Depuis deux-trois mois, la chasse aux consultants ERP et autres experts fonctionnels, s’intensifie, pour des postes en entreprises, pas dans les SSII. Un renversement de tendance significatif.
Aller chercher des clients à l’international. Transformer l’entreprise, la réorganiser, la digitaliser, pour faire mieux avec moins. Telles sont les raisons qui, vu de la lorgnette des cabinets de recrutement spécialisés, animent les intentions d’embauche d’informaticiens des entreprises de taille intermédiaire. Ce qui, du coup, bouscule la donne sur le segment particulier du marché de l’emploi IT que constituent les profils dédiés aux environnements ERP.
Fait marquant, selon Alexandre Bonin, directeur associé du cabinet Alternative Search, cette fois, la hausse de cote des consultants fonctionnels (maîtrise d’ouvrage, MOA) n’est pas due aux SSII (sur ce segment, « elles n’embauchent plus »). Sans doute ont-elles fait auparavant le plein de ces compétences en les organisant, de plus, en centres d’expertise. Ce qui donne, par exemple, l’occasion à Tata Consultancy, repreneur de l’intégrateur Alti, d’annoncer en juillet l’ouverture d’un tel centre en région parisienne. Mais la demande vient surtout de la volonté des entreprises – déjà équipées ou non d’ERP – et de leur DSI, de réinternaliser certaines compétences.
Une évolution qualitative
Avec la mobilité traditionnelle liée à la montée en expérience, et surtout en âge, des salariés des SSII souhaitant passer dans le camp des entreprises clientes, celles-ci ne devraient-elles pas y trouver leur compte ? « Pas si sûr », observent les chargés de recrutement. Car les évolutions en cours sont désormais plus qualitatives que quantitatives. Le marché des logiciels de gestion intégrée – mature et en phase de développement de nouveaux gisements de croissance – n’est promis qu’à une une faible progression cette année (autour de 2 % en 2013, en France comme ailleurs, selon IDC). Les job boards IT ne croulent pas sous les annonces ciblées ERP (26 à ce jour en France sur les 2400 emplois affichés sur le très spécialisé SAPJobBoard européen). Pour Fabrice Coudray, directeur du cabinet Robert Half Technologie, ceux qui aimeraient troquer leur casquette de prestataire contre un poste chez le client sont plus nombreux que les postes vacants. « Moins de postes ouverts qu’en septembre 2012 », indique-t-il.
De même, chez Sylob, éditeur et intégrateurs d’ERP, le fait d’avoir plutôt bien vécu la crise a permis d’anticiper une verticalisation de son offre. Avec notamment « l’embauche de quatre ou cinq consultants/chefs de projets », comme l’indique Laurent Poussin, responsable des ressources humaines. Et cette spécialisation sectorielle (dernière en date, vers le secteur de l’aéronautique et ses sous-traitants) élève le niveau d’exigence, y compris du côté de la maîtrise d’ouvrage, mais sans générer des créations de postes en nombre. « C’est moins calme qu’il y a six mois », concède le DRH de Sylob.
Des exigences orientées
Pourtant, d’après le dirigeant d’Alternative Search (spécialisé SAP), la montée de la demande est néanmoins significative (entre 20 et 30 % de plus selon la spécialité fonctionnelle), surtout dans les domaines de la gestion de production, logistique (SCM) et gestion de la relation client (CRM). Par ailleurs, les raisons invoqués par les employeurs (être moins dépendants des prestataires, s’assurer une meilleure maîtrise des projets sur le long terme) orientent nettement leurs exigences. S’y ajoute la sempiternelle quête de maîtrise voire de réduction des coûts : « les entreprises ne désinvestissent pas ; il n’y a pas de pan de l’informatique et de compétences associées qui disparaissent. Comme pour d’autres fonctions de l’entreprise, en gestion financière et comptable par exemple, en informatique, on recherche surtout des managers capables de maîtriser, guider la transformation », indique Fabrice Coudray.
Cherche informaticiens managers d’emblée opérationnels
Non seulement les profils recherchés doivent être d’emblée opérationnels, donc notoirement expérimentés en environnement ERP. Mais, de plus, cette tendance à donner priorité aux profils de managers n’est pas réservé aux environnements de projets leaders (dont SAP) ou en vogue (Supply Chain, Relation client, etc). Ni spécifique aux environnements ERP. Dans le classement des « jobs en or » considéré par le cabinet Robert Half, après les chefs de projet ERP, BI et e-business distingués en 2012, cette année, la palme revient (en informatique) au lead développeur (chef de projet technique). « Ces profils sont recherchés car, en plus de la maîtrise du développement, ils ont prouvé leur capacité à manager une équipe pour mener à bien un projet en respectant les délais et les coûts », explicite Fabrice Coudray. Constat récurrent, d’autant plus que la conjoncture fournit des arguments aux employeurs.
« Les entreprises françaises qui recrutent le font soit parce qu’elles sont en bonne santé, et qu’elles grossissent ou rachètent des points de chute à l’international, soit parce qu’il y a le feu et qu’elles cherchent des relais de croissance. Dans les deux cas, elles veulent une informatique ad hoc et passer à l’action tout de suite », commente Alexandre Bonin. Des profils confirmés, donc, mais avec au minimum cinq ans d’expérience. Ce qui ne laisse guère de chance ni aux jeunes arrivants, même sur-diplômés à la française, ni à la génération arrivée au moment de la crise (depuis 2008) qui s’est forgée une expérience sur des projets de tierce maintenance, sans forcément grande autonomie d’action. On ne sort pas en effet du constat récurrent de tensions de l’embauche pour certaines catégories (voire tranches d’âge) précises de personnels informaticiens, au détriment d’autres.
Le recours aux prestataires en plan B
De plus, l’envergure internationale des projets ERP oriente certaines embauches vers des tempéraments de globe-trotters. Du fil à retordre en plus pour les chargés de recrutement : «pas trop favorable à ceux qui comptaient quitter une société prestataire pour se stabiliser après des années de projets ici et là », avertit Alexandre Bonin. Les salaires sont à l’avenant des exigences : de 45000 à 70 000 euros annuels selon le profil. Mais là encore, du fait du serrage de vis budgétaire, les plus âgés, même connaisseurs des environnements ERP, notamment ceux issus de DSI de grandes entreprises qui « décrutent », n’entrent pas dans les clous. « A moins de revoir à la baisse leurs prétentions et de faire preuve de souplesse », constate ce dernier.
« Les entreprises sont prêtes à mettre le prix, mais elles se disent aussi prêtes à attendre. A moins de 70% de réponse à leur cahier des charges concernant le profil recherché, ça ne passe pas », précise le consultant d’Alternative Search. Et si les projets ne peuvent plus attendre? « Elles ont toujours la possibilité de se tourner vers le recours aux prestataires … en plan B ». Sans compter que ce renforcement actuel des fonctions conseil et maîtrise d’ouvrage (MOA) (demande en croissance de 25% par rapport au premier trimestre 2013, selon Alternative Search) donne à prévoir d’autant plus d’ouvertures de postes en réalisation/maîtrise d’oeuvre (MOE) avant la fin de l’année. « Pour un poste en maîtrise d’ouvrage, 4 à 5 postes MOE, soit pour les ERP, du renfort pour le paramétrage et des compétences en outils spécifiques ». Internes ? Ou plus probablement prestataires ?
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