Bouygues Telecom annonçait au début du mois de février la création d’Objenious, sa filiale dédiée à l’Internet des Objets. La marque existe en fait depuis 2014 mais ce n’est qu’en novembre dernier que l’opérateur décide de l’activer en tant que filiale après s’être convaincu que le marché des objets connectés était sur le point de décoller et que LoRa était la meilleure technologie pour se lancer.
À la présidence de la société naissante, il place Stéphane Allaire, un cadre maison qui s’est notamment occupé pendant six ans du bureau de veille technologique du groupe au sein de la Silicon Valley avant de prendre à la mi-2014 la direction des services et contenus de Bouygues Telecom. Sa mission : établir le business plan et recruter une équipe (une vingtaine de personnes actuellement).
En parallèle, l’opérateur démarre le déploiement de son réseau LoRa. Aujourd’hui fonctionnel dans 15 grandes agglomérations, il couvrira 50% de la population française dès la mi-2016 et sera achevé à la fin de l’année. Retour avec son président sur la genèse d’Objenious, son positionnement, ses atouts et ses perspectives.
Channelnews : quel est le métier et le champ d’intervention d’Objenious ?
Stéphane Allaire : Objenious se positionne principalement comme un fournisseur de connectivité pour les objets connectés mais avec la capacité de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur via des partenaires : de la captation des données jusqu’aux services métiers. Seules la création et la vente des objets connectés échapperont à notre périmètre d’activité. Il y aura autant de capteurs que de métiers. Nous laisserons l’élaboration de ces capteurs à des industriels partenaires. Notre rôle est plutôt de mettre en relation ces industriels avec les clients et d’apporter à ces derniers l’intelligence qui leur permettra d’utiliser au mieux l’information remontée par leurs objets. C’est la raison pour laquelle on investit beaucoup dans notre plateforme technique.
En quoi Bouygues Télécom est légitime pour se lancer dans une telle activité et pourquoi une filiale autonome et non pas une business unit ?
Stéphane Allaire : Fournir de la connectivité, c’est avant tout apporter une couverture. C’est en cela que Bouygues Télécom, avec son réseau de 15.000 antennes et points hauts est légitime. Objenious va s’appuyer sur ce capital et les compétences associées (notamment pour la maintenance des antennes). Mais il était nécessaire de créer une petite entité, agile, capable de s’adapter aux demandes des clients. Les clients se demandent encore quelle valeur ils vont tirer de ces objets connectés et si la connexion de leurs objets va être transformable en services. Autrement dit, leur modèle économique reste encore à inventer et Objenious doit pouvoir s’adapter à ce que les clients inventeront ainsi qu’à l’évolution de leurs besoins.
Pourquoi avoir opté pour le réseau LoRa plutôt qu’une technologie concurrente ?
Stéphane Allaire : LoRa bénéficie à notre sens de plusieurs atouts par rapport à l’autre technologie majeure de connectivité IoT disponible, en l’occurrence celle de Sigfox. Je mentionnerais notamment la bidirectionnalité, qui permet par exemple d’envoyer à un compteur d’eau connecté signalant une fuite l’instruction de couper l’eau. Ensuite on rappellera que contrairement à Sigfox, qui est promu et supporté par une seule entreprise, LoRa est porté par un consortium regroupant plus de 200 industriels et de nombreux opérateurs. C’est un gage de pérennité et de baisse des coûts pour les clients, qui pourront facilement changer d’opérateur de connectivité le cas échéant. Aussi, LoRa garantira à terme une consommation plus faible d’énergie gage d’une plus grande longévité des batteries et donc d’une plus grande autonomie. LoRa permet aussi de transporter plus de données par message, ce qui ouvre par exemple la voie à de l’authentification forte entre émetteur et récepteur. Enfin on peut signaler que LoRa supporte l’indoor et même le deep-indoor, ce qui autorise la localisation par triangulation.
Vous avez également annoncé avoir choisi la plateforme IoT de HPE pour l’acquisition, le stockage et le pré-traitement des données. Pourquoi ce choix ?
Stéphane Allaire : C’est le résultat d’un appel d’offre que nous avons mené. L’intérêt de la plateforme technique de HPE c’est qu’elle est capable de manager ces objets : elle permet notamment de les provisionner, des éteindre et de détecter s’ils sont en état de fonctionnement. HP permet également de décoder et les visualiser les données en provenance de capteurs aux caractéristiques et langages très différents.
Avez-vous déjà des clients et des offres ?
Stéphane Allaire : Nous avons déjà entamé plusieurs collaborations, notamment avec Wistiki, le spécialiste de la géolocalisation des objets du quotidien, qui va bientôt proposer une gamme LoRa ; avec Ecotextile, spécialiste de la collecte des textiles usagés qui va capter le taux de remplissage de ses collecteurs et optimise ses tournées de ramassage ; avec le Conseil Départemental, l’Eure-et-Loir, pour des usages liés à l’agriculture (données météorologiques, contrôle de niveaux de cuves) ; ou encore avec Colas, pour la géolocalisation de son parc de camions et à terme de l’ensemble de ses biens. Objenious proposera dans quelques semaines un catalogue d’offres B2B et B2B2C pour de premiers usages identifiés (gestion de tournée, télé-relève, maintenance prédictive, géolocalisation…).
Vous avez évoqué des partenaires, aussi bien pour l’élaboration des capteurs que pour les services métiers. Pouvez-vous déjà en citer ?
Stéphane Allaire : Oui, nous sommes en train de constituer tout un écosystème de startups autour de d’Objenious. Côté capteurs, nous avons déjà eu l’occasion de citer nke Watteco, spécialisé dans les systèmes de télécollecte de données multi protocoles ; la société de services industriels en électronique professionnelle Eolane, ou encore le fournisseur de solutions de sécurité incendie Finsécur. Côté services métiers, on peut citer Energisme, startup spécialisée dans la gestion de l’énergie, et Abeeway, spécialiste des systèmes de géolocalisation embarqués à grande autonomie.