Trois Français sur quatre souhaitent que l’enseignement de la programmation informatique soit intégré aux cursus scolaires. C’est ce que montre la dernière livraison du baromètre Syntec Numérique – BVA.

La question de l’enseignement de l’informatique – en tant que discipline à ne pas confondre avec l’utilisation de l’informatique pour certains cours – n’est pas nouvelle. Il y a trente ans, en 1983, Maurice Nivat, professeur à l’université Paris VII (Denis Diderot) remettait son rapport intitulé « Savoir et savoir-faire en informatique[1] » aux ministres de l’Éducation nationale et de l’Industrie et de la Recherche, respectivement Jean-Pierre Chevènement et Alain Savary. A une époque où l’informatique était encore confinée dans les data centers et où les premiers PC entraient encore timidement dans les entreprises. Ce rapport faisait suite au rapport d’Abel Farroux sur la filiale électronique qui soulignait le manque cruel d’informaticiens de tous niveaux – chercheurs, ingénieurs, techniciens, enseignants – en France.

Le professeur Nivat affirmait l’existence d’un savoir informatique indispensable à qui veut maîtriser l’outil informatique et proposait d’enseignement les bases de la discipline informatique dans le secondaire. Quelques mois plus tard, en 1985, Laurent Fabius, alors Premier ministre, présentait le Plan Informatique pour tous qui devait permettre d’initier les 11 millions d’élèves du pays à l’outil informatique et dans un objectif second de soutenir l’industrie nationale. Ce plan, qui avait retenu les sociétés françaises Exelvision, Léanord, SMT Goupil, Thomson, Bull, Logabax, devait permettre d’initier les élèves à la programmation en retenant notamment le LSE (Langage Symbolique de l’Enseignement) était un langage de programmation conçu au début des années 1970 par une équipe de Supélec sous la direction d’Yves Noyelle comparable au Basic.

Depuis cette époque que s’est-il passé ? Pas grand-chose si l’on lit la lettre que Maurice Nivat avait envoyé en 2007 à Nicolas Sarkozy, Président de la République dans laquelle il faisait un constat assez simple[2] : « L’informatique est à l’évidence l’une des principales sources d’innovation scientifique et technologique depuis plusieurs années, elle joue un rôle fondamental dans la prééminence des Etats-Unis sur les autres nations et elle est un des moteurs de leur économie ». Et le professeur se désolait que « l’Éducation nationale continue à considérer cette discipline comme une discipline ancillaire, ce qui se traduit par le fait qu’il n’y a pas de professeurs d’informatique dans les établissements d’enseignement secondaire, il y a seulement des professeurs d’autres disciplines qui enseignent tant bien que mal une matière qui n’est pas leur discipline principale ».


A quel niveau introduire la programmation


C’est dans un tel contexte que Syntec Numérique a réalisé une enquête sur l’enseignement « du codage et de la programmation informatique ». Le résultat est clair : Une très grande majorité des Français (87%) considèrent qu’il est important que le codage et la programmation informatique soient enseignés à l’école, et 41 % à partir du secondaire. La moitié de ceux qui estiment important d’enseigner ces programmes y voient l’avantage de mieux connaitre l’informatique et de faciliter la vie quotidienne. Enfin, 70 % des parents d’élèves déclarent être prêts à utiliser des applications éducatives pour sensibiliser leurs enfants à la programmation informatique.

Mais introduire la programmation nécessite des enseignants pour deux questions : A qui donc doit incomber cette tâche ? Au détriment de quelles autres disciplines ? Pour une grande majorité de Français (79%), ces enseignements devraient être assurés par des professeurs spécialisés en informatique. Un besoin d’expertise qui se retrouve dans le fait que 34% des Français jugent que des spécialistes issus du monde de l’entreprise pourraient également être en charge de ces cours, à proximité du taux de citation des professeurs de technologie (23%), discipline voisine de l’informatique.

Ayant exprimé une nette attente d’expertise à l’égard des enseignants pour le codage, les Français n’ont été que 13% à estimer que ces cours pouvaient être pris en charge par tous types de professeurs de l’Education nationale, 9% par les professeurs de mathématiques, 7% par les associations en charge des activités périscolaires et 3% par les professeurs de sciences physiques.

La question est plus délicate et n’a pas été posée par Syntec Numérique. Introduire l’enseignement de la programmation impose d’enlever l’enseignement d’autres disciplines car l’emploi du temps n’est pas extensible. Ce pourrait être la musique, les arts plastiques où d’autres disciplines considérées à tort comme secondaires. On le voit, la question n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Et vu la difficulté qu’a l’institution à la réforme des rythmes scolaires (qui n’est autre que revenir à la situation antérieure), on peut penser que le statu quo sera sans doute la réforme la plus facile à mettre en œuvre.


[1] Maurice Nivat, Savoir et savoir-faire en informatique – rapport aux ministres de l’Éducation nationale et de l’Industrie et de la Recherche, La Documentation française, Collection des rapports officiels, avril 1983.

[2] Lettre au Président de la République Française, Maurice Nivat, Professeur honoraire à l’université Paris 7 et membre de l’Académie des Sciences.

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