Après la Terre, la Mer, l’Air et l’Espace, le Cyber est bien devenu la 5e dimension de la guerre moderne. Le Gouvernement organisait le 1er colloque Cyberdéfense qui a réuni une trentaine de délégations.

A l’occasion du colloque Cyberdéfense, le premier du genre, qui s’est tenu aujourd’hui à l’Ecole Militaire à Paris, le ministre de la Défenses Jean-Yves Le Drian a rappelé l’importance croissante prise par la dimension cyber dans les opérations militaires. Intitulé « le combat numérique au cœur des opérations militaires », ce colloque était centré principalement sur la guerre plutôt que sur la cybersécurité ou le renseignement, bien que des liens étroits existent entre tous ces domaines. Une importance qui n’a évidemment pas été démentie par Michael Fallon, l’homologue anglais de Jean-Yves Le Drian qui a répété cette évidence selon laquelle le coût des pertes économiques liées à la cybersécurité avait été multiplié par trois l’année dernière et qu’il était préférable « d’investir aujourd’hui dans la cyberdéfense aujourd’hui pour ne pas avoir à en payer les conséquences demain ».

C’est d’ailleurs une des caractéristiques du Cyber qui est un espace en propre mais aussi un ensemble de technologies qui interpénètre les quatre autres dimensions, régit désormais par le numérique, mais aussi la société civile. Pour espérer avoir la maîtrise des airs, il faut des moyens considérables. Un seul Rafale coûte plus de 50 M€. Pour engager une action dans le cyberespace, un simple PC de quelques dizaines d’euros suffit. Le Cyberespace permet de s’affranchir des frontières et d’avancer masqué. Évidemment, le fait d’être doté de moyens ne nuit pas. L’exemple de Daech le prouve aisément. C’est une nouvelle guerre qui s’affranchit des frontières, où l’intérieur et l’extérieur s’entremêlent, et qui ne connait aucun répit.

Dans ce contexte, où en sont les armées françaises dans la prise en compte du numérique dans la conduite des opérations ? « Nous sommes conscients de la dimension stratégique du numérique estimait l’un des intervenants de la table ronde sur les évolutions des menaces dans l’espace numérique mais la situation n’est pas totalement satisfaisante ».

A ce jour, la France déploie 12 000 hommes, une centaine d’avions et d’hélicoptères, 10 bâtiments navals et des drones qui interviennent principalement sur trois théâtres d’opérations : au Sahel (opération Barkhane), au Levant (opération Chammal) contre Daech et en République centrafricaine (opération Sangaris). Ces forces ne sont évidemment pas livrées à elles-mêmes et s’appuient sur des ressources numériques très importantes.

La France consent donc des moyens importants à la cyberdéfense : plus d’un milliard d’euros dans la Loi de programmation militaire 2014-2019 et son actualisation, plus de 1 000 agents dédiés à la cyber dans les états-majors, la DGA, et les services de renseignement. Cette expertise souhaitée par le gouvernement s’appuie sur le pôle d’Excellence Bretagne basé à Rennes, un centre qui anime un cluster regroupant des écoles d’ingénieurs, des universités et près de 200 entreprises par lesquels on trouve les grands groupes IT tels que Thales, Sopra Steria, Capgemini, Orange mais aussi des PME telles que Amossys, Diatem, Secure-IC, ARX Défense et Sécurité, Tevalis…).

Le ministre a rappelé les 4 priorités du gouvernement qui s’inscrivent dans une stratégie générale qui sera présenté par Manuels Vals le 16 octobre prochain :
– garantir la protection des réseaux et systèmes de notre défense ;
– monter en puissance la chaîne opérationnelle de cyberdéfense, qui agit en temps réel pour la sécurité de nos systèmes ;
– progresser encore dans le renseignement cyber, afin d’anticiper les menaces, de caractériser l’adversaire et d’adapter ainsi nos systèmes de défense.
– Enfin, progresser encore dans le renseignement cyber, afin d’anticiper les menaces, de caractériser l’adversaire et d’adapter ainsi nos systèmes de défense.

« L’aviation avait a bouleversé la manière de faire la guerre (…) Avec le cyber, à l’aube d’un phénomène qui sera aussi structurant », a conclu le ministre de la Défense.

La stratégie russe dans le cyberespace

Bien que l’on soit dans un espace totalement nouveau avec ses propres règles et ses propres métriques, la compréhension de la stratégie russe peut-être éclaircie par des invariants vérifiés tout au long de l’histoire du pays. C’est la thèse que défend Kevin Limonier, chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII), enseignant à l’Université russe d’État de sciences humaines Parmi ces invariants, on peut en citer deux principaux :

  1. Le recours massif aux francs-tireurs, en l’espèce spécialisés dans le numérique ;
  2. L’extension du domaine offensif informationnel, autrement dit de la propagande.

Le premier point est bien illustré par l’affaire estonienne de 2007 où il avait été confirmé que le gouvernement russe n’avait pas été directement impliqué mais qu’il avait réussi à commanditer un groupe indépendant, le CyberBerkut. Ce groupe se caractérise notamment par son excellence technique et pas la maîtrise de ce que l’on appelle le Social Engineering (ce n’est pas le pousse au crime, mais le pousse au clic !).Ce recours à des groupes motivés pour des raisons idéologiques existent depuis très longtemps en Russie.

Pour l’enseignant-chercheur, la guerre informationnelle que mène la Russie est organisée en quatre cercles concentriques. La presse d’Etat largement dotée et dont le principal objectif est de faire de la propagande. Deuxième cercle, les bots qui permettent de démultiplier les actions humaines sur un nombre élevé de serveurs. Viennent ensuite les armées à fabriquer des trolls (Propagande : la redoutable usine à trolls du Kremlin) qui permettent de polluer le débat et de faire de la contre-propagande. On l’appelle aussi l’armée des 30 roubles (Russia’s 30-Ruble Army Emerges Again). Enfin le dernier cercle est consitué des francs-tireurs informationnels qui participent à cette œuvre collective gracieusement motivés par des raisons idéologiques et nationalistes.

« Les capacités offensives de la Russie sont remarquables, conclut Kevin Limonier et s’inscrivent dans des pratiques quasi ancestrales ». On le voit, même dans ce nouvel espace, l’histoire nous apporte un enseignement précieux sur les pratiques.

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