans l’automobile, l’aéronautique, l’industrie 4.0 et l’énergie d’ici fin 2022
*Accompagner 400 PME et ETI d’ici à 2025 dans l’adoption de solutions IA visant à accroître leur compétitivité
* Renforcer le transfert de la recherche à l’innovation par le passage à l’échelle de plusieurs accélérateurs, avec pour objectif de tripler le nombre de startups créées d’ici fin 2023
Développer les plateformes souveraines libres et leurs écosystèmes en data science, apprentissage machine et robotique et livrer 3 à 4 plateformes logicielles interopérables multi-acteurs, d’envergure européenne, dans les domaines de l’IA embarquée ou décentralisée et de l’IA de confiance. Et bien sûr participer à plusieurs projets de plateformes IA européennes.

Le gouvernement rappelle que la première phase a notamment permis à la France d’améliorer son attractivité et de se renforcer dans le domaine de la R&D privée favorisant l’implantation sur notre sol de laboratoires IA de grandes entreprises étrangères : Cisco, DeepMind, Facebook, Fujitsu, Google, HPE, IBM, Intel, Microsoft, NaverLabs, SAP notamment.

Cette seconde phase s’appuiera sur les réseaux et projets créés ou initiés lors de la phase 1 comme le réseau des quatre 3IA au cœur de la recherche publique-privée, le programme « Confiance.ia » et la librairie logicielle européenne SciKit-Learn.

« Conformément à l’ambition de France 2030, les talents sont au centre de notre stratégie : les pôles d’excellence et d’envergure internationale permettront à notre pays de jouer un rôle de référence dans le domaine de l’IA et participeront, au sein d’un plan de formation plus large, à fournir notre écosystème de startups et aux entreprises en cours de transformation les compétences dont elles ont cruellement besoin. De manière générale, cette stratégie ambitieuse doit nous permettre de « transformer l’essai » de la première phase et de faire émerger les futurs champions de l’IA» explique Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et de Communications électroniques.

Tout en prônant la nécessité d’une IA de confiance, le secrétaire d’État et la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, ont parallèlement plaidé pour une politique privilégiant la science et l’innovation face à une Europe et une France qui ont traditionnellement tendance à vouloir privilégier la protection et la réglementation.

« Il faudra de toute évidence que notre pays, et l’Europe de manière plus générale, soient capables d’avoir une discussion sur la question de la réglementation, mais un pays qui réagit uniquement à la question du risque va dans le mur et prépare son déclin » a ainsi averti Cédric O.

« Il faut montrer que chaque fois que c’est nécessaire, on protège et on régule, mais que chaque fois qu’on peut aller vers le progrès pour l’ensemble de la société, on y va » ajoute Frédérique Vidal. Cette dernière craint par ailleurs que les investissements en IA de la France connaissent le même sort que ceux de la santé où la France a financé la recherche et les premiers des startups pour finalement voir les vaccins et médicaments être finalisés et développés en Belgique, au Royaume-Uni et aux États-Unis. « Est-ce que nous vivons encore dans une société qui assimile les connaissances nouvelles au progrès ou est-ce que nous vivons dans une société qui assimile les connaissances nouvelles à une potentielle crainte ? » s’interroge-t-elle.