Deux mois après l’annonce de son retrait du marché de l’impression jet d’encre, le patron de Lexmark France revient sur les raisons de cette décision et détaille le nouveau positionnement stratégique de l’entreprise.

 

Channelnews : Qu’est ce qui a conduit Lexmark à annoncer fin août l’arrêt de son activité de fabrication de systèmes d’impression jet d’encre ?

Renaud Deschamps : Un constat et une nécessité. C’est un marché fondamentalement tiré par le grand public, qui nécessite des investissements considérables pour rester dans la course, et dont la rentabilité est de moins en moins assurée. En parallèle, nous avions besoin d’optimiser nos investissements pour rendre nos plates-formes laser plus productives et achever notre repositionnement sur la gestion des documents et des processus clients.

Vous voulez changer de métier ?

Renaud Deschamps : nous ne renions pas notre métier de fabricant de systèmes d’impression mais nous sommes en train de devenir beaucoup plus que cela. Depuis quelques années, nous militons pour que nos clients impriment moins et ça commence à devenir une réalité. Toutefois, le nombre de documents créés continue de croître de façon spectaculaire. Or 80% de ces documents ne sont pas rattachés au système de gestion central de l’entreprise. Et cela se corse encore quand on parle des processus auxquels ces documents sont reliés. À 70%, ils ne sont pas gérés par le système d’information et conduisent à des décisions prises hors cadre établi. Par exemple, lorsque l’on souhaite transférer un employé dans un autre service, on peut facilement avoir accès à ses feuilles de paie ou ses absences mais pas à son contrat de travail. Ou dans le cas d’une facture litigieuse, il peut être complexe de réunir tous les échanges mails et téléphoniques qui ont entouré cette facture. Notre objectif, c’est de rattacher ces documents et processus au système d’information central de l’entreprise en nous appuyant sur nos infrastructures d’impression et de capture déjà déployées.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Renaud Deschamps : Depuis deux ans nous avons racheté plusieurs éditeurs qui nous ont apporté les briques essentielles dans la réalisation de ce dessein. Perceptive Software, que nous avons racheté en 2010, nous a apporté les briques gestion de contenu (ECM) et gestion de processus (BPM). L’avantage de Perceptive Software, c’est son mode apprentissage qui permet de rechercher les documents non structurés se réfèrant au même sujet que celui que vous êtes en train de consulter. Ça en fait un bon complément des solutions de Geide traditionnelles, telles Documentum ou FileNet, qui sont beaucoup plus coûteuses à déployer et qui demandent à être constamment enrichies pour faire face à l’afflux des documents qui submergent l’entreprise. Autre brique essentielle : Brainware, racheté en mars dernier, et sa technologie de capture capable de reconnaître les documents soumis avec un taux de reconnaissance de plus de 90% sans qu’il soit nécessaire de maintenir une bibliothèque de modèles. Nous avons également racheté l’éditeur Pallas Athena fin 2011, dont la technologie de détection de processus non structurés permet de modéliser les processus de décision réels des entreprises. Enfin Nolij et Isys (mars 2012) nous ont positionnés sur le marché universitaire étasunien et les systèmes de recherche internest et externes.

Avez-vous l’intention de revendre votre technologie jet d’encre ?

Renaud Deschamps : Oui. On arrête la R&D on souhaite vendre* les brevets (il y en a plus d’un millier). Et on va continuer de supporter les équipements en vente (on va continuer d’en produire jusqu’à la fin de l’année) ainsi que le parc installé, notamment en continuant la vente des consommables.

Ne craignez-vous pas de perdre des partenaires ?

Renaud Deschamps : Non, du moins dans le BtoB. La plupart de nos produits étaient vendus par la grande distribution et on pense que le jet d’encre est moins adapté au monde professionnel que le laser. Certes, le poids du jet d’encre y avait tendance à augmenter mais les partenaires compenseront en se dirigeant vers d’autres marques et en nous achetant plus de produits laser.

* Dans la version initiale de l’interview, Renaud Deschamps avait indiqué par erreur que les brevets n’étaient pas à vendre.