Le nouveau « Service d’achats de l’Etat » pourrait priver les revendeurs et prestataires de proximité d’une partie de leurs revenus. Des adhérents de la FEB disent avoir perdu des marchés.


Un vent d’inquiétude souffle sur la distribution IT qui redoute les conséquences de la nouvelle politique d’achat de l’Etat et des services publics. En effet, une série de décrets et de notes d’application parus en 2009 obligent désormais les Ministères mais également les services décentralisés de l’Etat (préfectures, hôpitaux, bases militaires, tribunaux, organismes culturels, etc.) à recourir à des appels d’offres nationaux, lorsqu’ils existent, pour leurs achats de matériels informatiques, de progiciels et services associés ainsi que de matériels et services de télécommunication. Un service dédié, baptisé « service des achats de l’Etat » (SAE) a été créé à cet effet (décret n° 2009-300 du 17 mars 2009), qui est désormais seul habilité à conclure des marchés.

Des prestataires de proximité écartés au profit des grands acteurs nationaux


Pour beaucoup, cette nouvelle procédure va immanquablement écarter des marchés publics la plupart des prestataires et revendeurs informatiques de proximité au profit des grands nationaux et internationaux, à commencer par l’UGAP. Car, si en théorie, le SAE doit s’assurer que les achats de l’Etat sont réalisés « dans des conditions favorisant le plus large accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique », en pratique les notes d’application viennent contredire ces textes en stipulant que les services locaux « ne doivent plus passer de nouveaux marchés locaux ». S’ils estiment qu’ils pourraient bénéficier de conditions significativement plus avantageuses, ces derniers sont simplement tenus d’en avertir le SAE afin que ce dernier puisse négocier le cas échéant un avenant avec le titulaire du marché national.

« Une politique scandaleuse »


Un principe qu’Eric Diry, patron du revendeur bourguignon ITD Systems, n’hésite pas à qualifier de scandaleux : « après nous avoir concurrencé en finançant à perte l’UGAP, l’Etat en remet une couche avec le SAE, contredisant l’une des promesses de campagne de l’actuel président de la République, visant à réserver une part des achats publics aux PME locales ». Selon lui, tout le bénéfice de cette centralisation des achats ira dans la poche de certains grands fournisseurs américains et asiatiques.

« Un « smal business act » à la française aurait dû être un préalable »


Philippe Clémente, directeur commercial de la société de services et de distribution bordelaise Aquitem, bien implantée dans les comptes publics à l’échelle régionale, est sur la même longueur d’onde. Pour lui, la mise en œuvre d’un « smal business act » à la française aurait dû être un préalable à la cette rationalisation de la politique d’achat de l’Etat. Du reste, « celle-ci arrive au pire moment », poursuit-il. Car, comme elles en ont le droit depuis le 1er janvier, les collectivités locales et les services décentralisés de l’Etat commencent à imposer à leurs prestataires la dématérialisation des appels d’offre, ce qui suppose d’acheter des clés de signature électroniques et de former les collaborateurs concernés.

Le SAE émet ses premiers appels d’offres


Bien-sûr, ces nouvelles règles mettront de temps à s’appliquer partout et à tous et les collectivités locales restent, pour l’instant,  libres de leur politique d’achat. Nos différents interlocuteurs en conviennent, ils n’ont pas encore constaté d’impact sur leur business. Mais, selon René-Luc Caillaud, pdg du grossiste ETC, le SAE a émis ses premiers appels d’offres sur les systèmes d’impression et ne tardera pas à étendre son emprise aux autres familles de produits IT. Et la FEB (Fédération de l’Equipement du bureau et de la papeterie) rapporte que plusieurs de ses membres déplorent déjà des pertes de marchés ayant entraîné des baisses de 20% de leur chiffre d’affaires en moyenne. La menace est donc bien réelle.