Comment faire évoluer un modèle basé sur le négoce dans un secteur en pleine mutation où les services deviennent prééminents ? Telle est la problématique de nombreux revendeurs IT traditionnels.


Dans la distribution IT, la crise n’est pas seulement conjoncturelle. Elle est aussi structurelle. « Les problèmes de messageries pleines, de spams ou d’accès distants qui ne fonctionnent pas correctement, sont plus que jamais d’actualité et représentent de réelles entraves au développement des PME », juge Carla Annocaro, présidente du revendeur des Hauts-de-Seine JLL Informatique.

Le potentiel est donc bien là mais, pour beaucoup de revendeurs informatiques, ces problématiques clients deviennent de plus en plus difficiles à appréhender et à transformer en business profitable. « Désormais, pour tirer son épingle du jeu, on ne doit plus vendre un serveur mais un service d’hébergement », résume Carla Annocaro. Une marche forcée vers les services qui n’a rien de nouveau en soi mais qui s’accélère et qui reste d’une brûlante nécessité pour la grande majorité des revendeurs.

 

La part des services continue de progresser

« La vente de matériel devient un métier de miséreux », n’hésite pas à déclarer Nicolas Leroy-Fleuriot, pdg de Cheops Technology, pour qui la seule voie possible consiste à vendre de plus en plus de services. Même chez les plus avancés, tels Overlap, pour qui les services pèsent déjà plus de 32% du chiffre d’affaires, on se dit convaincu que la part des services va continuer à progresser. Et pour n’avoir pas su développer assez vite ce ratio services dans son activité, Philippe Mamy, pdg de Neyrial Grand-Est a ainsi dû se résoudre à placer sa société en procédure de sauvegarde il y a deux mois.

 

Pour autant, personne ne songe à abandonner le négoce. Cela reste une nécessité pour vendre du service, voire « un avantage compétitif face aux pures SSII qui n’ont en général pas les ressources pour approvisionner et déployer les infrastructures sur lesquelles elles interviennent », estime Nicolas Leroy-Fleuriot.

Un des nœuds du problème : faire évoluer les commerciaux


Mais ne vend pas du services qui veut. Les échecs d’Ista en la matière et de beaucoup d’autres depuis sont là pour le rappeler. « La difficulté, c’est que cette approche services change notre manière de vendre, poursuit Carla Annocaro. C’est toute la philosophie de l’entreprise qui doit être adaptée à commencer par celle des commerciaux, qui sont en première ligne ». Ces derniers doivent impérativement apprendre à travailler en harmonie avec les techniciens alors qu’ils avaient jusqu’ici tendance à rester en vase clos, estime-t-elle.

Ce qui est loin d’être une sinécure, comme le confirme  Nicolas Leroy-Fleuriot, qui a eu à gérer l’intégration de 250 salariés Ares suite au rachat de sa division SIS en 2008. « Il a fallu consacrer beaucoup de temps et d’énergie pour expliquer notre stratégie, faire comprendre que les prestations ne se bradent pas et arriver à ce que les intéressés se positionnent sur des projets d’infogérance et cessent de répondre à des appels d’offre purement infrastructures à 3% de marge », soutient-il. Un changement de culture qui ne s’est pas fait sans casse, comme le reconnaît Nicolas Leroy-Fleuriot. « Il a fallu mettre à l’écart les plus rétifs au changement ».

Des recrutements de plus en plus difficiles


Mais si l’ancienne génération a du mal à s’adapter, la nouvelle n’est pas forcément mieux préparée. Les bons profils restent extrêmement rares. « On reçoit des centaines de candidatures de personnes soit disant compétentes dans notre secteur d’activité et qui s’avèrent en fait ne pas tenir la route », témoigne Michel Marchandise, pdg du revendeur varois Erica. Inadaptation des diplômes à la réalité du marché ? Probablement.

Nicolas Leroy-Fleuriot a résolu le problème en prenant le parti d’influencer directement les cursus de formations des écoles qui lui servent de vivier. Administrateur de la Miage Bordeaux, il est aussi conseiller à l’IUT informatique et ses collaborateurs interviennent dans le cursus Sup de Co. « Cela nous permet de repérer les meilleurs étudiants et de participer à l’élaboration des programmes de manière à bénéficier de recrues les plus opérationnelles possibles en sortie d’école », glisse-t-il.

Des clients peu enclins à rompre avec les vieux réflexes


Une transition vers la compétence technique d’autant plus difficile à conduire, que les clients ne sont pas prêts à renoncer facilement à leur approche uniquement fondée sur le prix.  « Nous sommes de plus en plus confrontés à des acheteurs qui n’ont aucune compétence informatique et qui font passer nos arguments techniques à la trappe », souligne Michel Marchandise.

 

Un phénomène qui touche aussi les plus grands : « les clients sont toujours tentés de demander des cotations et de discuter les prix. A nous d’être créatifs et de démontrer au client qu’en acceptant d’être accompagné il fera in fine une économie », remarque Georges Horoks, pdg de l’intégrateur coté Overlap.

Seule échappatoire : mutualiser les compétences


Au-delà du changement de culture, les revendeurs doivent également affronter  une complexité qui va croissant. Pour réussir leur mue vers les services, ils doivent en théorie se barder de certifications et d’expertises. Compétences qu’il leur est bien évidemment impossible d’acquérir toutes. D’où la montée en puissance actuellement constatée des regroupements formels et informels : rapprochements capitalistiques, constitution de réseaux d’indépendants, relations de co-traitance et de sous-traitance…

 

Quelle que soit la formule, le but est chaque fois le même : mutualiser les compétences afin de pouvoir proposer une palette d’expertises la plus large possible.  Et tout le monde s’accorde à dire que le mouvement ne fait que commencer.