L’officialisation de l’offre de rachat de VMware par Broadcom pour 61 milliards de dollars trace la voie à l’émergence d’un nouveau géant des infrastructures informatiques. Après avoir été approuvée à l’unanimité par les deux conseils d’administration, la transaction doit encore recevoir les feux verts réglementaires et laisse 40 jours à un autre acquéreur pour surenchérir. La direction de Broadcom a toutefois bon espoir de la finaliser au cours de son prochain exercice, qui se terminera le 29 octobre 2023.

Après avoir pris le contrôle de Broadcom en 2015, le PDG milliardaire Hock Tan a poursuivi sa stratégie de méga-acquisitions avec CA Technologies et la division Entreprise de Symantec. VMware fait figure de joyau de la couronne de cet empire logiciel naissant, qui portera son nom. Le nouveau Broadcom devrait peser 40 milliards de dollars en revenus pro format, dont presque la moitié (49%) tirés du logiciel.  Le groupe attend notamment de VMware qu’il fasse croitre son Ebitda de 8,5 milliards de dollars d’ici 3 ans.

En plus d’être relutive pour Broadcom, l’opération devrait lui garantir une part importante de revenus récurrents du logiciel, le rendant moins dépendant aux cycles du marché des semi-conducteurs. Un bon point pour les investisseurs, mais sans retombées concrètes pour ceux impliqués dans l’écosystème de VMware.

Critiqués sur le faible bilan en termes d’innovation des précédentes acquisitions, les dirigeants de Broadcom ont cherché à convaincre que l’opération n’était pas purement financière. « Beaucoup d’entre vous ont une perception de Broadcom comme étant focalisée sur la maximisation des indicateurs financiers, plutôt que de maximiser l’innovation. Ce n’est pas correct car Broadcom a une histoire montrant qu’elle performe sur ces deux plans », ont-ils écrit dans un courrier interne aux salariés, consulté par nos confrères de la Tribune.

« La transaction combinera les principales entreprises de semi-conducteurs et de logiciels d’infrastructure avec un pionnier et un innovateur emblématique dans le domaine des logiciels d’entreprise, alors que nous réimaginons ce que nous pouvons offrir aux clients en tant que société de technologie d’infrastructure de premier plan », plaide Hock Tan dans un communiqué.

L’entreprise fait ainsi la triple promesse de fournir une plateforme étendue de solutions d’infrastructures critiques pouvant adresser les besoins les plus complexes en matière d’IT ; d’apporter plus de choix et de flexibilité pour créer, exécuter, gérer, connecter et protéger des applications à grande échelle ; et de réunir deux cultures axées sur l’ingénierie et l’innovation.

« Combiner nos atouts et notre équipe talentueuse avec le portefeuille existant de logiciels d’entreprise de Broadcom, tous hébergés sous la marque VMware, crée une entreprise remarquable du logiciel », ajoute Raghu Raghuram, le PDG de VMware. « Ensemble, nous offrirons encore plus de choix, de valeur et d’innovation aux clients, leur permettant de prospérer dans cette ère multi-cloud de plus en plus complexe. »

Michael Dell, qui reste le principal actionnaire de VMware avec 40,2% des actions en circulation, a donné son aval au projet de fusion, expliquant « qu’avec Broadcom, VMware sera même mieux placé pour fournir des solutions précieuses et innovantes à encore plus de plus grands entreprises. »

Mais vue la place centrale de WMware dans les infrastructures sur site et cloud, toute inflexion sera lourde de conséquences pour les clients et partenaires. Raghu Raghuram a raison de rappeler que « VMware a remodelé le paysage informatique de ces 24 dernières années ». Qu’adviendra-t-il de ses partenariats stratégiques alors que la priorité devrait être rapidement donnée à la recherche de synergies avec les autres activités de Broadcom ?

Les clients aussi peuvent appréhender les changements sur une offre si centrale dans leurs infrastructures et sur la façon dont évoluera sa commercialisation. Des analystes du Gartner et de Forrester ont laissé entendre que Broadcom pourrait augmenter les prix, comme il l’a fait après ses précédentes acquisitions.

« Nous allons nous concentrer sur une transition, et une transition rapide, de la licence perpétuelle à l’abonnement », a déclaré par ailleurs Tom Krause, président de la division logicielle de Broadcom, ajoutant qu’il visait pour le logiciel « des revenus récurrents à peu près à 100% ».

Une perspective qui engendre déjà de la nervosité chez certains partenaires de distribution de VMware. « Ils ne peuvent pas venir et changer immédiatement la façon dont nous travaillons avec nos clients. Nous ne tolérerons tout simplement pas cela », a mis en garde le dirigeant de l’un deux, interrogé par nos confrères de CRN.

De manière plus globale les partenaires attendent de voir la place que réservera Broadcom aux acteurs du channel. Sur ce point, Tom Krause s’est voulu rassurant : « Il y a une opportunité d’adopter le canal et le modèle de distribution à deux niveaux, avec des partenaires de distribution et des revendeurs clés à valeur ajoutée », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec des analystes. Peut-être l’amorce d’un changement de méthode.