Prises de participation dans des petites sociétés spécialisées dans le big data ou le Cloud, désinvestissement dans l’infogérance, Devoteam achève sa mutation digitale. Explications de son co-président Godefroy de Bentzmann.
Channelnews : En septembre dernier, Devoteam a annoncé avoir pris le contrôle ou renforcé sa participation dans gPartner, Axance et Progis, trois sociétés dont le cœur de métier est assez éloigné de l’activité traditionnelle de Devoteam orientée services et projets d’infrastructures. La première est un des premiers partenaires Google Apps en France, la seconde est un spécialiste de l’expérience utilisateur et la troisième un expert des systèmes d’information géographiques. Pourquoi ces prises de participations ?
Godefroy de Bentzmann : Devoteam a l’ambition d’accompagner ses clients dans leur transformation digitale. Un nouveau paradigme, qui s’alimente aux sources du Cloud, de la mobilité, du big data, des réseaux sociaux, etc.Pour réussir sur ces nouveaux sujets on a besoin de s’appuyer sur des équipes spécialisées. C’est la raison d’être de ces prises de participation : on est dans une démarche d’écosystème. En se spécialisant sur l’expérience utilisateur (UX) et la performance des interfaces, Axance s’est par exemple retrouvé au cœur de l’évolution des objets vers le numérique et de la stratégie digitale des entreprises. Aujourd’hui, il n’y a plus de projet sans réflexion UX. Même caractère incontournable pour Progis et ses analyses consistant à croiser des données géographiques et commerciales. Son savoir-faire nous permet d’investir le champ du big data.
Et quelle est la vocation de gPartner ?
Godefroy de Bentzmann : Mettre un pied dans l’environnement Google et développer des services cloud en général. On a un plan très ambitieux de développement sur Google En France. gPartner est déjà l’un des premiers partenaires européens de Google mais n’est positionné que sur ses Apps. On souhaite investir les autres domaines d’activité de Google, notamment ses offres BigQuery, Google Platform, Compute Engine, etc. Et on veut développer ces activités sur le marché des moyennes entreprises et des entreprises intermédiaires. On est en train de mettre en place une organisation pour cela.
À chaque fois, Devoteam a pris une participation majoritaire mais sans racheter la totalité du capital et en maintenant en place l’équipe dirrigeante ou les fondateurs. Là encore, cela ne ressemble pas aux habitudes de Devoteam. Il y a-t-il une volonté de rupture avec le passé ?
Godefroy de Bentzmann : C’est pour ne pas dissoudre ces sociétés qu’on ne les a pas intégrées à Devoteam. Elles gardent leurs dirigeants, qui restent associés, et leur autonomie. Cela n’empêche pas de mettre en place des synergies mais cela leur permet de conserver leur spécificité, leur agilité, et de ne pas se reposer sur le groupe.
Y a-t-il des expertises qui vous manquent encore ?
Godefroy de Bentzmann : Oui, il y a encore des zones où on veut se renforcer. On peut déjà rappeler qu’on a pris une participation (non majoritaire) dans InfleXys, qui permet de connecter des flottes mobiles au système d’information sans interférer avec l’existant et en toute sécurité. Par ailleurs, on peut imaginer qu’on renforce notre expertise Google dans d’autres pays que la France. Et on est en train de de sélectionner un portfolio de technologies SaaS pour offrir une alternative SaaS aux différentes briques on-premise de nos clients. On cherche également à se renforcer sur les technologies Big Data via l’acquisition de compétences de type data scientist. Mais aussi dans l’interconnexion des environnements cloud en montant en puissance sur les environnements Openstack ou BMC. D’une manière générale, on a besoin de consultants plus orientés métiers pour accompagner les clients dans la transformation de leur business en parallèle de celle de leur IT.
À contrario, vous êtes en train de vous désengager fortement de certaines de vos activités historiques. Après les télécoms, c’est notamment le cas de l’infogérance. Pourquoi ?
Godefroy de Bentzmann : En avril dernier, on a perdu le contrat Pierre Fabre [l’un des principaux de la SSII]. Mais cela fait déjà longtemps qu’on ne prend plus de grands contrats d’infogérance. On n’a pas la taille critique pour mutualiser et espérer rentabiliser cette activité. Nous avons préféré capitaliser sur notre expérience en infogérance pour réorienter notre organisation vers les problématiques de services et de support autour des solutions SaaS de nos clients. Ces derniers ont par exemple besoin d’interfacer ces applications SaaS qui arrivent en ordre dispersé et de leur donner une cohérence globale. Nous leur offrons cet outsourcing plus agile qu’ils recherchent.
Que va devenir le datacenter de Castres qui hébergeait l’infogérance de Pierre Fabre ?
Godefroy de Bentzmann : Castres est en cours de reconfiguration vers notre centre de services espagnol. Nous sommes en pleines discussions. C’est un sujet complexe, je ne peux pas en dire plus pour l’instant.
Prévoyez-vous d’abandonner complètement l’infogérance ?
Godefroy de Bentzmann : Non. Ces évolutions prennent du temps. On a encore des clients en infogérance traditionnelle et on gère les contrats existants. Il est aussi important de continuer à maîtriser les technologies associées aux infrastructures. Mais, depuis un an, le mouvement vers le Cloud s’est accéléré chez nos clients. Aujourd’hui on a une majorité de services en SaaS et nos équipes spécialisées infrastructures sont toutes en train de basculer vers ce modèle. On a remis en place des universités internes pour permettre à nos équipes d’accéder à ces technologies.
Justement, où en êtes-vous de votre transformation interne engagée il y a trois ans ?
Godefroy de Bentzmann : On a achevé notre transformation au sens structurel et processus du terme. On a réalisé les cessions qu’on voulait, notamment dans les télécoms. On a fait le choix de se concentrer sur quelques spécialités sur lesquelles nous pensons pouvoir nous démarquer. On a mis en place des outils pour gérer la pyramide des âges, harmoniser les calculs de coûts, standardiser les prix, suivre la performance des projets… En parallèle, on l’a vu, on a mis en route de nouvelles initiatives, notamment dans la mobilité, le cloud, la sécurité, le big data, les réseaux sociaux… On est passé d’une offre de services et de conseil en transformation IT à une offre de transformation digitale. On n’aide plus seulement les clients à faire évoluer leur IT mais on les aide à repenser leur façon de travailler. Mais ces sujets prennent plus de temps à se mettre en place.
Cette stratégie est-elle payante ?
Godefroy de Bentzmann : 2014 aura été l’année de l’accélération sur ces thématiques de transformation digitale. Elle irrigue désormais environ 20% de notre activité et la reconnaissance clients commence à être là. Bien qu’on soit encore en transition, on sort confiant de cette année 2014. D’autant que la profitabilité et la trésorerie recommencent à évoluer dans le bon sens.