La Cour de justice de l’Union européenne a estimé que le filtrage des échanges sur Internet pour empêcher le piratage était contraire au droit communautaire. Une décision qui encadre plus strictement Hadopi.

 

Voilà qui va compliquer la mise en place, voulue par le chef de l’Etat, d’une loi Hadopi 3 visant à lutter contre le streaming.

Appelée à statuer sur une affaire opposant en Belgique la SABAM (l’équivalent de la SACEM) au FAI Scarlet, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que « le droit de l’Union s’oppose à une injonction, prise par une juridiction nationale, d’imposer à un fournisseur d’accès à Internet la mise en place d’un système de filtrage afin de prévenir les téléchargements illégaux de fichiers. »

Depuis 2004, la société de gestion des droits d’auteur belge tente d’imposer à Scarlet un système de filtrage afin d’identifier les téléchargements illégaux de fichiers.

« La protection du droit de propriété intellectuelle est certes consacrée [en Europe], cela étant, il ne ressort nullement de cette disposition, ni de la jurisprudence de la Cour, qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue », estime la juridiction européenne. Autrement dit cette protection ne doit pas avoir le pas sur d’autres droits fondamentaux tels que la liberté de communiquer, le droit de protéger ses données personnelles ou encore la liberté d’entreprendre.

La décision de la Cour de Luxembourg encadre de manière plus stricte l’application de l’article L336-2 de la loi sur la propriété intellectuelle (modifié pour coller avec l’actuelle loi Hadopi). Celui-ci prévoit qu’un tribunal de grande instance peut à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés prendre « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. »

« Cet arrêt rappelle qu’au lieu d’encourager une escalade répressive, les décideurs publics européens doivent engager une véritable réforme du droit d’auteur, à même de protéger les libertés des citoyens?», se félicite Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de La Quadrature Net.

«?Après le rapport du rapporteur spécial pour la liberté d’expression de l’ONU pointant du doigt les dangers de la censure du net, ce jugement est un nouveau rappel à l’ordre. Il faut mettre un terme à l’extension continue du filtrage à de nouveaux domaines, et les législateurs européens doivent abroger toutes les mesures de contrôle d’Internet contraires aux libertés fondamentales.?», conclut-il.

Est-ce parce qu’il pressentait la décision de la Cour de Luxembourg ? Nul ne le sait. Toujours est-il que le ministre de la Culture, Frédéric Mitterand, estimait récemment qu’une loi Hadopi 3 était inutile.

Les opposants à la loi Hadopi ne doivent pas pour autant crier victoire. En effet, l’arrêt de la Cour de justice ne remet pas en cause le blocage des téléchargements illégaux à travers une liste noire de sites illicites, tel que pratiqué en France, un système qui n’oblige pas les FAI à analyser le contenu des échanges transitant sur leurs tuyaux.