Michaël Azencot est directeur associé de la Financière Cambon, un cabinet conseil spécialisé dans les fusions acquisitions dans le secteur des services IT. La société est à l’origine de près de dix opérations en 2007, parmi lesquelles le rapprochement de BTD et de GFI Informatique ou le LBO mené par EPF Partners sur DCI. Il décrypte pour channelnews les tendances du secteur.

 

Channelnews : Depuis quelques années, le nombre de transactions ne cesse d’augmenter. Qu’est ce qui explique selon vous ce phénomène ?

Michaël Azencot : Le marché est dynamique car tous les ingrédients sont réunis pour qu’il le soit. D’un côté, il y a l’offre. Le paysage français des services informatiques reste très fragmenté avec un grand nombre d’acteurs de petite et moyenne taille (entre 5 et 20 M€ de CA). Des acteurs qui ont parfois des positions fortes chez de grands clients et qui justifient de compétences fonctionnelles pointues mais qui craignent de se faire dé-référencer du jour au lendemain faute de taille critique. Or le seuil fatidique pour atteindre cette taille critique ne cesse d’être repoussé. Situé à environ 50 M€ il y a 4-5 ans, il atteint désormais 100 M€ et il pourrait bien franchir la barre des 200 M€ dans les prochaines années. Dans ce contexte, les acteurs ressentent le besoin de « s’adosser » ce qui se traduit par des opportunités de croissance externe.

Channelnews : L’offre est là et apparemment la demande aussi.

Michaël Azencot : En effet ! La demande a été tirée en 2007 par les opérateurs télécoms, qui souhaitent déployer une offre de services complète au-delà de la prise téléphonique. Une tendance illustrée par les rachats du groupe Diwan et de Silicomp par Orange mais également de Net2S et CS Infrastructures par BT. Les grandes SSII voire les moyennes, en quête de consolidation, sont également très actives. De même que les fonds d’investissements et les banques, attirés par les taux de croissance et les fortes rentabilités du secteur. Un phénomène amplifié par leur meilleure compréhension qu’autrefois des métiers des services informatiques. En revanche, les gérants de portefeuilles boursiers restent globalement à l’écart de ces valeurs car ils anticipent un retournement de conjoncture qui, s’il se confirmait, aurait un effet immédiat sur le carnet de commandes des SSII. Ce qui explique que la valorisation actuelle des sociétés de services est très basse : environ cinq à six fois les bénéfices d’exploitation en bourse, en deçà des transactions industrielles ou de type LBO (acquisition par effet levier). Ce qui est très peu au vu de la dynamique du secteur.

Channelnews : Justement ! Ne pensez-vous pas, comme cela a été suggéré par certains experts, que la crise des subprimes qui affecte les valeurs financières risque d’atteindre par ricochets les SSII, dont elles sont les principaux donneurs d’ordres ?

Michaël Azencot : Paradoxalement, non ! Tous nos interlocuteurs nous le confirment : les missions sont régulièrement renouvelées. Personne ne nous signale de contraction de la demande. C’est même le contraire, notamment sur les prestations de conseil en matière de processus de contrôle par exemple. Evidemment, dans le contexte actuel de volatilité des marchés, on peut s’attendre à certaines tensions, notamment sur les prix des transactions ou sur les structures des opérations. On peut imaginer que les acquéreurs vont demander à étaler dans une plus forte proportion leurs paiements, à faire plus largement appel au « Earn out » (le fait de conditionner une partie du paiement à l’atteinte de résultats futurs) ou à privilégier l’échange de titre par rapport au cash. Mais pour l’instant nous n’avons constaté aucune évolution de ce type dans les dossiers que nous traitons.

Channelnews : Comment voyez-vous 2008 ?

Michaël Azencot : Du point de vue du nombre de transactions, nous anticipons une croissance, tous les ingrédients continuant d’être réunis pour. Le seule inconnue concerne les valorisations qui sont exagérément basses alors que rien ne le justifie : la croissance du secteur, bien que forte, n’a rien de commun avec les emballements qui ont précédés les crises des années 1993 et 2001. Et les valorisations passées sont restées très raisonnables.