L’émoi est à son comble chez Astek après que le journal l’Humanité (lire l’article) et Politis (lire l’article) ont publié cette semaine des documents internes révélant les pratiques sociales abusives des dirigeants de son agence Sud Est – la plus grosse et surtout la plus rentable de ce groupe de 1.800 salariés. Des documents qui montrent l’existence d’un système organisé visant à monter des dossiers pour licencier le plus rapidement possible des salariés en intercontrat ou les pousser à signer une rupture conventionnelle. En 2014, le groupe Astek aurait ainsi orchestré pas moins de 122 licenciements individuels pour faute sur un effectif d’un peu plus de 2.000 personnes personnes, selon une source syndicale. Et il y en aurait eu 99 en 2013.

Des départs contraints qui ont pris une proportion inédite dans l’entreprise. Selon cette même source, en 2011, 78% des départs étaient « volontaires » (ruptures conventionnelles, démissions, rupture période d’essai salarié). En 2014, ce ratio était descendu à 56%, soit près d’un salarié sur deux mis à la porte. Une propension à licencier qui ferait que le groupe a, selon l’Humanité, cumulé « près de 7 millions d’euros de provisions pour faire face aux nombreux recours aux prud’hommes engagés par des salariés ».

Tout est bon pour licencier un salarié, y compris les motifs les plus véniels, tels qu’ « arriver [quelques minutes] en retard », « manquer de proactivité » ou de « dynamisme », ou ne « pas respecter les règles de déclaration de congés de l’entreprise », comme en témoigne l’un de ces documents, intitulé « suivi contentieux », qui répertorie les différentes étapes aboutissant à l’exclusion de ceux que la société veut « sortir des effectifs ».

Les différents documents publiés montrent bien que l’intention de licencier précède souvent la collecte effective des motifs de licenciement et que l’entreprise n’avait souvent rien à reprocher aux salariés concernés jusque-là. Les licenciements ne visent d’ailleurs pas seulement les salariés en intercontrat. Des personnes qui ont été candidates aux élections professionnelles ou dont on pense qu’elles pourraient l’être peuvent être inquiétées.

Des pratiques que syndicats et salariés dénoncent depuis longtemps mais que personne n’avait réussi à démontrer aussi indubitablement. Des e-mails montrent au passage que le président du directoire du groupe Astek ainsi que le service juridique sont parfaitement informés de ces procédures. Ce qui laisse penser que ce système a cours dans l’ensemble des agences du groupe. On notera à ce propos que le groupe a réduit son effectif de plus de 20% en l’espace de deux ans – passant d’environ 2.300 collaborateurs à 1.800 – sans avoir eu besoin de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi. Pour l’instant, la direction d’Astek n’a pas souhaité réagir aux sollicitations de l’Humanité et de Politis (ni aux nôtres).

Fin 2013, un rapport d’expertise de Cateis sur les risques psychosociaux remis au CHSCT pointait déjà un certains nombre de pratiques tendancieuses telles que les affectations de missions sans rapport avec les compétences des salariés, le recours abusif à la clause de mobilité, les carences en formation, le dialogue social inexistant. « Une liste à laquelle, on peut aussi ajouter les embauches sur mission ou les heures supplémentaires non payées », confie un syndicaliste.

Ce rapport faisait suite aux mobilisations du printemps 2013. À l’époque, les salariés dénonçaient le blocage des salaires, la politique de gestion des fins de missions et demandaient une régularisation de la participation. Mais malgré quelques vagues promesses et un début de réorganisation en interne rien n’avait bougé. Et la procédure en justice pour « réduction illégale des effectifs » entamée en 2014 par le CCE n’y avait rien fait.

Cette fois, les révélations de l’Humanité et de Politis, pourraient bien changer la donne.

Mise à jour du 18 septembre à 14h24 : une erreur s’était glissée dans la version initiale de cet article. Nous avons écrit que Astek Sud Est était à l’origine de 122 licenciements pour l’année 2014 alors qu’il s’agit en fait du nombre de licenciements pour l’ensemble du groupe.