Olivier_HemmerDe quelles recettes disposent les intégrateurs IT pour faire face au tsunami du Cloud ? C’est l’objet de cet avis d’expert rédigé par Olivier Hemmer, directeur inside sales de HP France.

Après 20 années d’expérience dans les infrastructures IT, le Cloud est la troisième rupture que j’observe : elle bouleverse notre industrie et son écosystème. Les deux premières ruptures, le client-serveur et le web n’avaient pas, à mon avis, la même intensité transformationnelle. Le Cloud touche tous les agents de la chaine de valeur en même temps. J’identifie quatre forces à l’œuvre :

L’infrastructure tend à s’effacer

 

Pour la génération  startup, l’infrastructure n’existe plus. Elle consomme avec gourmandise les services Cloud – et par conséquent l’infrastructure sous-jacente – avec sa carte bleue. C’est une « consommation d’usage » inscrit dans son ADN. C’est aussi un état d’esprit : la simplicité, la rapidité, le meilleur prix sont déterminants. Inutile de lui parler de serveurs et de stockage : elle vit avec des services et des applis comme Google, Evernote, Dropbox , Prezi etc. La sécurité n’est pas non plus un sujet de préoccupation. Pour l’instant, elle fait ses courses dans le grand supermarché de l’IT pour créer – au plus vite – le prochain Netflix.

 

 

Le hardware disparaît derrière des couches d’abstraction 

Les infrastructures se standardisent et disparaissent derrière des couches d’abstraction telles que OpenStack, Software Defined network (SDN), Software Defined Storage, Open Compute, etc. C’est tellement prégnant que Cisco vient de mener une étude pour évaluer l’impact du SDN sur son business. Celui-ci pourrait potentiellement diminuer de 43 milliards de dollars annuels à 22 Md$… Un impact qu’illustre le dernier deal à 1 milliard de dollars d’Amazon qui vient de faire le choix d’une solution SDN associée à du hardware standard. On retrouve la même logique dans le domaine du stockage Cloud où le modèle qui s’impose semble être celui du stockage DAS standard associé à des solutions logicielles type Scality, Cleversafe ou Swift…. On pourrait citer aussi les cas de Google ou de Facebook qui font leurs propres serveurs.

 

Le PaaS et l’ultra low cost font la tenaille

Les fournisseurs de services Cloud se multiplient, notamment parmi les opérateurs de télécommunications historiques qui sont parmi les premiers à être entrés dans le jeu. SFR a créé son Cloud dès 2009 – j’y ai un peu participé – et Orange a suivi… Mais les seuls à vraiment tirer leur épingle du jeu sont, d’un côté les géants tels Amazon, Google, Azure et  de l’autre OVH, Free avec leurs modèles « full internet carte de crédit ».

Dans tous les cas, c’est très simple et très rapide – donc très automatisé – mais avec deux positionnements différents. Très « valeur » et « PaaS » pour Amazon, Google, Azure qui fournissent tout l’outillage nécessaire pour fabriquer les applications et en automatiser leur cycle de vie de bout en bout, du développement à la production. Très « prix » pour OVH qui, en construisant ses serveurs, offre une alternative low cost efficace et sans concession.

La conversion des applications au modèle SaaS

 

Pour les éditeurs, « ça SaaS ou ça casse ». Comme le note l’ADFEL dans son rapport « Etudes des spécificités du marché du SaaS en France », le passage vers le Cloud pousse les éditeurs à se transformer en opérateurs de services. Cette transformation est lourde d’implications car elle modifie complètement leur modèle opérationnel. L’éditeur ne se contente plus de vendre sa solution mais doit assurer son déploiement et son exploitation pour ses clients. Ce nouveau modèle suppose :

·         La mise en œuvre d’une infrastructure performante et sécurisée, capable de desservir tous les clients quelle que soit leur localisation ;

·         La mise en place d’une cellule d’exploitation, assurant la supervision de la solution et garantissant sa disponibilité en continu ;

·         La mise en place d’une cellule de support pour les utilisateurs de ladite solution.

Dans cette perspective, les éditeurs ont le choix de tout faire tout seul ou de s’appuyer sur des partenaires capables de leur apporter les infrastructures numériques, les services d’exploitation et de support dont ils ont besoin.

Alors comment faire pour le réseau traditionnel des intégrateurs d’infrastructures ?

Face à ces quatre forces, dire que les différents acteurs de la chaîne de distribution doivent se réinventer, tient de l’évidence. Après être passés de la stricte distribution à un modèle d’intégrateur de technologies dans les années 2000, les partenaires traditionnels devront muter de nouveau pour être à la fois intégrateurs de technologies et fournisseurs de services Cloud pour les 10 prochaines années. Mais comment doivent-ils faire pour trouver leur place dans un nouveau monde si loin de leurs bases ?

La bonne nouvelle c’est que les entreprises cherchent des partenaires Cloud. Si le terme, trop galvaudé – il est utilisé pour désigner des objets de nature très différente,  d’Amazon EC² à Salesforce.com en passant par Dropbox ou Instagram –  ne nous donne pas vraiment de trajectoire, il nous offre pourtant quelques indices :

·         le Cloud est avant tout un accès à un service de ressources informatiques de toutes natures.

·         il s’expose au travers d’un portail  de type self-service et d’un catalogue de services.

·         les services proposés doivent être entièrement automatisés, leur usage mesuré donnant éventuellement lieu à une facturation.

Contrairement à une idée largement répandue, le Cloud n’est pas seulement la consolidation et/ou la virtualisation de serveurs voir uniquement la mise à disposition d’infrastructure « IaaS ». Dans un contexte de Cloud Privé, hybride ou communautaire il est impératif que les services soient entièrement intégrés à un SI avec l’automatisation de l’ensemble des tâches nécessaires à leur mise en œuvre, à leur opération, pour atteindre simplicité, agilité et juste coût.

Vous l’aurez compris, pour les acteurs de l’infrastructure, le challenge va bien au-delà de la technologie : il faut faire évoluer l’organisation de l’entreprise, changer les attitudes et trouver de nouveaux leaders pour mener le changement.

Penser  « nuage d’à côté »

À mon avis, trois aspects sont au cœur de ce changement :

·         Organisation et ressources : il faut privilégier la création d’une équipe de type « commando », autonome, voire filialisée. Cette équipe devra inclure le management, la vente, l’avant-vente, les technologues, le marketing et autres fonctions essentielles pour faire fonctionner une « business unit ». Il est important d’avoir une équipe ouverte, capable de créer, de « pitcher »,  d’impacter, de travailler ensemble, de s’adapter à un marché dynamique et mouvant, mais surtout capable de prendre des risques et résistante aux échecs.

·         Processus et système : ici il faut repenser les systèmes de facturation, de recouvrement, de litiges, qui sont inhérents aux services du Cloud, à l’instar des opérateurs télécom qui connaissent très bien et opèrent dans le monde de l’OPEX, la facturation Carte Bleue, la facturation de petits montants en très grand volume, la facturation à la consommation…

·         Technologie : il faut privilégier les systèmes ouverts et interopérables, des technologies qui permettent une expérience client avec la promesse de baisser les coûts, devenir plus agile et de rajouter des nouvelles fonctionnalités.

Plusieurs fournisseurs de services Cloud l’ont bien compris. Ils développent ce que j’appelle le « nuage d’à côté » en jouant la proximité et en s’équipant des meilleures technologies pour avoir tout des grands : self-service automatisé de bout en bout, IaaS, PaaS, Cloud hybride…Tout cela avec la connaissance de leurs clients et une aptitude à embrasser les problématiques legacy et Cloud en même temps.

Probablement un modèle à suivre…

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Cet avis d’expert est issu d’un article publié initialement sur le blog Cloud-experience.fr le 16 janvier 2014.