L’opérateur wifi Gowex, coté sur le marché alternatif de Madrid mais aussi à Paris, avait depuis plusieurs années largement surévalué ses revenus et ses implantations de hot-spots pour doper sa valeur boursière.


Près d’une dizaine de villes françaises ont fait confiance à l’espagnol Gowex pour offrir des accès gratuits à Internet. Mais la rentabilité n’était pas au rendez-vous.

Une société de « short trading », Gotham City Research, qui base ses revenus sur les ventes à la baisse, a démontré dans un dossier très explicite de 93 pages, (http://fr.scribd.com/doc/232063069/Let-s-Gowex-La-Charada-Pescanova-a-Pescanovan-Charade), les manœuvres frauduleuses de l’opérateur qui prétendait détenir près de 100.000 hot-spots et réaliser 183 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Selon son dénonciateur, le nombre de hot-spots ne dépasserait pas les 5000 et le chiffre d’affaires serait à diviser par dix. Gowex, qui avait d’abord considéré les informations de Gotham City Research comme fausses et diffamatoires a, depuis les aveux de son PDG, éteint toutes les lumières et reste désormais muette. Les cotations du titre sur le Mab et le Nyse euronext, après des chutes de plus de 60% ont été arrêtées. La firme Gowex devrait normalement déposer le bilan vu la précision des accusations. Elle ne sera pas pour autant un acteur à négliger car elle serait un bon relais « Wireless » pour des opérateurs traditionnels intéressés par des antennes « à prix cassés ».

Sympathique et rassurant


Sympathique, Jenaro Garcia Martin était jusque-là considéré dans la plupart des revues boursières comme un visionnaire des télécoms. Il a, depuis les révélations de Gotham City, démissionné et reconnu ses errements dans un courrier à ses employés : « Je suis sûr que vous avez tous été très déçus de mon comportement. Je sais que j’ai causé des dommages irréparables à vous tous et beaucoup de vos familles et amis. Je demande pardon et me rends disponible pour travailler avec la justice ».

Des chiffres singuliers


Le rendement par employé supérieur à plus d’un million de dollars, un chiffre supérieur aux meilleures entreprises mondiales comme Apple, Microsoft, Google ou Facebook aurait dû mettre la puce à l’oreille à pas mal de spécialistes financiers. Une analyse à priori simple lorsque ses concurrents du wifi gratuit comme Boingo, Ipass et Towerstream affichaient des pertes non négligeables, mais nous aurions dû en tant que simple observateur, nous aussi, l’identifier. Mais la force de Jenaro Garcia Martin est d’avoir su faire croire que les revenus publicitaires et des services informatiques sur mesure générés par ces infrastructures suffisaient à remplir les caisses de Gowex. Pour les initiés, les opérateurs télécoms exotiques ont toujours été soupçonnés de servir de machines à laver des revenus douteux. A ce titre, sur un seul sourire malicieux d’un courtier, pas mal d’investisseurs en quête d’émotions ont souvent joué le jeu, celui qui donne vraiment l’envie de parier en bourse comme on peut jouer à la roulette. Mais là,  il ne s’agissait pas de réseaux wifi colombiens, mais d’un véritable opérateur européen, francophile, dont l’extension aux Etats-Unis et même en Chine paraissait inexorable, chaque annonce de contrat de grandes villes conduisant à une hausse du titre.

La confiance a régné sur la base de documents audités


Les courtiers espagnols comme Beka Finance incitaient à l’achat dans un récent dossier de plus de 15 pages paru le 18 juin dernier. La revue Investir était aussi enthousiaste, le site Cercle Finance qui nourrit en informations le site Boursorama, aussi. Pour expliquer sa méprise Beka Finance a précisé que ses analyses reposaient intégralement sur les comptes publics et audités depuis quatre années.

En France ou aux Etats Unis pour le Nyse Euronext, on peut se demander qui a étudié le dossier, à priori léger. Transmis par Businesswire, on pouvait lire dans les derniers communiqués de presse :

« En 2010, GOWEX est devenu l’unique « Small & Medium Business » espagnol à réaliser une double cotation à la fois sur le MAB (GOW) et sur ALTERNEXT de NYSE-EURONEXT (ALGOW). Le Chiffres d’Affaires 2012 de la société s’est élevé à 114,1 millions d’euros. En décembre 2012, le Groupe a levé 18 millions d’euros dans le cadre d’une nouvelle augmentation de capital (création de 1 528 404 nouvelles actions) pour lui permettre d’accélérer sa stratégie de déploiement à l’international. En février 2012, la SEC a approuvé le lancement d’un programme d’ADR (American Depositary Receipt) permettant au Groupe d’être également coté aux États-Unis sur le marché OTC.

Avec des bureaux à Madrid, Paris, Londres, Buenos Aires, Burgos, San José, Shanghai, et Dubaï, GOWEX développe un modèle économique durable dans les réseaux WiFi, basé sur la qualité et l’efficacité technique de plates-formes brevetées : la plate-forme de Roaming, qui permet aux utilisateurs de se connecter gratuitement en ville et la plate-forme de publicité géolocalisée, permettant de monétiser son audience grâce à des accords de publicité et de marketing.

En 2011, GOWEX a rejoint le « Wireless Broadband Alliance » et a reçu le prix pour La Meilleure Société Web dans l’Internet.


Des partenariats à réétudier 


Plus récemment, le 25 juin dernier, Gowex annonçait que les villes d’Enghien-les-Bains et de Carrières-sous-Poissy disposaient d’accès wifi gratuits.  À cette occasion le service de presse  nous précisait : « Le service proposé par GOWEX est déjà disponible dans quelques moyens de transports en France comme dans certaines stations de métro à Paris (NDLR : 3 stations), à bord des autobus RDT13 de Marseille ou dans certains espaces publics de villes comme Nice, Bordeaux ou Ajaccio ». Après de telles malversations, on peut imaginer facilement qu’un opérateur plus classique reprendra l’activité de Gowex. Mais il proposera des solutions beaucoup moins attrayantes pour les responsables municipaux dont on peut supposer que le seul objectif était d’offrir du wifi à moindre coût à leurs administrés. Sur ce simple doute de corruption, vu les malversations de Gowex non encore juridiquement avérées, peu de politiciens oseront s’investir davantage, ce qui ne manquera pas d’enterrer pas mal de projets en cours.

Le prix de l’innovation


En février 2012, Jenaro Garcia Martin, PDG de GOWEX, avait reçu le prix de l’Entrepreneur de l’année, décerné  en Espagne par Ernst & Young dans la catégorie « Innovation ». Il avait reçu aussi le prix du marketing en Espagne où il était venu accompagné d’un superman , mascotte de l’entreprise qui n’est pas sans rappeler le nom de son accusateur Gotham city, un courtier spéculateur pas forcément plus recommandable que Jenaro Garcia Martin. Gageons que les prochains bénéficiaires de ces prix auront à cœur de détailler les raisons de leurs succès.

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