L’Autorité de la concurrence vient de condamner solidairement Altice Luxembourg et SFR Group à payer une amende de 80 millions d’euros pour avoir, avant d’en avoir reçu l’autorisation, réalisé deux opérations de concentration dans le secteur des télécoms en 2014. Elles concernent le rachat par Numericable de SFR et d’OTL, le groupe qui opérait sous la marque Virgin. « Cette décision constitue une première en Europe et dans le monde, par l’ampleur des pratiques sanctionnées et le niveau de la sanction infligée », indique le régulateur dans un communiqué. « L’Autorité de la concurrence adresse ainsi un message fort aux entreprises : elles doivent être vigilantes à ne pas mettre en œuvre de façon anticipée une concentration, sous peine d’encourir de lourdes sanctions », précise encore le document.

Lors une visite chez Numericable en avril 2015, l’Autorité a saisi des documents qui démontraient du « gun jumping », autrement dit une réalisation anticipée d’opérations. « Dans le cas d’espèce, bien que la propriété des actifs n’ait pas été transférée pendant la période suspensive,  les éléments du dossier montrent que les comportements mis en œuvre par Altice l’ont conduit à exercer une influence déterminante sur ses cibles et lui ont permis d’accéder à de nombreuses informations stratégiques, avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence », indique le communiqué. .Ainsi, dès juin 2014, Altice est directement intervenu sur la politique tarifaire de SFR concernant les offres d’accès internet à très haut débit. Le 4 juillet suivant, deux semaines après une intervention du président d’Altice, Patrick Drahi, SFR a suspendu une offre promotionnelle sur la fibre, qui devait initialement se poursuivre jusqu’au 25 août. L’Autorité a par ailleurs constaté qu’Altice avait pris, avant l’autorisation, des décisions stratégiques pour le compte d’OTL concernant notamment l’hébergement de la clientèle Virgin d’OTL auprès d’autres opérateurs.  Ce sont-là quelques exemples parmi la dizaine d’infractions citées dans le document.

Dans un communiqué, Altice explique qu’il ne nie pas ses pratiques et accepte la sanction, mais plaide la bonne foi, tout cela ayant été fait selon lui dans « un climat d’incertitude juridique ». Il ajoute qu’il souhaite restaurer un dialogue constructif avec le régulateur.

Même si la facture paraît lourde, le groupe s’en tire finalement à bon compte. En effet, l’amende pouvait atteindre jusqu’à 500 millions d’euros.