À la lumière des premiers retours d’expérience clients, Thibault Dégieux, consultant sur la practice Télécoms & Innovation de Solucom, se montre très réservé sur l’emploi de l’iPhone comme terminal professionnel.


Channelnews : Vous avez étudié en profondeur l’iPhone dans le cadre d’une mission d’accompagnement pour un client souhaitant investir dans une flotte de plusieurs centaines de terminaux. Que pensez-vous du potentiel de l’iPhone comme plate-forme d’entreprise ?

Thibault Dégieux : Je suis très réservé sur les chances de l’iPhone de s’imposer comme un véritable terminal professionnel dans l’état actuel de l’offre. Certes il est déjà largement utilisé de fait dans les entreprises compte tenu de son succès grand public. Au point que nous sommes régulièrement consultés par des top managers, y compris de très grands comptes, demandant à pouvoir accéder à leurs services professionnels depuis leur iPhone. Mais pour de nombreuses raisons, je pense qu’il ne répond pas encore aux attentes des entreprises.

Pourquoi ?


Thibault Dégieux : Les deux principaux problèmes concernent le déploiement et la sécurité. Il n’existe pas de solution de gestion de parc permettant de contrôler, paramétrer et supporter les terminaux à distance. Pour le déploiement d’applications, tout repose sur iTunes, qui n’a pas été conçu pour gérer des flottes. L’installation d’applications doit se faire terminal par terminal. Plus embêtant : une entreprise qui voudrait déployer une application verticale doit en principe la porter sur iTunes et donc la faire viser par Apple. Or toutes ne sont pas forcément prêtes à partager leur code source avec ce dernier.

Quant à la sécurité, l’iPhone recèle encore d’importantes lacunes malgré la sortie cet été d’une nouvelle version de l’OS. Rien n’empêche par exemple les utilisateurs d’écraser leur profil professionnel. A contrario, en cas de perte ou de vol, l’effacement à distance est plus fastidieux que sur les plates-formes concurrentes. Il est également difficile voire impossible de bloquer certaines fonctions comme le GPS, source potentielle de disfonctionnements.

Même sur le plan de l’ergonomie, pourtant le point fort de l’iPhone, le tableau n’est pas idyllique. Les applications de messagerie et de gestion d’agenda notamment ne sont pas au niveau de celles de ses concurrents. Et l’appareil reste relativement gourmand en énergie. Au final, nous pensons que le coût de possession d’un iPhone est 20% à 30% supérieur à celui de ses concurrents. Et ce n’est pas le coût d’acquisition qui est en cause (équivalent voire meilleur que celui des concurrents à performances égales) mais bien le déploiement et le support.

Mais alors l’iPhone n’a-t-il aucune chance de se diffuser en entreprise ?


Thibault Dégieux : Si car certaines entreprises y trouveront leur compte. S’il n’est pas adapté à l’utilisation d’applications métier et aux populations fortement itinérantes ou durablement éloignées de l’entreprise, il peut parfaitement être utilisé comme un poste banalisé pour accéder via une connexion VPN à une partie du système d’information de l’entreprise. Tout dépend de la confidentialité des données concernées et de la politique de sécurité de l’entreprise. L’iPhone a d’indéniables qualités notamment en termes d’accès à Internet, de capacités multimédia et de convivialité de son environnement de développement.

Pensez-vous qu’Apple ait la volonté de faire de l’iPhone une plate-forme d’entreprise ?


Thibault Dégieux : C’est probable. Apple est apparemment soucieux de promouvoir l’iPhone en tant que terminal professionnel. Des entreprises ont été approchées en ce sens dans une perspective de faire de l’image. Le constructeur lui-même est en train de déployer des applications iPhone dédiées aux vendeurs de ses Apple Store d’iPhones alors qu’ils étaient jusque là équipés de terminaux Windows Mobile. Mais nous n’avons aucune visibilité sur la roadmap d’Apple. Ce qui est certain, c’est que la gamme reste beaucoup trop réduite pour une diffusion massive en entreprise et que le système reste encore trop fermé. Songez que le client que nous avons accompagné a été obligé de « jailbreaker » sa flotte juste pour permettre à ses utilisateurs d’accéder à leur outil de collaboration (Notes).