Proservia a annoncé avant l’été un accord avec Manpower pour lui céder la majorité de son capital. Nous avons demandé à Thierry Congard, son fondateur et principal actionnaire, ce qui l’avait incité à s’adosser.
Channelnews : En tant qu’entreprise cotée ayant toujours respecté ses prévisions de résultat, vous aviez les moyens de poursuivre votre croissance. Qu’est-ce qui vous a convaincu de céder la majorité de votre capital ?
Thierry Congard : Le métier change. Beaucoup de SSII restées en mode assistance technique vont disparaître faute d’avoir basculé sur le mode forfait ou l’infogérance qui se sont imposés au cours des cinq dernières années. En ce qui nous concerne nous avons bien pris ce virage mais se pose aujourd’hui pour nous la problématique du référencement. On est rentré dans un monde de process. Une tendance qui s’est exacerbée avec la dernière crise. Désormais on achète des prestations de services comme des biens matériels. Il y a des grilles tarifaires en fonction des profils, il faut répondre à des critères (de taille, de chiffre d’affaires de spécialisation, de couverture géographique, etc.) de plus en plus drastiques.
Malgré nos 930 collaborateurs, nos quelque 50 M€ de chiffre d’affaires et nos seize implantations, nous avons de plus en plus de mal à gagner de nouveaux clients. Quant à nos clients existants, ils nous demandent de les accompagner à l’international. Ce qui qui suppose de nouveaux moyens financiers et des risques accrus. Des risques qui auraient pu peser sur l’emploi si cela avait dû mal tourner. Or les 930 emplois de Proservia sont ma plus grande fierté. Je ne voulais pas prendre le risque de licencier un jour.
Qu’est-ce qui vous a convaincu d’accepter l’offre de Manpower ?
Thierry Congard : Manpower a une philosophie de la gestion des ressources humaines proche de la nôtre. Je sais qu’ils vont s’occuper de nos collaborateurs de telle façon que l’emploi sera pérennisé. Je suis certain de les laisser entre de bonnes mains, d’autant que Proservia restera une entité autonome. Manpower s’est engagé à tout préserver l’effectif, y compris le back-office. Avec ses 3,9 Md€ de chiffre d’affaires en France (19 Md$ au niveau mondial), le repreneur va apporter à Proservia un accès au référencement par le haut et des perspectives importantes de développement. Il a l’ambition de porter rapidement le chiffre d’affaires de l’entreprise à 350-400 M€.
Vous invoquez votre approche RH. En quoi ce point revêt-il autant d’importance ?
Thierry Congard : J’ai toujours misé sur des collaborateurs dont les autres ne voulaient pas, soit qu’ils étaient trop jeunes, soit trop âgées, soit trop moches ou n’ayant pas les bons diplômes. J’ai moi-même échoué deux fois au bac et je n’ai créé mon entreprise que parce qu’on me refusait une direction d’agence au motif que je n’avais pas le bon cursus. Du coup, j’ai toujours donné plus d’importance au savoir être qu’au savoir-faire considérant qu’il était aisé de former quelqu’un à au métier pourvu qu’il ait la tête bien faite et la motivation. Une motivation qui ne dépend soit dit en passant pas uniquement de la rémunération mais aussi de la manière dont on prend en compte les attentes de la personne, dont on accompagne sa carrière en la formant et en la promouvant. J’ai toujours pensé que la richesse d’une société de services, c’était ses collaborateurs et que la gestion de la performance n’était pas incompatible avec la création de valeur.
Quelles sont les modalités de la transaction ?
Thierry Congard : Je ne peux rien dévoiler avant la conférence de presse prévue ce jeudi à 17h00.
Allez-vous rester aux commandes de l’entreprise ?
Thierry Congard : Je vais accompagner quelques mois le repreneur et je me tiendrai à sa disposition en cas de besoin. Mais ce n’est plus moi qui prends les décisions. Croyez-moi, c’est difficile car je suis très attaché à cette entreprise que j’ai bâtie de zéro. Mais, je veux pouvoir traverser la rue et saluer mes anciens collègues la tête haute.