Dans le rapport d’information « Réussir le cluster de Paris-Saclay » qu’il a présenté à la Commission des finances du Sénat, Michel Berson reste à la fois optimiste et circonspect sur les chances de succès de ce projet.

Qu’est-ce qui a fait le succès de la Silicon Valley ? La présence de deux universités de classe mondiale (Stanford et Berkeley) et des centres de recherche de premier plan (Lawrence Livermore, Ames de la NASA, Le LBNL de Berkeley,…), un réseau de financement sans pareil de Business Angels et de Venture Capitalists, des startups par milliers dont certaines sont devenues des géants mondiaux (Google, Facebook, Apple, pour n’en citer que quelques-unes, une volonté publique, une culture d’entrepreneuriat. C’est la combinaison des tous ces éléments qui a permis et permet encore à cette région du monde de dominer l’innovation en matière de technologies. Le rapport de Michel Berson, sénateur de l’Essonne fait le point sur l’avancée de ce grand projet du cluster sur la plateau de Saclay, portée par l’Etat depuis 2005 qui s’inspire du grand modèle de la Silicon Valley et fait 16 Recommandations.

Au total, le rapport recense un total de 4,5 milliards pour les trois volets du projet : 700 M€ avec pour le volet scientifique avec la constitution progressive de l’université Paris-Saclay sous la forme d’une communauté d’universités rassemblant 18 universités, grandes écoles et organismes de recherche (Centrale et Supelec sont désormais considérées comme regroupées), 2,1 Mds€ pour le volet immobilier et aménagement du territoire, centrée sur le déménagement de six établissements d’enseignement supérieur (ENSAE, Centrale, ENS Cachan, AgroParisTech, Institut Mines Télécom, UFR de pharmacie de l’université Paris-Sud) sur le plateau et la construction d’un campus scientifique, économique et immobilier et aménagement du territoire et 1,7 Mds€ pour la construction de la portion de la ligne 18 du Grand Paris express.

Si l’on prend les éléments qui ont fait le succès de la Silicon Valley, Paris-Saclay devra jouer à terme le rôle des universités de Stanford et de Berkeley. Arrivera-t-elle à ce statut ? Si la route est droite, la pente est raide pour reprendre la fameuse formule Jean-Pierre Raffarin et largement semée d’embûches. Créer Paris-Saclay semble aussi compliqué que de créer l’Europe tant les forces de rappel sont grandes.

Qu’elle n’a pas été grande la déception après l’annonce en avril des résultats obtenus par cette université en devenir lors de l’évaluation des initiatives d’excellence (Idex)[1]. « La qualité des travaux scientifiques n’est pas en cause, rappelle Michel Berson, mais les progrès réalisés en faveur de la création d’une université suffisamment intégrée pour pouvoir figurer dans les classements internationaux avaient été jugés insuffisants. Le Premier ministre a renouvelé la période probatoire de Paris-Saclay pour une période de 18 mois[2]. Et le volet scientifique est la pierre angulaire de ce cluster », considère Michel Berson.

« Comment en est-on arrivé là, s’interroge le député de l’Essonne, alors que la dynamique enclenchée par la création de l’université Paris-Saclay sous la forme d’une communauté d’universités (ComUE) paraissait solides (mutualisation du doctorat et de 80 % des masters, signature unique pour les publications, création des écoles doctorales et des schools…). » Il est vrai que la constitution de cet « objet nouveau très complexe » n’est pas simple. Il y a d’abord la vieille dichotomie française qui n’existe nulle part ailleurs entre Grandes Ecoles et Universités, « les premières très sélectives qui forment les élites de la nation et les secondes qui accueillent tous les étudiants ». Et ensuite les rivalités entre écoles. Témoin la difficile fusion entre Centrale et Supelec. Le rapport de Bernard Attali intitulé L’X dans une nouvelle dimension montrait aussi combien ce projet de Paris-Saclay est difficile et complexe. Et absorbe beaucoup de ressources et d’énergie qui pourraient utilisées à des tâches plus positives. « Il est plus nécessaire que jamais de conforter le modèle d’intégration de l’université Paris-Saclay en renonçant définitivement à créer un « pôle d’excellence » en son sein et de poursuivre le regroupement de l’ensemble des acteurs. Il convient de tout faire pour éviter que l’X « ne prenne la tangente, l’Ecole Polytechnique en serait la première à en pâtir ».

Au-delà des propositions « techniques », Michel Berson propose de « désigner une personnalité scientifique de premier plan, membre de l’université Paris-Saclay, ambassadeur de l’université afin d’incarner le projet et d’un puissant service de communication capable de faire connaître la marque « université Paris-Saclay » dans le monde entier ».

On n’est donc pas à l’abri d’un soubresaut et l’on se trouve à la croisée des chemins sur la constitution de cette pierre essentielle à la construction de cluster. Mais il en un autre élément tout aussi important et sur lequel le rapport est bien succinct : la constitution d’un puissant réseau de business angels et d’entreprises de capital risque qui finance et aide le réseau de startups à se développer. La Silicon Valley est exemplaire dans ce domaine, même aux Etats-Unis où elle concentre plus de 40 % des fonds de capital-risque. Car ce ne sont pas les fonds de la BPI ou de la SATT (Société d’accélération du transfert de technologies) qui suffiront la masse critique nécessaire.

« L’échec du Projet de Paris-Cluster n’est donc pas une option » conclut Michel Berson. Mais c’est peut-être une possibilité pourrait-on ajouter.

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[1]
Fin avril, les trois Idex franciliens PSL (Paris Sciences et Lettres), Sorbonne Universités et l’Université Paris-Saclay se sont vu accorder entre 18 mois et deux ans supplémentaires pour convaincre le jury.

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