Freddy Baudinet, dirigeant de YouSaaS-Trekk, revient sur les circonstances de la mise en redressement judiciaire de sa société le 16 juillet dernier. Il dénonce un système absurde.

 

Le 30 juillet dernier nous chroniquions le redressement judiciaire de YouSaaS et de sa maison mère Trekk victimes d’un redressement fiscal au titre de leur crédit impôt recherche (CIR) pour les années 2006 à 2009. Nous n’avions pas pu présenter les explications de son dirigeant Freddy Baudinet, faute d’avoir pu le joindre sur le moment. Les voici. Elles sont édifiantes.

 

Channelnews : Peut-on dire que l’unique cause de cette procédure collective vient de la remise en question de votre CIR par l’administration fiscale ?

Freddy Baudinet : C’est exact. Le groupe formé par YouSaaS et sa société mère Trekk a dégagé un résultat d’exploitation bénéficiaire de 200.000 € pour son exercice clos fin mars. Et il dispose d’une trésorerie de l’ordre de 400.000 €. Mais avec le redressement de 440.000 € que nous a notifié l’administration fiscale le 26 juin (soit 100% des montants déclarés au titre du CIR) et les quelques provisions et amortissements que nous y avons ajoutés, nous devrions être déficitaires de 400.000 €.

 

Mais si la trésorerie permet de couvrir la dette, pourquoi avoir déposé dans ces conditions ?

Freddy Baudinet : Le passif exigible dépasse l’actif disponible. La législation nous permet donc de nous mettre sous la protection d’une procédure collective. Surtout, le groupe a besoin de sa trésorerie pour assurer sa survie à moyen terme. Avant même ce redressement YouSaaS supportait déjà un passif très lourd en raison de l’échec du projet dans lequel a été investi la R&D. Et il y a également le LBO souscrit en 2010 suite à la sortie de mon associé, Arnaud Hacquart. En asséchant la trésorerie tout de suite, je prenais le risque de devoir déposer quand même à terme et de ne plus avoir de ressources pour relancer l’entreprise ensuite.

 

Vous auriez peut-être pu négocier un étalement de la dette avec le fisc.

Freddy Baudinet : Je l’ai demandé. Cela m’a été refusé.

 

Quel a été le motif du redressement ?

Freddy Baudinet : L’administration fiscale ne m’a donné aucune explication. La seule justification qui m’a été fournie (par la délégation régionale à la recherche et à la technologie) est que « la description du projet est purement qualitative et ne semble pas présenter d’innovation particulière, même s’il s’agit de travaux de grande ampleur nécessitant une réelle maitrise technique ». Pourtant mon dossier (en réalité il y en a huit) a été validé une deuxième fois par le Ministère de l’enseignement supérieur de la recherche lorsque j’ai voulu transférer mon CIR de Trekk vers YouSaaS. Je suppose que les critères d’apréciation du fisc ne sont pas les mêmes que ceux du Ministère de la recherche ou que ces critères ont changé. J’ai simplement appris en me renseignant sur le sujet que l’adminitration fiscale avait multiplié les contrôles sur le CIR ces dernières années et que huit fois sur dix, les entreprises rectifiées l’étaient sur 100% des montants déclarés de leur CIR.

 

Avez-vous essayé d’alerter les pouvoirs politiques ou des organisations professionnelles ?

Freddy Baudinet : J’ai multiplié les démarches auprès d’élus (député, ministre en exercice, …) et de représentants des chambres consulaires. J’ai été reçu, écouté, parfois compris. Mais cela n’a servi à rien. Tout au plus ai-je obtenu une remise sur les pénalités à l’issue de la phase contradictoire.

 

Pourquoi le projet porté par YouSaaS n’a pas fonctionné ?

Freddy Baudinet : Il s’agissait de développer une plate-forme SaaS appuyée sur les technologies Microsoft. Dès lors que Microsoft a décidé d’investir sur sa propre plate-forme, d’abord avec Azure puis avec Office 365, l’activité a commencé à pérécliter.

 

Quelles sont vos perspectives de relance de l’entreprise ?

Freddy Baudinet : L’activité infogérance opérée par Trekk reste porteuse même si nous venons de perdre deux gros clients et que le contexte est difficile. Sur YouSaaS, nous essayons de réorienter l’activité vers la revente et l’intégration de services de Cloud souverain. Nous avons d’ailleurs une grande opération prévue à la rentrée, en l’occurrence avec Numergy, qui nous a sélectionnés comme partenaire.

 

Quelles devraient être les conséquences de cette procédure collective sur l’emploi ?

Freddy Baudinet : Je n’ai pas encore toutes les cartes en main le savoir. Il était probable que l’activité infogérance continue de se tasser mais nous devions embaucher des commerciaux pour développer l’activité Cloud. Cependant, le RJ risque de freiner ces projets.