En étalant ses différents avec Apple sur la place publique, eBizcuss a en quelque sorte ouvert la boîte de pandore, jetant une lumière crue sur le malaise profond qui règne au sein des Premium Resellers et sur les pratiques peu reluisantes d’Apple.

Des pratiques détaillées par le menu dans une longue enquête des Echos, publiée dans son édition du mardi 7 février. Tout y passe : le chantage à l’approvisionnement, les audits-sanction, les discriminations à la livraison, les nouvelles exigences permanentes, les marges qui baissent inexorablement, l’intransigeance des représentants de la firme à la pomme, son unilatéralisme…

 

Mais au-delà de la stigmatisation des turpitudes d’Apple, ces différents témoignages sont symptômatiques des difficultés que rencontrent les Apple Premium Resellers (APR) et de leur extrême fragilité. Une fragilité illustrée par leur faible rentabilité : « je ne connais pas d’exemple d’APR dont la rentabilité soit supérieure à 2%, explique le patron de l’un d’eux. Et bien souvent, celle-ci ne dépasse pas 0,5% à 1% pour ceux qui ont encore le privilège de faire des profits ».

 

Une rentabilité anémique

 

Une rentabilité insuffisante pour assurer leur pérennité à moyen terme. D’autant que les mesures d’audits imposées par Apple l’année dernière peuvent faire varier de 1,3 à 1,5 points leur marge d’un semestre à l’autre. Un mauvais audit peut donc suffir à faire basculer un APR du profit aux pertes.

 

À cela s’ajoute l’épée de damoclès que constitue le passage au nouveau format APR. Un nouveau format aux critères tellement drastiques qu’une partie des actuels APR sont dans l’incapacité de se conformer aux nouvelles exigences. « Or la perte du statut APR et des marges arrières afférentes, signifie pour la plupart des boutiques concernées la mort assurée », estime notre patron d’APR.

 

Une distorsion de concurrence assumée

Mais l’événement qui a fait douter les plus confiants, a été les ruptures franches qui ont touché l’ensemble des APR à partir de l’été sur un certain nombre de produits phares (MacBook Air, écrans Thunderbolt, iPad2) alors que les autres canaux de la marque (stores Apple, Fnac, hypermarchés…) étaient normalement approvisionnés. Une situation d’autant plus perturbante pour les APR que, pour la première fois, Apple l’a totalement assumée, leur répondant qu’il était au courant mais qu’il n’avait pas l’intention d’y remédier, témoigne notre patron d’APR.

 

Ajoutez à cela, la rafle des marchés Education par le tandem EconocomComputacenter, qui a fait irruption dans le réseau Apple au cours de l’année avec un agrément taillé sur mesure, les points de marge grattés ici et là par Apple sur les fonds marketing ou les conditions de paiement, les ouvertures de magasins Apple en propre, le référencement chez de nouvelles enseignes de distribution comme Boulanger ou Top Office, les iPhones que les APR sont officiellement habilités à vendre et dont ils n’ont pourtant jamais vu la queue d’un en cinq ans…

 

La chappe de plomb commence à se fissurer

Autant d’éléments qui, mis bout à bout, ont fini par brouiller la confiance inébranlable que certains plaçaient en Apple et ont conduit eBizcuss au point de non retour. Car, il est important de le rappeler, en attaquant Apple, la société s’expose à la dissolution immédiate de son contrat. Une mesure de rétorsion que qu’Apple n’a pas mis à exécution. Pour l’instant. Peut-être parce que quinze magasins sont en jeu et qu’Apple a déjà fort à faire avec le dépôt de bilan de YouCast.

Soucieux de ne pas insulter l’avenir, et surtout de ne pas inquiéter leur banquier à la veille d’investir pour leur migration en APR v2, la plupart des APR ? ils sont une grosse vingtaine représentant soixante-quatre boutiques ? gardent pour l’instant le silence. Mais ils viennent de franchir un pas important en se regroupant dans une association chargée de veiller sur leurs intérêts. Présidée par Elie Abidbol, patron de MCS à Nice et à Cannes, cette association s’est fixé comme objectif de les représenter auprès d’Apple, de les promouvoir en tant que canal de distribution et de négocier pour leur compte des conditions commerciales et des promotions auprès des fournisseurs.