En annonçant mardi l’externalisation de son activité services puis sa fusion avec CSC, HPE a promis que les clients bénéficieraient « d’une activité services plus solide, plus souple, plus apte à innover ». Mais c’est surtout aux actionnaires que cette annonce a fait plaisir : le titre CSC a fait un bond de 42% au lendemain de l’annonce et celui de HP est en hausse de près de 6% sur deux jours. En revanche, c’est la soupe à la grimace du côté des salariés qui craignent d’être les dindons de la farce.

Ils sont confortés dans leurs craintes par les déclarations de certains analystes. L’un d’eux, Trip Chowdhry de Global Equities Research, cité par le Investor’s Business Daily, prédit déjà 65.000 licenciements à l’issue du processus de rapprochement, soit 40% de l’effectif du futur ensemble. Son commentaire à propos de cette opération est cruel : c’est « la combinaison de deux entreprises en difficultés », a-t-il déclaré, avant de conclure que « deux mauvais actifs n’en faisaient pas un bon ». Certes, il est peut-être un peu exagéré de parler d’entreprises en difficulté. CSC comme l’entité services de HPE sont bénéficiaires. Mais elles sont en décroissance et se délestent de milliers de salariés chaque année.

Chacun sent qu’il va y avoir de la casse

En France, l’annonce a fait l’effet d’une douche froide. Alors que, dans le cadre de la dernière grande réorganisation mondiale – dite Unify – affectant les services, salariés, direction et partenaires sociaux se félicitaient il y a quelques semaines encore d’avoir sauvé 500 emplois promis, au mieux, à l’externalisation (comme en Allemagne), au pire, à la disparition (comme au Royaume-Uni), chacun sent que cette fois, il va y avoir de la casse. Et contrairement au plan social actuellement en cours de négociation chez HPE – 122 postes supprimés, dont une quarantaine sur le périmètre services – les départs risquent de ne pas être basés sur le volontariat. D’autant que chez CSC France, ça licencie aussi. Un PSE visant à économiser 35 postes sur les 1691 que compte l’entreprise est en cours.

Autre paramètre qui donne déjà des sueurs froides aux quelque 1296 salariés HPE services potentiellement concernés par le projet de création de fond de commerce transférable dans la nouvelle structure : le climat social chez CSC est présenté comme épouvantable par plusieurs organisations syndicales. La CFTC CSC notait ainsi dans un billet de blog en décembre dernier : « Tout est bon pour vous déstabiliser et vous rendre la vie au travail intenable. […] On vous donne des objectifs inatteignables, on vous explique que vous n’êtes plus dans la stratégie de l’entreprise, qu’au vu de votre séniorité à votre poste vous êtes en insuffisance professionnelle… […] Nous constatons également au travers des rapports d’expertise des IRP une forte augmentation des arrêts de travail longue durée, liés pour bon nombre d’entre eux à des burn out. »

Le syndicat majoritaire promet de se mettre en mode combat

Les salariés craignent aussi pour leur convention métallurgie et leurs quelques avantages sociaux conquis de haute lutte en 2011 suite à l’absorption de HP ESF (ex-EDS) par HP France. Compte tenu de la faible rentabilité des deux structures – de l’ordre de 3% net pour CSC, 6 à 7% pour HPE – cela risque d’être « Syntec pour tout le monde et alignement sur CSC », s’inquiète un salarié.

Un pessimisme partagé par la CFTC HPE qui promet de se mettre en mode combat et de faire traîner le processus de fusion en longueur si elle n’obtient pas des concessions acceptables pour les salariés transférés.

HPE risque de s’affaiblir sans ses services

Enfin, se pose la question du devenir de HPE à l’issue de l’opération. En France, 1.300 collaborateurs devant, rappelons-le, être potentiellement être transférés, il resterait environ 1.200 personnes – dont les quelques centaines de techniciens OTS attachés à la maintenance des matériels HP et notamment de ses serveurs. Une réduction d’effectif qui aura probablement des répercussions sur l’organisation, avec de possibles fermetures de sites à la clé, mais aussi sur les accords d’entreprise, avec des avantages et des budgets sociaux qui risquent d’être revus à la baisse.

D’une manière générale, les analystes craignent que HPE s’affaiblisse dans l’opération. Toni Sacconaghi, senior research analyst IT hardware chez Bernstein, cité par The Register, craint la perte potentielle des ventes de hardware bundlées avec les contrats de services et note que le nouvel HPE sera « beaucoup plus orienté transactionnel ce qui le rend plus vulnérable à la pression des marges ».