Face à la dégradation du marché de l’emploi IT, Régis Granarolo, président de l’association professionnelle Munci, est plus que jamais décidé à mieux encadrer la sous-traitance informatique.

 

Channelnews : Vous aviez prédit avant tout le monde, dès novembre 2008, que le secteur IT allait entrer en récession et détruire des emplois. Quel bilan faites-vous à l’issue de l’année 2009 et quelles sont vos prévisions pour 2010 ?


Régis Granarolo : Selon les sources, le secteur a détruit entre 7.000 et 10.000 emplois l’année dernière. Le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de plus de 50% passant à près de 34.000 (catégories A, B et C), soit un taux de chômage de l’ordre de 6,5%. Pour 2010, nous anticipons sur la base des prévisions du Syntec une reprise progressive du recrutement. Mais, en raison du sur-effectif chronique du nombre de jeunes diplômés, nous pensons que le niveau de chômage actuel va se maintenir.

Certains employeurs, cabinets d’études, organismes de formation et sites de recrutement craignent pourtant une résurgence de la pénurie de profils IT de ces dernières années.


Régis Granarolo : Cette pseudo-pénurie d’informaticiens est à notre avis un mythe. Dans son dernier bulletin, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), le met bien en évidence : le rapport entre les offres d’emploi collectées et le nombre de demandeurs d’emploi informatique enregistrés n’est que de 0,4 offre par demandeur. Et une récente étude du BIPE pour le compte du Syntec (non publiée) montre que la création d’emplois nette va baisser au cours des prochaines années. Ce qui est probable, en revanche c’est qu’il y ait inadéquation entre l’offre et la demande. Pour mieux évaluer ce phénomène, nous avons décidé de mener un projet d’études à long terme basé sur l’analyse de trois grands sites de recrutement visant à cartographier les offres d’emploi pour les comparer à la demande. Les premières conclusions seront disponibles au cours des prochaines semaines.

Quel bilan faites-vous de votre action en tant qu’organisation professionnelle pour l’année 2009 ?


Régis Granarolo : Nous sommes fiers d’avoir inspiré une partie des propositions du rapport Chaudron sur les tiers-employeurs, remis au Ministre du Travail en février 2009. De même, le rapport de la DARES sur la longévité professionnelle (intitulé « Durer au travail dans les métiers de l’informatique ») a largement repris nos propositions. A l’intention de nos membres, nous avons développé des ateliers de gestion de carrière gratuits en partenariat avec le cabinet B2EN, visant à améliorer leur employabilité.

Où en êtes-vous de vos projets de rapprochement avec l’organisation syndicale UNSA ?


Régis Granarolo : Nous travaillons sur une mise en commun de nos ressources avec le Specis, la branche Syntec de l’UNSA. Cette dernière se développe significativement dans le secteur IT, soit en ouvrant des sections syndicales (Atos, Aubay…), soit en rattachant des syndicats autonomes existants (Altran, Cap Gemini, Oracle, Sigma…). Nous sommes sur le point de sortir le premier numéro d’une lettre de veille professionnelle trimestrielle et nous allons proposer un ensemble de dossiers de carrière (ainsi qu’un service d’assistance juridique). Nous allons également sortir un document de position commun qui sera une mise à jour de celui que nous avions publié il y a deux ans.

Quels sont vos dossiers prioritaires pour l’année 2010 ?


Régis Granarolo : On va mener une campagne auprès de la classe politique (en mettant à contribution nos adhérents) pour demander un rapport parlementaire sur le fonctionnement du secteur des services informatiques. Toujours sur ce dossier, nous aimerions profiter du projet de loi en préparation sur le prêt de main d’œuvre à but non lucratif pour faire passer nos propositions visant à mieux encadrer la sous-traitance informatique et plus généralement la prestation de services. Nous menons également ce projet dont j’ai déjà parlé visant à évaluer les besoins réels du marché du travail. Nous avons recruté à cet effet un emploi aidé et nous consacrerons désormais un rapport trimestriel à ce sujet. Sur le plan interne, nous souhaitons développer les ateliers de gestion de carrière et mettre en orbite cette veille professionnelle que je vous ai mentionnés à l’instant, ainsi que des ateliers pour freelance.

Vous êtes connu pour vos prises de position à l’encontre des abus des sociétés de services et pour votre combat en faveur des droits de leurs salariés. Quelles sont vos relations avec le patronat et avez-vous l’impression que votre cause gagne en audience ?


Régis Granarolo : Nous n’avons pas de problème particulier avec les patrons de SSII. Nous en comptons d’ailleurs parmi nos membres. Et nous avons toujours eu des relations cordiales avec le Syntec même si nous le malmenons parfois. Notre souci vient de la grande frilosité des informaticiens à rejoindre des mouvements collectifs comme le nôtre. Certes, nous comptons 1.700 adhérents mais c’est peu en rapport de l’effectif de la profession (510.000 salariés sans compter les indépendants) et notre budget est très faible. Cela dit, les choses évoluent progressivement comme le montrent les mouvements sociaux de l’année dernière ainsi que la forte audience de notre site (3000 visites par jour).