Le procédé n’est pas banal. Les représentants CFE-CGC des personnels de Numericable-SFR, mais aussi d’Orange, ont envoyé une lettre ouverte à la secrétaire d’État du Numérique, Axelle Lemaire, au ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, et à la ministre du Travail et du Dialogue social, Myriam El Khomri, pour les alerter de la situation qu’ils jugent préoccupante des salariés de Numericable-SFR. Ils demandent aux représentants de lÉtat « d’intervenir au plus tôt pour travailler à l’apaisement d’un contexte qui rappelle de manière très inquiétante les prémices de la crise sociale intervenue en 2009 chez France Télécom », faisant ainsi référence aux nombreux suicides de salariés qui se sont produits chez l’opérateur historique..

« Les acquisitions tous azimuts du Groupe Altice, maison mère de Numericable-SFR, supportées par un endettement vertigineux, sont de plus en plus inquiétantes pour la pérennité des entreprises rachetées. Même les marchés financiers doutent aujourd’hui de cette stratégie, qui engendre une pression insoutenable sur les entreprises appartenant au Groupe Altice et sur leurs salariés, sommés de faire une course impossible au profit à court terme », estiment les syndicalistes qui font le parallèle entre la réduction des coûts engagée par Patrick Drahi à celle entreprise chez l’opérateur historique en 2002, « mais de manière encore plus violente ».

Numéro un du palmarès de la honte

« L’entreprise est en tête du palmarès de la honte en ce qui concerne le paiement de ses fournisseurs, auxquels on demande non seulement d’attendre, mais encore de diminuer leurs factures, mettant en péril leur survie économique. Les salariés sont directement impactés, dans leur activité professionnelle pour tous ceux qui sont en contact avec les sous-traitants, dépendants de leur activité, ou parce qu’ils ne disposent plus des moyens nécessaires à l’exercice normal de leur métier… et jusque dans leur accès à la cantine de l’entreprise, dont le prestataire n’a pas été payé », poursuit la lettre.

Les signataires s’inquiètent par ailleurs de la chute des investissements qu’ils estiment très inquiétante pour la pérennité de l’entreprise « qui a déjà perdu 1,2 millions de clients en un an », et préoccupent les salariés.

Ils s’insurgent contre le versement d’un dividende au titre de l’exercice 2015 financé par un emprunt de 1,6 milliard d’euros pour compléter les liquidités disponibles. « Comment, ainsi asséchée de toute liquidité, et peut-être bientôt de capacité d’emprunt, Numericable-SFR pourra-t-elle redresser la barre des investissements et du paiement des fournisseurs ? Et quel est son futur ? », s’interrogent les syndicalistes, indiquant que cette situation est très anxiogène pour les salariés de l’opérateur.

Absence de dialogue social

« Tandis que les sous-traitants sont congédiés et que les départs volontaires se succèdent, les salariés qui restent ont de plus en plus de mal à faire face. Et si la direction dénie toute violence managériale, comme l’ont fait en leur temps les dirigeants de France Télécom aujourd’hui sous le coup d’une procédure pénale, la CFE-CGC est dans l’obligation de constater l’explosion des arrêts maladie, le découragement des équipes, les collègues au bord du burn-out, le tout sur fond d’absence de dialogue social. De telles alertes ne doivent plus, ne peuvent plus être ignorées ».

Les auteurs de la lettre ouverte demandent une médiation du gouvernement « pour stopper la violence sociale et ramener la direction à la raison financière ». Ils réclament également la mise en place de règles garantissant la pérennité de la filière télécoms en France telles que l’attribution des licences en contrepartie du maintien de l’emploi dans l’Hexagone ou l’interdiction de lever des emprunts pour distribuer des dividendes.

« Est-il admissible, est-il digne d’un monde « civilisé » que les salariés d’un secteur a priori porteur d’innovation soient aujourd’hui traités comme au temps des maîtres de forges ? », s’interrogent en guise de conclusion les représentants syndicaux.