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Tendances 2017 : L’infogérance est morte ! (ou presque)

Fin octobre, nous avons publié une tribune de Jean-Marie Simonin, en charge du Cloud & DevOps Business Development chez IPPON, consacrée à l’infogérance. Cette tribune a rencontré un grand succès au sein de l’audience de Channelnews et a suscité de nombreuses réactions. Nous la publions ici in extenso ainsi que les commentaires associés.

Adieu veau, vache, cochon, couvée, l’infogérance est morte, la rente s’est envolée ! Il y a près de 30 ans, l’utilisation de l’informatique au sein des entreprises a créé un secteur drainant des milliers d’emplois : l’Infogérance. Service de maintenance Réseau, Hardware, Système et Applicatif, l’infogérance permet aux entreprises d’externaliser la gestion de leur parc informatique.

Dès les années 2000, des milliers d’informaticiens – appelés actuellement des « Ops » – ont rejoint des plateaux de production afin d’installer et de maintenir des systèmes d’informations. Toujours dans les années 2000, les premiers administrateurs SI furent désignés comme des « couteaux suisse », mais rapidement relégués pour raison d’organisation empirique du Delivery et surtout de rareté des profils… Progressivement, des normes et bonnes pratiques d’exploitation ont vu le jour dont la plus connue s’appelle ITIL.

Des centres de services structurés ont vu le jour ; toute une organisation s’appuyant sur des savoir-faire, répondant au besoin d’assemblage d’une IT stable et pérenne, s’est affairée pour installer des architectures de serveurs physiques ou virtuels, maintenir des réseaux physiques ou virtuels, déployer des environnements systèmes et applicatifs, les maintenir en condition de sécurité.

Autour de ces services, les infogéreurs ont développé des offres commerciales, des catalogues de services des forfaits d’exploitation, du pilotage projet… Les contrats se sont empilés, constituant des revenus aux marges souvent alléchantes.

Le jour où tout a basculé…

Pourtant, ce métier éprouvant, à l’organisation complexe mais aux marges attrayantes, a été tué un matin de 2006, lorsqu’un géant de la vente en ligne à annoncé la sortie de son offre d’hébergement : Amazon EC2. En revendant une partie de l’infrastructure qui ne lui servait que lors des périodes de fort trafic, Amazon a identifié un moyen simple de mettre à disposition ses ressources de calcul : l’API.

L’API est un ensemble normalisé de classes, de méthodes ou de fonctions qui sert de façade par laquelle un logiciel offre des services à d’autres logiciels. On parle de Software defined infrastructure. C’est à partir de ce moment là que l’infrastructure est devenue pilotable par du code.

L’arrivée de l’API a bouleversé les usages et a permis l’apparition de  :

  • L’abstraction, répandue dans le monde du développement logiciel. Elle est devenue un des attributs du Cloud, facilitant les manipulations du réseau, des machines virtuelles, des volumes disques, des environnements systèmes ;
  • La programmatique, qui permet d’enchaîner des commandes afin d’automatiser le fonctionnement de l’infrastructure ;
  • Le mode On-Demand, qui a satisfait le besoin de disposer de ressources immédiatement ;
  • La consommation horaire, qui répond aux besoins de montée en charge, et permet la bonne gestion des investissements IT pour les nouveaux projets.

Pour résumer, le Cloud a permis de mettre à disposition des entreprises un outillage permettant d’industrialiser, d’automatiser, de stabiliser l’IT et surtout de simplifier sa gestion quotidienne.

Les pionniers du Cloud : les devs

Du côté des DSI et des infogéreurs, le Cloud n’a pas rencontré un franc succès, et à ce jour encore trop peu d’administrateurs l’utilisent. Les premières consommations de Cloud sont venues de la part d’une population jusqu’alors très éloignée du monde des ops : les devs.

En quelques secondes, les développeurs avaient à disposition des environnements pour faire fonctionner leurs projets, plus d’investissement initial, des coûts extrêmement réduits et surtout, plus d’ops avec qui débattre de la meilleure version d’Apache ou de Tomcat. Plus « d’install » machine », plus d’attente. Tout était là et surtout : tout était code !

Infrastructure as code = architecture polymorphe et « vivante »

L’Infrastructure as code ou l’art de fabriquer, de lancer et de faire vivre une infrastructure avec le moins d’intervention humaine. L’enchaînement des lignes de commandes permet de scénariser le fonctionnement d’une production, les outils permettent d’anticiper des incidents, des montées en charge et résout les problèmes en temps réel. Tout ce qui justifiait une organisation complexe constituée d’experts divers et variés pour opérer le « Run » est désormais désuète car inutile.

Autrefois, les contrats d’infogérance étaient constitués comme tels : pour une somme de 100  dépensés sur 12 mois, 20 étaient dédiés au montage de l’infrastructure (Build ) et 80 pour son entretien courant (Run). Pour un infogéreur, la marge se dégage durant cette phase de Run, le Build servant souvent de levier de négociation pour « appâter le chaland ». Le Build est souvent déficitaire, mais qu’importe. La marge c’est le temps. Plus un client reste, plus les marges s’accroissent.

L’infogérance est morte, vive le Cloud building !

Le paradigme du Cloud démembre ce modèle économique.  L’automatisation entraîne des phases de Build conséquentes. Il faut penser à tout, anticiper, documenter, l’objectif étant ici de réduire la quantité d’intervention durant la phase de Run.

De nouveaux acteurs, souvent très jeunes, ont investi le terrain. Ayant compris l’importance du métier de Cloud Builder,  ils opèrent cette transformation en proposant des contrats à très haute valeur ajoutée, incluant une plus grande flexibilité, une meilleure gestion du risque et surtout une production toujours disponible. Les entreprises elles mêmes suspendent leurs contrats d’infogérance et internalisent le management de leurs infrastructures.

Si l’infogérance est morte, les infogéreurs ne le sont pas et ça n’est pas souhaitable. Accompagner ses équipes à ce changement, faire comprendre les bénéfices d’une infrastructure as code, reconstruire un business model calqué sur l’inversion des phases de Build et de Run : tel est le défi à relever ces prochaines années.

 

Commentaires

  • Pierre Fauquenot

    Désolé mais vous rêvez à haute voix !
    Vous ne connaissez pas le marché de l’infogérance qui en majorité gère du legacy.
    Votre prise de position ne concerne qu’une très faible partie du marché que sont les nouveaux projets.
    Le vrai marché est l’infogérance du legacy qui ne risque pas de s’arrêter aussi facilement. Il représente quand même 70% du budget d’une DSI. Quel intérêt y aurait-il à changer quelque chose qui fonctionne ? On ne justifie pas le coût de cet investissement.
    Je vous recommande donc de passer un peu de temps au sein d’une DSI pour comprendre le fonctionnement de ce monde et l’analyser globalement.

     

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    En phase avec toi Jean-Marie, on va de plus en plus vers ce type d’approche.
    D’ailleurs n’hésite pas à parler de la formation qu’on avait mis en place avec toi sur le sujet : http://www.openska.com/formati…
    Il faut accompagner les équipes au changement.

    Synthèse très synthétique et orientée Dev :-).
    Que se passera-t-il quand une erreur dans le code vous fera provisionner automatiquement des centaines de serveurs avec à la sortie une note astronomique ?
    De mon point de vue Amazon a surtout été le premier qui a réussi à monétiser son surplus de puissance avant de le transformer en business. Cela est arrivé à un moment clé où les minis-Unix n’arrivaient pas à s’imposer et où des éditeurs comme VMWare (né en 1999) sont arrivées avec les 1ères briques crédibles de la virtualisation pour des environnements hors production, comme ceux de Dev par exemple !
    Si je suis un peu nuancé sur votre analyse, je partage en partie votre conclusion : « Si l’infogérance est morte, les infogéreurs ne le sont pas ». Ils vont, et ont déjà commencé à, transformer leur métier et notamment à cause des promesses d’automatisation faites à leurs clients qui via la virtualisation, Le DevOps, le nivellement des applications sur le modèle des AppStore à la Apple ou Google et maintenant l’hyperconvergence font que la main-d’œuvre pas chère de l’autre côté de la terre (pour nous Européens) devient de plus en plus chère et remplaçable par des automates.
    De mon point de vue la question essentielle maintenant est comment le DSI va pouvoir tirer parti avantageusement, pour son business, de ce changement de position de son ou ses infogéreurs ?

     

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    belle synthese