Le calendrier du patron de SFR, Michel Paulin, a dû rester bloqué au 1er avril, tant son annonce d’un déploiement de la fibre sur la totalité du territoire semble irréaliste. Beaucoup y voient d’ailleurs un effet d’annonce. C’est notamment le cas de Benoît Felten, le PDG et responsable de la recherche au cabinet d’analyse Diffraction Analysis, spécialisé dans les télécoms. Dans une lettre ouverte publiée sur ZDNet, il estime le projet « simplement irréaliste » dans le marché des télécoms. « Dans le marché des télécoms, le modèle par défaut (et celui que propose SFR/Altice) est un modèle d’intégration verticale où le propriétaire de l’infrastructure est le seul à l’exploiter. Dans un tel modèle les taux d’utilisation sont faibles (puisqu’il y a des infrastructures concurrentes) et les coûts unitaires sont donc élevés », écrit-il. En revanche, il estime qu’un tel déploiement est réalisable dans le marché des infrastructures. Contrairement au précédent qui exige des retours élevés sur des périodes courtes, mais accepte les fluctuations des dividendes, on s’accommode de retours plus faibles à condition qu’ils ne fluctuent pas sur le long terme.

Un avis très logiquement partagé par l’opérateur d’infrastructures Covage. Ce dernier réagit dans un communiqué à ce qu’il appelle une remise en cause du plan France THD « de la part d’un opérateur intégré qui propose au gouvernement de déployer la fibre dans les zones prévues d’être couvertes par des réseaux d’initiative publique ». Il rappelle que la couverture THD dans les zones peu denses nécessite des acteurs capables de répondre aux attentes spécifiques de ces territoires qui couvrent les 4/5ème de la superficie du pays et qui comptent 15 millions de foyers. « Aucun opérateur intégré ne raccordera une exploitation vinicole et d’agrotourisme à 5 km du réseau, ne maillera aucune zone d’activité économique où s’implante une petite industrie essentielle à l’emploi local, ne déploiera la fibre dans un nouveau lotissement rural, dont il ignore jusqu’à l’existence », détaille Covage. « Les opérateurs intégrés ont des objectifs très stricts de retour sur investissement à court terme (ROI) qui les obligent à sélectionner leurs clients les plus rentables », indique encore le communiqué.

En revanche, il rappelle qu’un opérateur d’infrastructures se doit de couvrir de manière extensive et dans sa totalité la zone qui lui est attribuée, pratique la péréquation tarifaire pour permettre aux fournisseurs de services de proposer les mêmes offres partout sur le territoire, ne sert pas les clients finaux mais ouvre la concurrence au niveau des services des contenus. Non sans ironie, Covage indique que ses réseaux « sont ouverts au co-investissement qui permet à tout opérateur de services de limiter ses investissements à ses seuls clients ». Et le communiqué de conclure « Covage continuera d’être le partenaire fidèle et stable des collectivités pour l’aménagement numérique de leur territoire, quelque soient les effets d’annonces ou les tentatives de déstabilisation ».