Cloudwatt et Numergy, les deux représentants du Cloud souverain à la française, sont très en retard sur leur plan de marche initial. L’un et l’autre ont revu leurs objectifs à la baisse et Cloudwatt a même réduit son équipe.

Numergy, l’acteur français du cloud souverain, qui souffle sa deuxième bougie, devrait dégager cette année un chiffre d’affaires d’à peine 6 millions d’euros. Et encore, son patron, Philippe Tavernier, reconnaît être encore largement dépendant de la commande SFR qui génère près de 80% du chiffre d’affaires. De son côté, son concurrent Cloudwatt, qui fête lui aussi ses deux ans d’existence, devrait lui engranger 2 millions d’euros en 2014. Des chiffres particulièrement bas, surtout si l’on en met en balance leur masse salariale qui atteint dans les deux cas une centaine de collaborateurs.

De fait, les deux représentants du Cloud souverain à la française sont encore très loin des objectifs qui leur avaient été assignés initialement. En 2012, Cloudwatt annonçait 500 M€ de chiffre d’affaires annuel en 2017 et 300 à 500 salariés. De son côté, Numergy affichait un objectif de 400 M€ et 400 emplois directs créés. On voit mal aujourd’hui comment ces objectifs pourraient être tenus.

Des objectifs divisés par deux à trois

D’ailleurs les patrons de Numergy et Cloudwatt l’admettent désormais ouvertement en revoyant leurs ambitions à la baisse. « Nous prévoyons toujours de réaliser 400 M€, mais plus forcément à l’horizon 2020 », explique ainsi Philippe Tavernier qui reconnaît dans une interview accordée à ChannelBP avoir un an de retard sur son objectif initial. Du coup, il préfère désormais viser 15% du marché français des infrastructures virtualisées dans le Cloud public sans annoncer de chiffre précis. Quant à Didier Renard, le nouveau patron de Cloudwatt, il a confié, toujours à notre confrère ChannelBP, que son nouvel objectif était de réaliser 200 M€ d’ici à 2017 et qu’il présentera début octobre un nouveau business plan à son conseil de surveillance pour expliquer comment atteindre cet objectif.

Raison invoquée : le taux d’adoption plus lent que prévu en France du Cloud. Alors que dans leurs hypothèses de départ, les actionnaires de Cloudwatt tablaient sur un marché de 5 milliards d’euros en 2017, « le marché français du IaaS serait plutôt compris entre 1,2 et 1,5 milliard à l’horizon 2020 », explique Didier Renard. « Le marché du Cloud public décolle un peu moins rapidement que les prévisions initiales de nos actionnaires », euphémise quant à lui Philippe Tavernier. 

Des errements stratégiques

Au-delà de cette mauvaise évaluation du marché, Didier Renard reconnaît des errements stratégiques : « À mon arrivée [en avril dernier], Cloudwatt n’était pas en ligne avec sa lettre de mission. […] Beaucoup d’énergie a été dépensée pour proposer du logiciel à la demande, alors que l’objectif était de faire de l’infrastructure à la demande... », a-t-il expliqué il y a deux semaines dans un entretien aux Echos.

À ChannelBP, il a précisé sa pensée : Cloudwatt a vendu du Cloud BtoC en attendant la sortie de sa première offre compute en juillet dernier. C’était une erreur et nous revenons aujourd’hui vers les services IaaS BtoB. […] En outre, c’était une bêtise de lancer la Cloudbox, une offre de type SaaS que nous avions monté avec Ftopia. Nous allons l’arrêter progressivement. […] Cloudwatt n’investit plus du tout dans le SaaS »

« les clients veulent un suivi, du conseil, de l’infogérance »

Autre problème pointé : « Cloudwatt avait adopté un modèle de vente directe. Le problème, c’est que les clients veulent un suivi, du conseil, de l’infogérance. Cloudwatt n’étant pas une société de services informatiques, elle n’est pas en mesure de fournir ces services. » Cloudwatt a aujourd’hui basculé vers un modèle indirect mais a perdu beaucoup de temps : la société ne revendique qu’une quarantaine de partenaires dont une moitié réellement active, quand Numergy en revendique plus de 120.

Une nouvelle stratégie commerciale dont la direction commerciale et marketing BtoC ainsi que la force de vente directe ont d’ailleurs fait les frais puisqu’une quinzaine de salariés sur les 95 que compte l’entreprise sont partis à la suite de sa mise en oeuvre. Un nombre qui pourrait même augmenter si « certains collaborateurs ne trouvent pas leur place dans le nouveau modèle plus orienté startup », a prévenu Didier Renard.

Lire la réaction de Numergy à cet articleNon, le bilan de Numergy n’est pas accablant, au contraire !

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