Sage est encore confronté à une de ces levées de boucliers de la part de ses partenaires dont il est coutumier. Motif de leur exaspération : les graves disfonctionnements de son système de devis et de facturations.


Nul n’est prophète en son pays. Sage a beau être le leader français des logiciels de gestion, il connaît des déboires récurrents avec son propre système de devis et de facturations. L’été dernier, l’éditeur annonçait en effet un nouveau système présenté comme révolutionnaire qui devait régler les nombreux bugs qui perturbaient – déjà – le système existant à l’usage des partenaires.

Baptisé Octave, le nouvel outil devait être mis en service en septembre. Il devait concerner dans un premier temps les partenaires de la division Sage petites entreprises et en janvier ceux de la division PME. Mais plus de six mois après, Octave ne fonctionne toujours pas correctement. « Il est toujours impossible d’établir un devis juste sans faire appel à l’ingénieur commercial ou l’assistance de la région », se lamente un partenaire.

Plus grave, début janvier Sage a brusquement fermé son ancien système, « la boutique », sans attendre que le nouveau système soit opérationnel, obligeant les partenaires à revenir au fax et au mail pour passer leurs commandes et établir leurs devis. Résultat : des demandes de tarifs qui restent sans réponse pendant des semaines faute de ressources pour les traiter, des erreurs de facturation presque systématiques, des avoirs quasiment impossibles à obtenir, des tonnes de justificatifs et courriers circonstanciels à envoyer, etc. Après deux mois de ce régime, la lassitude et l’exaspération des partenaires sont à leur comble.

Les partenaires s’arrachent les cheveux


Ces disfonctionnements finissent par avoir des conséquences majeures sur leur business. Ils ne comptent plus les heures perdues à saisir les commandes, à vérifier les factures, à faire des demandes d’avoir ou à suivre les litiges. Surtout, « des affaires ou des interventions sont repoussée sine die faute de recevoir les licences ou les mises à jour attendues, explique l’un d’eux. Parfois même, des contrats sont résiliés ». Du coup, « En janvier 2014, les agences Sage étaient très loin de leurs objectifs », croit savoir un partenaire. Au point que les têtes commenceraient à tomber en interne.

Ces problèmes s’ajoutent à une longue liste de griefs qui minent déjà les relations entre Sage et ses partenaires, tels la marge que Sage leur grignote année après année, les augmentations de prix des contrats clients sans réelles contrepartie, la tendance à les court-circuiter pour vendre en direct, les bugs à répétition (sur les produits PE), l’insuffisance de personnel pour assurer le suivi des clients. Et le prochain motif de fâcherie pourrait se cristalliser autour de l’offre SaaS que Sage commence à promouvoir auprès des clients mais dont il tient les partenaires soigneusement à l’écart.

 

Malgré toutes ces dissensions, le plus étonnant est que Sage n’enregistre pas plus de défections de la part de ses partenaires. « On en entend de plus en plus se plaindre mais pour l’instant ils continuent de promouvoir la marque, et souvent de façon exclusive », regrette un concurrent qui aimerait bien se faufiler dans la place.

Des partenaires de plus en plus nombreux à se diversifier

 

Néanmoins, ils seraient de plus en plus nombreux à se diversifier. Cegid revendique ainsi une demi-douzaine de prises au cours des deux dernières années et pense en avoir autant en réflexion avancée. EBP revendique pour sa part une cinquantaine de partenaires historiques Sage proposant son offre PME en complément ou en alternative à leur offre Sage. Et chez Divalto, on confirme avoir mis le pied dans la porte chez une trentaine de partenaires Sage au cours des dix-huit derniers mois.

 

Mais si ces ralliements peuvent avoir des incidences à la marge sur les acquisitions de nouveaux clients, elles n’ont pas vraiment d’impact sur les parcs installés, qui restent extrêmement captifs. Changer de système de gestion suppose un investissement considérable de la part des clients ne serait-ce qu’en conduite du changement. Et peu sont disposés à faire le pas à moins de ne vraiment plus trouver les fonctionnalités attendues chez leur fournisseur traditionnel, d’être certain de réduire sensiblement leurs coûts ou… de ne plus bénéficier du service attendu.

C’est ce qui pourrait faire bouger les choses si Sage ne réglait pas rapidement son problème. Car les disfonctionnements de son système de facturation n’affectent pas seulement les partenaires de Sage mais également ses clients. Du coup, en nuisant à la qualité globale de sa prestation, ils nuisent à sa crédibilité. « Nous attendons [de Sage] qu’il nous respecte et partage les mêmes valeurs : satisfaction du client à tout niveau », conclut un partenaire. Apparemment, Sage est loin du compte.