La plupart des SSII s’enorgueillissent de proposer une activité forfaitaire. Pourtant, il est rare que cette activité dégage du profit et procure de réelles satisfactions, estime le consultant spécialisé Claude Gourlaouen.


Pour rappel, un forfait est un contrat par lequel un fournisseur s’engage à produire et livrer à une date définie le système décrit dans un cahier des charges, en contrepartie d’un montant ferme.
Dans la vraie vie, rarissimes sont les projets qui se traduisent par un système livré à l’heure pour le montant négocié.

Avant même la signature du contrat, le ver est souvent dans le fruit :
– Pour faire valider le lancement du projet par sa hiérarchie, le client a tendance à minimiser l’ampleur des travaux, misant sur sa capacité à négocier ultérieurement une rallonge budgétaire,
– Pour remporter l’affaire, le fournisseur serre les prix et parfois le planning, pariant lui aussi sur sa capacité à décrocher des avenants avec le client.

Une gestion nécessairement conflictuelle


Dès lors, passée la phase de démarrage pendant laquelle tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, les relations se tendent et les premiers sujets de discorde apparaissent bien vite.
Les rallonges budgétaires et les avenants, lorsqu’il y en a, ne suffisent généralement pas à absorber les oublis, les quiproquos, les évolutions de besoin et les sous-estimations.

Tout l’art de la gestion de projet consiste alors non pas à réussir le projet impossible à réaliser dans les conditions initialement prévues, mais à démontrer que c’est la faute de l’autre partie si on ne réussit pas à le mener selon les hypothèses initiales.

D’autant que ceci s’accompagne généralement d’un changement d’acteurs : tant côté client mais encore plus rapidement côté fournisseur, les premiers managers cèdent la place à une seconde génération, parfois même à une troisième équipe. Ces changements se situent le plus souvent dans une optique de communication : on montre qu’on a mesuré l’ampleur du problème et qu’on prend les mesures qui s’imposent.

En réalité, les choses continuent comme avant jusqu’à ce que le système finisse par tomber en marche. La résiliation du contrat, arme de dissuasion ultime dont dispose le client, est en fait rarement mise en œuvre du fait que chaque partie a généralement empilé un certain nombre de cadavres dans le placard.

Sortir de la situation lose/lose


Au-delà des péripéties propres à chaque projet, on note une constante. S’agissant des gros projets, le délai entre le moment où est exprimé le besoin et celui où intervient la mise en exploitation se compte généralement en années. Entretemps, le besoin a évolué, les acteurs ont changé de poste, les règles ont pu changer. Ceci est en particulier vrai dans les marchés publics, la procédure particulièrement lourde de passation des marchés incitant les acheteurs publics à concentrer un maximum de choses au sein d’un seul contrat.

Pour que les deux parties soient gagnantes, il est impératif de raccourcir ce laps de temps en se limitant à des projets de taille réduite, puis en empilant les mini-projets, ce que favorisent les technologies actuelles. Ce n’est pas un hasard si les évolutions commandées dans le cadre d’une TMA connaissent un bon taux de réussite : la charge est à taille humaine, le délai se compte en semaines ou en mois, les acteurs sont stables.

Cette tribune a été rédigée par Claude Gourlaouen et a été publiée initialement sur son blog Connect-IT.

 

À propos de l’auteur : Depuis plus de trente ans dans le secteur des services informatiques, Claude Gourlaouen a occupé durant les vingt dernières années des postes de management dans différentes sociétés de services. Il est notamment passé par Syseca, par Teamlog et par Groupe Open, où il a occupé le poste de directeur région Ile-de-France jusqu’en 2011. Il a aussi créé et dirigé une société de services et un cabinet de conseil. Depuis dix-huit mois il conseille des dirigeants de SSII dans leur stratégie de développement et réalise de l’analyse d’offre pour le compte de donneurs d’ordres.