Vighen Papazian, le PDG d’Infodis, explique en quoi la politique généreuse en matière d’indemnisation chômage et l’inadaptation de l’Education nuisent au recrutement dans le secteur IT.


Channelnews : Dans une tribune intitulée « Le recrutement, un mal français ? », vous tentez d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur votre diffificulté à recruter en tant que chef d’entreprise. Et ceci malgré le chômage qui continue de progresser.

Vighen Papazian : Oui, les difficultés d’embauches sont réelles depuis des années mais elles s’amplifient depuis deux-trois ans. Nous perdons 10 ou 15% de croissance par an, faute de ne pouvoir recruter tous les profils adaptés à nos besoins.

Quels profils sont concernés ?

Vighen Papazian : Les ingénieurs bien sûr, qui ne sortent pas assez nombreux des écoles. Mais pas seulement. Le problème se pose à tous les niveaux, y compris pour les techniciens et même dans les services administratifs.

Cette difficulté à recruter serait liée selon vous pour une bonne part l’inadaptation de l’Education. Que voulez-vous dire ?

Vighen Papazian : En tant qu’employeur, j’ai de plus en plus de mal à trouver des candidats ayant une compréhension et une expression correcte en français. Or, dans une entreprise de services, les collaborateurs doivent rédiger des rapports pour les clients. Ne pas savoir s’exprimer correctement à l’oral et à l’écrit est préjudiciable pour l’image de l’entreprise.

N’est-ce pas plutôt un problème de formation continue dans un secteur où l’évolution rapide de la technologie rend les savoirs si rapidement obsolètes ?

Vighen Papazian : Non, la maîtrise du français n’est pas une compétence que l’on ne peut acquérir une fois recruté, comme peuvent l’être les compétences techniques. Une mauvaise maîtrise reflète donc l’échec de l’éducation, familiale ou scolaire.

Cela dit, concernant la formation professionnelle, il est indéniable qu’elle pourrait être plus efficace. Le 1% formation est plus perçu comme une taxe que comme un moyen de mutualiser les besoins en formation. L’obligation de verser cette manne à des fonds collecteurs qui ne sont pas en concurrence, qui ont des frais de gestion importants et dont on ne sait pas bien comment ils emploient leurs fonds n’est pas des plus judicieuces. Une réforme est en cours qui est censée donner plus de liberté dans l’utilisation de ces fonds mais il est encore trop tôt pour en juger.

L’autre problème majeur que vous soulevez est celui de l’indemnisation disproportionnée du chômage. Que voulez-vous dire ?

Vighen Papazian : Autant j’estime la solidarité indispensable, autant l’assistanat me paraît contre-productif. Or de par leur montant trop élevé, les indemnisations chômage confinent à l’assistanat. Je rencontre fréquemment des candidats qui préfèrent aller au bout de leurs droits plutôt que d’accepter un poste dont ils savent que la rémunération sera à peine plus élevée que ce qu’ils touchent au chômage. Dans les régions correctement pourvues en emplois, les indemnisations chômage devraient être plus courtes et dégressives pour les personnes bien-portantes.

N’est-ce pas le niveau des salaires qui est trop bas ?

Vighen Papazian : Les salaires sont contraints par la concurrence internationale. Nos grands donneurs d’ordre sont capables de trouver à l’étranger des compétences comparables à celles que nous sommes en mesure de leur proposer pour moins de la moitié de nos tarifs.

Comment vous y prenez-vous pour pallier ces difficultés de recrutement ?

Vighen Papazian : Je n’ai pas vraiment de solution. Comme je vous l’ai dit, malgré des chiffres de croissance honorables (+6% au premier trimestre) je perds 10% à 15% de croissance par an. Ce qui impacte le résultat d’exploitation et représente un manque à gagner en taxes pour la collectivité. Je pense que c’est aux politiques de prendre leurs responsabilités. Toutefois, comme la trésorerie du groupe le permet, et que nous avons besoin de renforcer nos compétences, notamment dans les infrastructures et la migration vers le cloud, nous étudions une opération de croissance externe qui, j’espère, débouchera avant la fin de l’année. Cela devrait nous permettre de franchir le seuil des 250 collaborateurs, qui est un cap difficile à passer en raison des contraintes sociales et fiscales.