Premier grossiste informatique en France, Tech Data n’échappe pas aux affres de la crise. Mais il en profite pour gagner des parts de marché. Explications de Gérard Youna, pdg de Tech Data France.

Channelnews : Vous avez fait un bien moins mauvais deuxième trimestre au niveau mondial que votre principal concurrent Ingram Micro en limitant le recul de vos ventes à 16% contre 25% pour Ingram. Est-ce que cette assertion est également valable pour la France ?


Gérard Youna : Je ne saurais pas vous répondre pour la France puisque je ne connais pas les chiffres d’Ingram Micro France. Les seuls chiffres dont je dispose sont ceux de l’Europe. Et je peux vous confirmer qu’à l’échelle européenne, nous avons fait mieux qu’Ingram, puisque ce dernier a annoncé un recul de 20% de ses ventes sur la période, tandis que nos facturations n’ont diminué que de 7%. D’une manière générale, nous pensons avoir fait 5 à 10% de mieux que l’ensemble de nos concurrents. D’où un accroissement de notre part de marché de l’ordre de 2% depuis un an.

Et en France ? Comment ont évolué vos ventes et votre part de marché au premier semestre ?


Gérard Youna : Au premier semestre, nos ventes ont reculé de 12 à 15% en France. Mais nous estimons que notre part de marché, en augmentation constante depuis deux ans, atteint désormais 27 à 28%, ce qui fait de nous le premier grossiste français.

Comment expliquez-vous cette performance ?


Gérard Youna : Je pense que nous recueillons les fruits des lourds investissements consentis dans les années 2003-2006. Rappelez-vous : c’est durant cette période que nous avons basculé nos 18 filiales européennes sur une plate-forme SAP unique. C’est aussi à cette époque que nous avons rationnalisé le nombre de nos entrepôts, pour n’en garder que neuf principaux, et que nous avons racheté Azlan, devenant ainsi le premier grossiste à valeur ajoutée européen. Nous avons bâti une véritable machine de guerre qui nous permet aujourd’hui de nous concentrer sur la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux clients.

Précisément, quels sont les marchés que vous êtes actuellement en train d’investir ?


Gérard Youna : En France, nous venons de signer un contrat de distribution avec RIM, ce qui nous autorise désormais à revendiquer le catalogue de smartphones la plus large du marché. Cette activité prépare le terrain au lancement de Brighstar en France, du nom du grossiste en téléphonie mobile avec lequel nous avons formé un joint-venture il y a 18 mois, et dont nous venons d’entamer le déploiement en Allemagne. La France suivra dès que l’Allemagne marchera.

Autre marché ayant le vent en poupe, l’audio-vidéo. Nous nous apprêtons à relayer en France l’accord signé au niveau européen avec le fournisseur d’équipements de vidéo-conférence Tandberg. Nous sommes également en train de lancer une version française du site Hotlamps, spécialisé dans la distribution de lampes pour vidéo-projecteurs professionnels. Ce site est une émanation de Maverick, un grossiste spécialisé dans l’audio-vidéo pro que nous que nous avons racheté l’année dernière. Enfin, nous venons de signer avec le fabricant de tableaux blancs interactifs Promethean.

On entend parler partout de pré-reprise. Avez-vous vous aussi constaté ces dernières semaines un début d’amélioration ?


Gérard Youna : Le ralentissement s’est stabilisé depuis juin-juillet. Le mois de juillet n’a pas été si mauvais puisque le recul des ventes est resté en deçà des -7 à -8%. Néanmoins nous n’avons pas l’impression de voir le bout de la crise en Europe comme c’est le cas aux Etats-Unis. On se prépare à un scénario en L, c’est-à-dire un marché en forte décroissance pendant encore trois ou quatre trimestres. Mais nous avons de bonnes raisons de penser que nous allons continuer à faire mieux que le marché.

Pourtant le modèle économique des grossistes n’a jamais autant semblé menacé. Il y a d’abord eu le problème des encours dont l’évaporation au début de l’année a brutalement désolvabilisé une grande partie des revendeurs et plus récemment l’annonce de HP de réduire à la portion congrue les marges arrières sur les produits volumes. N’y a-t-il pas péril en la demeure ?


Gérard Youna : Si. Mais pour ces deux problèmes il existe des solutions. Concernant les encours, nous avons été parmi les premiers à faire bénéficier quasi systématiquement nos clients des formules complémentaires mises en place par le gouvernement. Nous nous sommes aussi battus pied à pied avec la SFAC pour récupérer le maximum d’encours pour nos clients. Et à ceux qui pouvaient payer comptant par carte bleue, nous avons octroyé une remise immédiate de 1. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que le problème soit résolu mais ses conséquences sont noyées dans les effets du ralentissement économique.

Quant à HP, nous avons été obligés de répercuter sur le prix facial les marges arrières perdues. Il faut savoir qu’au-delà de 0,5 à 0,7% de marge en moins, c’est notre profitabilité qui est menacée. Nous n’avons donc pas d’autre choix que remonter les prix. D’ailleurs, je constate que nos parts de marché sont restées stables depuis le 1er mai, date d’application de la nouvelle politique HP. Ce qui signifie que nos concurrents ont fait le même raisonnement. Du reste, je ne pense pas que les autres constructeurs emboîteront le pas à HP. Notre structure de revenus ne devrait donc pas être bouleversée à court terme.

Le véritable enjeu pour nous consiste à réduire notre besoin de financement en jouant sur les délais de paiements fournisseurs, les stocks et les délais de paiements clients. La tendance est actuellement plutôt à demander des efforts aux fournisseurs sachant que la norme était plutôt jusqu’ici un paiement à 30 jours alors que les clients peuvent difficilement raccourcir leurs délais de paiements.