Le Dell EMC World 2017, qui s’est tenu du 8 au 11 mai, était le premier grand test post-fusion pour Dell EMC. L’occasion de montrer à ses clients et partenaires que l’opération est d’ores et déjà couronnée de succès. Nous avons demandé à quelques partenaires ce qu’ils avaient retenu de cet événement et ce qu’ils pensaient de la fusion trois mois après celle des équipes.

Pour ce premier événement post-fusion, Dell EMC a voulu marquer les esprits en faisant les choses en grand. L’événement s’est déroulé à Las Vegas et a réuni quelque 13.000 participants. À la grande satisfaction de la direction de Dell France, une cinquantaine de partenaires français avaient fait le déplacement alors qu’ils étaient à peine une demi-douzaine en 2016.

Faire sentir le rapprochement des deux entités

Dell EMC a orienté son message sur « la complétude de son offre », estime Nadine Guazzini, manager de la business unit Dell chez SCC France, qui a fait partie du voyage. « Dell EMC a cherché à nous faire sentir le rapprochement des deux entités et a insisté sur le fait que le groupe était positionné sur toutes les technologies qui comptent sur le marché ». Selon Nadine Guazzini, Dell EMC a également exprimé la volonté d’aller vers le Cloud hybride avec EMC et a manifesté une forte volonté de mettre en avant VxRail.

De son côté, Claire Palassin, directrice Group Partner management de computacenter France, a noté que les dirigeants du nouvel ensemble avaient mis beaucoup l’accent sur les technologies EMC à l’occasion de cet événement. D’après elle, Dell a aussi voulu rassurer sur l’avenir d’Airwatch (et par la même occasion de VMware), dont il avait paru vouloir se débarrasser un temps.

Côté programme partenaires, ni l’une ni l’autre n’ont noté d’annonces particulières. « Tout avait déjà été annoncé en février », juge Claire Palassin. Dell EMC a notamment confirmé son recentrage sur les partenaires en capacité de passer des certifications, estime-t-elle. « Un recentrage qui peut gêner les petits partenaires, notamment ceux qui n’avaient pas la culture EMC ». Sans surprise non plus, Nadine Guazzini a constaté que le groupe poussait ses partenaires à vendre l’intégralité de l’offre via remises incitatives.

Des arbitrages direct/indirect décriés

De fait, la principale annonce de ce Dell EMC World sur le plan programmatique, a été l’extension aux serveurs et aux produits réseaux des nouvelles règles d’arbitrage entre vente directe et indirecte en vigueur depuis le mois de février sur l’activité stockage. En vertu de ces nouvelles règles, applicables depuis le 22 mai, tout nouveau client amené par le channel via le programme d’enregistrement d’affaires restera définitivement adressé en indirect et ne sera jamais adressé par la force de vente directe. Une politique qui semble porter ses fruits, selon Alexandre Brousse, directeur des partenaires pour la France, Dell EMC France ayant constaté une hausse de 30% des enregistrements d’affaire sur son premier trimestre fiscal à iso-périmètre.

Mais si, sur le papier, ces règles sont claires, sur le terrain, elles le sont beaucoup moins. « On observe des incohérences, témoigne un partenaire régional : des demandes de protections qui sont rejetées sans raison ou qui ne sont pas renouvelées, et des offres faites en direct aux clients (même auprès d’entreprises de tailles moyennes, et même chez des clients déjà identifiés avec des partenaires). La politique pourtant clairement énoncée du responsable partenaires est appliquée de manière totalement sauvage sur le terrain ». Cette politique « alambiquée », pour ne pas dire illisible, des enregistrements d’affaires nous a été signalée par plusieurs partenaires. Pour Alexandre Brousse, la règle est pourtant simple et appliquée de manière intransigeante : la priorité d’une affaire va au premier partenaire qui en a détecté l’opportunité.

« Jamais on a vu fusion de cette taille se passer aussi bien »

Autre sujet de récrimination des partenaires : la réorganisation des équipes suite à la fusion effective en février dernier. Officiellement, il n’y a aucun problème. La première enquête de satisfaction partenaires effectuée post-fusion s’est avérée fort concluante, selon Alexandre Brousse. Les « promoteurs » (satisfaits ou très satisfaits) sont 79% parmi les partenaires, soit 10% de mieux qu’avant la fusion. Les détracteurs ne sont que 7% contre 9% avant la fusion.

« Jamais on a vu fusion de cette taille se passer aussi bien », conclut Alexandre Brousse. Un avis partagé par plusieurs partenaires avec toutefois des réserves. « Il y a eu une période de flottement pendant laquelle Dell EMC a manqué de précision dans ses réponses. Mais il n’y a pas eu d’impact sur le business », expose Claire Palassin.

« Il y a trop de redondance sur les comptes clients »

Mais d’autres partenaires de premier plan sont beaucoup moins cléments : « La fusion des outils s’est excessivement bien passée dans un premier temps mais la fusion des équipes a été plus difficile, estime l’un d’eux. Nous avons parfois trois ou quatre interlocuteurs qui adressent le même périmètre chez le même client et il est difficile de savoir qui a le lead, chacun tirant la couverture à soi ». Et ce même partenaire de conclure :  « On a le sentiment d’une organisation luxueuse probablement transitoire. » « Il y a trop de redondance sur les comptes clients, déplore un autre. On ne sait plus qui fait quoi et l’information semble ne pas arriver à ceux qui sont supposés être les responsables des comptes ».

Alexandre Brousse reconnaît qu’effectivement, à la suite de la fusion, 60% des interlocuteurs commerciaux des clients ont changé, ce qui a entraîné un temps d’adaptation. Mais il souligne le côté positif de la chose : « si on a dû réaffecter autant le portefeuille clients, c’est parce-qu’on a gardé l’ensemble des commerciaux des deux entités. On n’a pas sous-investi : [aucun client n’a été délaissé]. Ce qu’il faut bien avoir en tête c’est qu’il y a un seul responsable pour chaque compte mais qu’il est appuyé par des spécialistes en fonction des lignes de produits. On pense que ces spécialistes apportent de la valeur et qu’on gagne des projets grâce à cette expertise. »

Une croissance à deux chiffres au premier trimestre ?

De fait, le directeur des partenaires explique que Dell a aussi crû plus vite que le marché avec une croissance à deux chiffres sur le trimestre. « On a même pris la première place du marché français sur les serveurs pour la première fois dans notre histoire ». Une croissance à deux chiffres qui laisse sceptiques les partenaires. « On travaille à mi-temps en ce moment, se lamente un partenaire. Quand il y a un projet infrastructures, on se retrouve à dix partenaires dessus. Et Dell est encore trop tourné vers l’interne [pour tirer son épingle du jeu] ».  Un coup de mou que constatent beaucoup de partenaires, notamment sur les marchés publics qui ont eu tendance à reporter leurs décisions d’achat depuis le début de l’année.