Entre une demande toujours léthargique, la remontée du dollar, la fin de vie de Windows 7, les tensions persistantes sur les encours et les ultrabooks qui ne décollent pas, la rentrée risque d’être acrobatique pour le channel.

Quelles sont les tendances business de cette rentrée aussi bien côté pro que grand public ? C’est la question que nous avons posé à trois grossistes représentatifs : Ingram Micro, ETC et Westcon Security. Autant le dire d’emblée que personne ne s’attend à un mois de septembre exceptionnel. Les approvisionnements validés en juin ont été très prudents, souligne ainsi Yann Hallosserie, directeur marketing d’Ingram Micro. Le début du mois de septembre n’est jamais très dynamique, observe pour sa part René-Luc Caillaud, Pdg d’ETC.

Il faut dire que l’évolution de l’activité de ces derniers mois n’invite pas à l’optimisme. Si le mois de juillet a été plutôt bon, globalement les ventes se tassent depuis mars dernier. Et le mois d’août a été particulièrement terne. « On a retrouvé le mois d’août des années 80-90 lorsque Internet et les mobiles n’existaient pas et que tout s’arrêtait pendant un mois », ironise René-Luc Caillaud.

De fait, les motifs de pessimisme ne manquent pas : marché des PC qui décline, déconfiture des systèmes d’impression, attentisme induit par la sortie fin octobre de Windows 8, tensions persistantes sur les encours… Et personne ne se fait trop d’illusions sur le potentiel des ultrabooks, censés redonner des couleurs à un marché PC asthmatique.

Des réserves qui se fondent sur l’équation suivante : ultrabook = ultra-cher. « Les constructeurs de PC espèrent freiner la déferlante Apple en sortant des produits aussi bons que les Mac, décrypte Yann Hallosserie. Mais c’est un fantasme de penser que le client final, qui a pris l’habitude de payer son notebook 400 €, va suivre à grande échelle ». Pour la moitié du prix d’un ultrabook, les clients finaux peuvent s’offrir une tablette. Et s’ils ont vraiment besoin de renouveler leur PC, il est vraisemblable que beaucoup préféreront, à prix comparable, s’équiper d’un PC traditionnel assorti d’une tablette plutôt que d’un ultrabook.

Autre paramètre qui pourrait freiner les ventes des prochaines semaines : la hausse du dollar qui renchérit les prix des produits. « En quelques mois, le dollar est remonté de 12 à 13% », estime René-Luc Caillaud. Certes, cela ne peut qu’améliorer la marge commerciale des revendeurs mais cela va les obliger à reprendre les devis et cotations des affaires du deuxième trimestre non finalisées à ce jour.

Yann Hallosserie, entrevoit toutefois une opportunité à court terme dans ce renchérissement du dollar car cela favorise les actuelles configurations sous Windows 7. Le grossiste est donc en train de s’organiser pour préserver des stocks de PC sous Windows 7 jusqu’à la sortie de Windows 8 et même au-delà en misant sur l’attractivité des offres de mise à jour que prépare Microsoft (15 €).

Parmi les phénomènes qui finissent par avoir un effet néfaste sur le business, René-Luc Caillaud cite également la généralisation des remises à la quantité. Pratiqué depuis toujours par Lenovo, cette politique a depuis été adoptée par l’ensemble des marques, y compris Sony, pourtant peu enclin à verser dans les guerres de prix. Car, cette pratique a tendance à tirer les prix vers le bas.

Mais ce n’est que l’arbre qui cache la forêt, tant les promotions sont devenues la règle et leur absence l’exception. La distribution IT BtoB est devenue pire que la grande distribution, plaisante René-Luc Caillaud. Depuis un an, tous les acteurs s’y sont mis, faisant plonger leurs résultats et habituant les partenaires à l’idée que pour dégager de la marge il faut faire la chasse aux promos. Du coup, ceux-ci adoptent de plus en plus des comportements opportunistes et les tarifs ne veulent plus dire grand-chose, comme le souligne Yann Hallosserie. Mais selon lui, cette surenchère permanente finit par manquer de lisibilité et perdre de son efficacité.

Heureusement, il y a des ilots de croissance, comme la mobilité, les solutions d’infrastructures, les logiciels avancés, les services d’intégration et de support…Encore faut-il être préparé pour en profiter. Ainsi, au-delà des tablettes, qui continuent de très bien fonctionner – GfK anticipe une croissance de 140% cette année mais encore faut-il travailler avec le leader du marché ou à tout le moins son principal challenger Samsung – le marché des mobiles vendus sans abonnement est en plein boom depuis l’arrivée de Free Mobile. Un marché qui profite avant tout au channel, dont le poids est passé de 3% il y a un an à 20% de l’ensemble du marché mobile actuellement, selon Ingram Micro.

Autre domaine en forte accélération : les datacenters sous l’impulsion du cloud qui oblige à repenser l’ensemble des infrastructures, que ce soit au niveau des serveurs, du stockage, du réseau, des équipements de sécurité… Mais si le cloud est déjà un driver de business pour les grossistes à valeur ajoutée tels Westcon Security, ce n’est pas encore réellement le cas pour les généralistes comme Ingram Micro. Il a fallu du temps pour savoir comment le channel allait s’insérer dans la chaîne de valeur cloud et comment le cloud allait être facturé, explique Yann Hallosserie. Les revendeurs y vont encore avec parcimonie car les solutions disponibles ne sont pas encore mûres pour les déploiements massifs.

Corolaire de cette poussée des infrastructures, le BYOD (bring your own device) commence à faire de émules avec son lot de nouvelles problématiques (gestion des mobiles, sécurisation, gestion des performances applicatives, etc.). « Fait intéressant, ces besoins s’expriment dans les petites entreprises de quelques salariés au même titre que dans les plus grandes », souligne Fernando Martins, directeur commercial et marketing de Westcon Security. «  contrairement aux idées reçues, ce n’est pas une chasse gardée opérateur et le channel y a toute sa place », ajoute-t-il. Cela reste toutefois un marché en devenir avec beaucoup de maquettes mais encore peu de concrétisations.