Sans la croissance externe, le chiffre d’affaires global des quinze premières SSII françaises serait en recul de 0,3% au premier semestre. Mais les situations sont très contrastées selon les acteurs.


Les quinze premières SSII françaises ont été à la peine sur le premier semestre 2013. Selon le consultant spécialisé Claude Gourlaouen, qui a procédé à une analyse détaillée de leurs comptes, leur chiffre d’affaires global s’est accru de seulement 0,4%. Une quasi-stagnation qui masque en réalité une décroissance : sans la croissance externe, elles auraient affiché un recul de 0,33% de leurs facturations. À noter toutefois que c’est la décroissance des trois principales (Atos, Capgemini et Steria) qui fait la tendance. Sur les quinze premières, elles ne sont que cinq à être en décroissance.

Sur les douze sociétés ayant détaillé la ventilation de leurs ventes par pays, dix ont enregistré une décroissance sur le marché français. Le CA France France de ces douze entreprises diminue de 0,5% sur la période alors que leur CA global recule de 0,1%. « Que plus des deux tiers des SSII françaises régressent sur leur cœur de marché n’est assurément pas un signe de grande vitalité », souligne Claude Gourlaouen, dans une note de blog consacrée à ce sujet. La moitié de ces quinze SSII voient leur bénéfice diminuer, souvent de façon significative. La baisse globale de leurs bénéfices est de 45%.

Néanmoins, plusieurs de celles dont le chiffre d’affaires recule améliorent leur rentabilité. À l’exception de Devoteam qui a cédé des actifs, toutes l’ont fait par optimisation de leurs charges, notamment des coûts commerciaux et de leur masse salariale. Ce qui n’est pas forcément bon signe, selon Claude Gourlaouen, pour qui « une société ne peut enregistrer de progression durable et régulière de ses profits sans une croissance du chiffre d’affaires basée sur un modèle économique performant. L’amélioration de la rentabilité par les charges n’est donc qu’un pis-aller, selon lui.

On lui objectera qu’en améliorant leurs bénéfices (hors effets de cession) tout en enregistrant un CA en baisse, ces sociétés semblent au contraire faire preuve d’une certaine capacité d’adaptation en réduisant leurs coûts et en améliorant leur productivité. Ceci étant dit, toutes les sociétés ne performent de la même façon. Claude Gourlaouen distingue trois catégories de SSII : celle qui surfent, celles qui rament et celles qui coulent.

 

Les SSII qui surfent :

« Leur business modèle est en phase avec les évolutions du marché et elles gagnent régulièrement des parts de marché à semestre comparable et en séquentiel. A titre d’exemple, on peut citer Sopra ou Neurones qui, chacune dans leur registre, performent particulièrement en termes d’évolution de chiffre d’affaires (+5% en organique pour Sopra et +8% pour Neurones) et de résultat (+130% pour Sopra et +30% pour Neurones). À noter qu’elles ont des modèles économiques radicalement différents : l’une est plutôt orientée forfaits-TMA-développement, tandis que l’autre est plutôt positionnées sur l’assistance et l’exploitation d’infrastructures. » Osiatis fait aussi partie de cette catégorie.

Les SSII qui rament :

« Elles peinent à adapter leur modèle et perdent régulièrement des parts de marché, le risque étant, si elles ne parviennent pas à trouver le bon modèle économique, qu’elles aillent de réorganisation en réorganisation ». Les trois plus grandes SSII françaises, qui reculent de façon significative sur le marché français (-5% pour Steria, -9% pour Atos), appartiennent à cette catégorie.

On nuancera toutefois en précisant qu’une SSII peut perdre du chiffre d’affaires mais maintenir ses parts de marché si elle est positionnée sur un marché en déclin. D’autre part la pression sur les prix est plus ou moins forte selon que le type de compétence recherché est disponible sur le marché ou non.

Les SSII qui coulent :

« En perte de vitesse, leur chiffre d’affaires régresse chaque trimestre, cette décroissance pouvant être provisoirement masquée par des rachats. Ne parvenant pas à identifier le bon modèle ou dans l’impossibilité de migrer vers celui-ci, elles sont destinées à disparaître à court terme à l’occasion d’un rachat ». Claude Gourlaouen estime qu’il n’y en a qu’une parmi les quinze premières SSII qui appartient à cette catégorie mais plusieurs entre le 15ème et le 25ème rang.

« Au-delà des effets conjoncturels (effet calendaire, ponts du mois de mai), la médiocrité de ces chiffres témoigne du contexte économique maussade et de la pression tarifaire que subit le secteur depuis plusieurs années, souligne Claude Gourlaouen. Mais elle illustre aussi les premiers effets de la transition des clients vers le cloud et son impact sur le secteur des services. L’évolution vers le cloud va très probablement générer une redistribution des cartes et une nouvelle segmentation des acteurs du service informatique. Les éditeurs vont développer des activités de services pour adapter et spécifier leurs produits, au détriment des grands intégrateurs dont le marché (applications sur mesure) va diminuer, estime-t-il.