À l’heure ou Numergy et Cloudwatt entament leur décollage en nouant des partenariats avec quelques-uns des principaux intégrateurs IT français, nous avons demandé à Jules-Henri Gavetti, PDG d’Ikoula de nous livrer sa vision du marché.
Channelnews : Comment s’est passée l’année 2013 ?
Jules-Henri Gavetti : Ikoula a bien fonctionné l’année dernière en engrangeant beaucoup de nouveaux clients. Mais ces derniers ont souffert. Certains sont dans une situation compliquée. Les délais de paiement se sont allongés. Il a fallu faire plus de crédit et accepter d’étaler des dettes. À cet égard, Ikoula est devenu un bon indicateur économique, ses services faisant partie des « utilities ». Nous communiquerons sur nos chiffres définitifs d’ici deux à trois mois.
Qu’est ce qui a tiré la croissance ?
Jules-Henri Gavetti : les outils de messagerie collaborative, le Cloud privé et EX10, notre plate-forme de création de services Cloud en marque blanche. Cette dernière a enregistré une croissance de 80% l’an dernier. Elle est désormais utilisée activement par quelque 80 revendeurs et en recrute 5 à 10 nouveaux par mois. Quant au Cloud privé, il a été lancé mi-2013 et connaît le succès commercial depuis environ six mois.
Qu’est-ce qui séduit dans votre offre de Cloud privé ?
Jules-Henri Gavetti : Les clients apprécient la continuité que l’on est en mesure de leur proposer entre leur réseau d’entreprise et le service de Cloud privé que l’on met à leur disposition sans déroger à la sécurité. Une continuité qu’on est les seuls à proposer. Ils apprécient également la bonne maîtrise des coûts inhérente à cette offre et sa simplicité de souscription. On peut tout souscrire et configurer en ligne, y compris son loadbalancing et ses réseaux privés interconnectés au réseau d’entreprise. Et c’est la même interface basée sur CloudStack avec les mêmes login/mot de passe qui permet de souscrire à notre offre de Cloud public.
Pourquoi avoir choisi CloudStack quand tout le monde ne semble plus jurer que par la pile concurrente OpenStack ?
Jules-Henri Gavetti : Il est vrai qu’openStack est très répandu en France notamment sous l’effet de la communication délirante des Clouds souverains et les sociétés de conseil spécialisées. Mais CloudStack reste très employé à l’étranger et conserve beaucoup d’avantages comparé à OpenStack. D’abord il se déploie en quinze jours, voire en une journée en version pré-packagée. Je ne connais pas d’autres solutions Cloud souscriptibles en ligne via carte bleue opérationnelles aussi rapidement à part celles de Gandi (qui est un développement interne) ou d’OVH (qui est sur base VMware).
Ensuite, la proximité de CloudStack avec Amazon, qui continue de dominer le Cloud mondial avec plus de 50% de parts de marché, est également un atout appréciable. Cela nous permet d’être l’un des seuls du marché à pouvoir prendre des workloads Amazon pour les porter sur notre Cloud privé et faire ainsi profiter nos clients de garanties de latence, de disponibilité, de services d’infogérance et de support qu’Amazon n’est pas en mesure de leur fournir. Ainsi, il est possible de poster automatiquement des bureaux virtuels Citrix du Cloud Amazon au nôtre. Je rappelle que le bureau virtuel est l’un des premiers usages du Cloud et que Citrix est le premier fournisseur de bureaux virtuels mondial avec des millions de postes déployés.
Ses détracteurs accusent CloudStack d’être figé.
Jules-Henri Gavetti : C’est vrai qu’en tant qu’orchestrateur de IaaS, CloudStack n’évolue plus. Ce qui représente un avantage en termes de stabilité. Mais si l’orchestrateur ne bouge plus, on peut y rajouter toutes les fonctions dont on a besoin, y compris des bases de données Hadoop. Sur ce plan-là, CloudStack est loin d’être figé. Tous les projets OpenStack sont d’ailleurs en train de sortir des ad-ons pour se pluguer sur CloudStack.
Que pèse l’indirect chez Ikoula et quelle est votre doctrine sur le rôle des partenaires dans l’économie du Cloud ?
Jules-Henri Gavetti : L’indirect représente 80% de nos revenus annuels. Je pense qu’en matière de Cloud comme dans la distribution d’infrastructures physiques, les derniers mètres ne peuvent être réalisés que par des partenaires. Ikoula leur propose une interface qui leur permet de créer leurs bouquets de services en fonction des besoins de leurs clients mais également de gérer les facturations et la relation client. La plupart des autres acteurs, notamment ceux du Cloud souverain, n’ont pas cette approche en marque blanche. Même s’ils en laissent la gestion à des partenaires, ce sont eux qui signent les clients.
Qu’est-ce que pèse le Cloud chez Ikoula et quelle part de marché pensez-vous avoir en France ?
Jules-Henri Gavetti : Le Cloud, c’est environ 20% de notre chiffre d’affaires (plus de 6 M€ sur l’exercice clos fin mars 2013). Je pense qu’Ikoula est au pied du podium en France, derrière OVH, Online et Gandi mais loin devant les représentants du Cloud souverain.
« Le Cloud n’est plus un concept mais une réalité » : telle est la nouvelle accroche d’Ikoula depuis quelques mois. Quel message cette accroche a-t-elle vocation à faire passer ?
Jules-Henri Gavetti : C’est l’expression de mon nouveau sujet d’énervement. J’en ai assez d’entendre des clients dire que le Cloud ne marche à cause de prestataires qui promettent beaucoup et ne produisent rien. Certains prétendent faire du Cloud mais sont incapables de montrer quelque chose de probant. Cette attitude a pour effet d’écœurer les entreprises et de les détourner du Cloud. Chez Ikoula, le Cloud peut se tester et se souscrire en cinq minutes.
Lorsque Fleur Pellerin, ex-Ministre en charge de l’économie numérique, a sollicité l’industrie du numérique française pour savoir ce qui manquait pour que le Cloud se développe en France, vous avez souhaité faire entendre votre voix en publiant une tribune sur votre site Le Cloud Gaulois (lecloudgaulois.fr). En résumé quel est votre diagnostic ?
Jules-Henri Gavetti : La priorité des priorités selon moi serait de faire en sorte que les sociétés françaises de fourniture de contenus et de services en ligne puissent avoir un accès privilégié aux grands réseaux nationaux de télécommunications. Notamment en régions. 80% du trafic national est contrôlé par quatre ou cinq opérateurs. Or ceux-ci ne proposent pas d’interconnexions locales à prix raisonnables aux fournisseurs de services de services en ligne. Leurs clients sont presque systématiquement obligés de repasser par Paris pour accéder à leurs services hébergés. Ça ne favorise pas le développement de ces fournisseurs de services en ligne pourtant gros pourvoyeurs d’emplois directs et indirects via les centres de données qu’ils exploitent.