Pour que le secteur de la santé puisse bénéficier de la troisième étape dans la transformation numérique, celle centrée sur le patient, il est indispensable que les différentes parties prenantes comprennent ses besoins et ses attentes.

L’adoption de l’IT dans le secteur de la santé s’est effectuée à peu près comme dans les autres secteurs économiques. Dans les années 50/60, les différentes institutions ont des systèmes informatiques pour automatiser des tâches répétitives telles que la comptabilité et la paie. Elles ont également commencé à utiliser de manière plus systématique l’informatique pour traiter les données à leurs dispositions à des fins statistiques. Une vingtaine d’années plus tard, la seconde vague a déferlé et visait principalement deux objectifs : aider à l’intégration de processus impliquant différentes parties-prenantes – fabrication et ressource humaines par exemple) et informatiser des processus B2B tels que la gestion de chaînes logistiques. Les hôpitaux français ont déployé les SIH (Systèmes informatiques de santé) dont une définition a été donnée dans une circulaire ministérielle numéro 275 du 6 janvier 1989 du Ministère de la Santé [1].

C’est à la faveur de cette deuxième phase que des systèmes comme la carte électronique de santé en Allemagne et son équivalent français, la carte vitale, ont été déployés. Non sans mal. La première version de la carte vitale a été diffusée en 1998. Depuis mai 2007, elle est progressivement remplacée par une carte de nouvelle génération, la carte Vitale 2, qui affiche la photographie du titulaire, et est plus évoluée techniquement. Depuis 1998, 90 millions de cartes Vitale 1 ont été fabriquées par Axalto/Schlumberger, Oberthur, Gemplus, Solaic/Schlumberger-Sema. Cette phase a également permis de mettre en place une infrastructure informatique pouvant supporter de nouveaux services.

Mais estiment Stefan Biesdorf et Florian Niedermann, consultants du cabinet McKinsey dans une notre intitulée Healthcare’s digital future, cette troisième s’avère plus complexe que les deux précédentes, en partie parce qu’elle se différencie sur un point essentiel : elle concerne directement le patient et ses attentes, là où les deux premières phases visaient principalement l’automatisation des processus. Et ensuite parce qu’elle nécessite de trouver les moyens les plus adaptés pour y répondre. Pour que cette troisième phase réussisse, il est impératif que le patient soit devenu un utilisateur averti des différentes technologies qui sont désormais à disposition. Et de ce point de vue les succès des sites spécialisés en médecine tels que Doctissimo, DrEd, PatientsLikeMe ou ZocDoc démontrent aisément l’intérêt porté par le grand public pour accéder aux informations de santé. A tel point même que la relation patient/médecin en est transformée peu à peu. Avant d’aller consulter son médecin, le patient d’informe sur différents sites et forums.

Pour aborder cette 3e phase, les organismes et institutions de santé doivent donc comprendre les besoins des utilisateurs, ici les patients. Et sur ce point, quelques mythes restent tenaces.

Mythe n°1 : Les patients ne veulent pas utiliser des services numériques
C’est ce que pensent encore de nombreux décideurs dans le domaine de la santé. Plus de 75 % des personnes interrogées par le cabinet McKinsey dans différents pays souhaitent avoir accès à ce type de service. Evidemment, les moyens traditionnels continueront à être utilisés.


Mythe n°2 : Seuls les jeunes générations sont prêtes à utiliser des services numériques
C’est un peu le mythe de la génération Y. Il se trouve en fait que les générations aînées sont friandes d’informations médicales en tous genres. Il est vrai que l’intérêt des questions de santé croît assez naturellement avec l’âge. Plus de 70 % des patients de plus de 50 ans souhaitent avoir accès aux services numériques de santé. La différence concerne le type de canaux : les jeunes plébiscitent les médias sociaux alors que les moins jeunes poussent plutôt les sites d’informations et la messagerie.


Mythe n°3 : les services de santé via le mobile vont tout changer
La demande pour les solutions mobiles est encore loin de faire l’unanimité. Il est vrai que dans ce domaine, ce sont les jeunes générations qui sont plutôt demandeurs.


Mythe n°4 : les patients demandent des services et apps innovants
La majorité des patients demande un meilleur accès aux informations, une intégration des différents canaux, et la disponibilité d’un professionnel de santé plutôt que des apps sophistiqués pour des besoins très spécifiques.


Mythe n°5 : une infrastructure complète est un prérequis nécessaire pour créer de la valeur
Une telle approche ne s’impose pas et comme dans de nombreux domaines applicatifs précédents, il vaut mieux commencer petit et évoluer rapidement plutôt que de vouloir construire des solutions qui vont tout changer.

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[1] le système d’information d’un établissement de santé « […] peut être défini comme l’ensemble des informations, de leurs règles de circulation et de traitement nécessaires à son fonctionnement quotidien, à ses modes de gestion et d’évaluation ainsi qu’à son processus de décision stratégique.

 

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