HP n’a plus les moyens d’être sur tous les fronts à la fois, d’où le sacrifice de sa division PC. Mais HP prend le risque de fragiliser ses autres activités et de perdre la confiance de son réseau de distribution.


Depuis dix ans, la stratégie de HP se résumait à offrir la plus grande couverture de solutions informatiques du marché. Une stratégie à laquelle HP tourne désormais résolument le dos, son pdg Leo Apotheker ayant annoncé son intention de se séparer de sa division PC pour réorienter ses investissements vers ses activités logiciels et services.

Mais alors que ce virage stratégique était réclamé avec insistance par les actionnaires depuis des années, le plongeon de 20% de l’action au lendemain de l’annonce montre que la part de risque que cette décision comporte n’est peut-être pas pleinement assumée par les dits actionnaires. Car le retrait d’une seule carte suffit parfois à faire s’écrouler tout le château.

 

40 milliards de chiffre d’affaires à compenser

Dans une interview accordée hier au Financial Times, Leo Apotheker assure que le groupe regagnerait les 40 milliards de dollars que représente la division PC si la séparation devait se faire. Il explique en substance qu’à long terme il bénéficiera de meilleures marges et d’un potentiel de croissance plus important en réinvestissant le produit de la vente des PC dans les logiciels.

Mais en se séparant de ces 40 milliards de dollars, HP s’ampute de 30% de ses revenus. Certes, cette activité ne représente que 18,5% de la marge opérationnelle du groupe et les perspectives de cette activité sont mauvaises. Ses revenus s’effritent (-3% au cours des douze derniers mois), notamment sur le segment grand public (-23% au deuxième trimestre et -12% au premier). Et le succès phénoménal des tablettes et autres smartphones, marché dont il vient également d’annoncer son retrait pur et simple, semble accréditer l’idée que le déclin va s’accélérer. Citant Gartner, Computerworld souligne ainsi que les livraisons mondiales de PC n’ont progressé que de 2,3% au deuxième trimestre au lieu des +6,7% attendus (et ce après un recul de 1% en volumes au premier trimestre toujours selon Gartner). Des croissances atones qui signifie que le marché est en perte de vitesse sensible en valeur.

 

Des positions moins solides sur ses autres métiers

Pour autant, les PC HP restent leaders et de loin avec 17 à 18% du marché mondial. Et leur domination a même tendance à se renforcer sur le segment entreprises. Or HP est loin d’être en aussi confortable position sur les activités qu’il privilégie désormais. S’il est numéro un sur les serveurs (en volumes et en valeur), il est en revanche quasiment inexistant sur les logiciels (notamment le middleware, aujourd’hui dominé par Oracle) et encore challenger sur les services, malgré le rachat d’EDS.

En annonçant qu’il songe à se délester de ses PC, HP prend surtout le risque de perdre la confiance de son réseau de distribution, dont dépend une grande partie de son succès. Il risque aussi de perdre celle de ses clients grands comptes, qui détestent les incertitudes et privilégient la marque pour la pérennité qu’elle représente.

 

Des marges arrières moins incitatives

Si le réseau de distribution doute de l’avenir de l’activité PC de HP, il cherchera à sécuriser ses approvisionnements auprès d’un autre partenaire. Ce faisant, non seulement il diminuera ses achats de PC HP mais il risque en plus de réduire ses achats sur les autres produits HP (notamment serveurs et de solutions d’impression) car dès lors il perdra les marges arrières qui l’incitent aujourd’hui à travailler l’ensemble de l’offre et surtout il perdra les bénéfices de la stratégie généraliste de HP, qui permet de faire tout son marché chez le même constructeur.

L’exemple d’IBM prouve qu’il est possible pour un constructeur de se séparer de ses PC sans mettre en danger le reste de ses activités hardware. Néanmoins, la division PC d’IBM perdait de l’argent et n’avait qu’une part de marché de challenger lorsqu’elle a été vendue à Lenovo. Et IBM dépendait beaucoup moins de son réseau de distribution que HP.

 

Après les PC, quid des imprimantes ?

Et si HP se sépare de ses PC, nombreux sont ceux qui pensent que ses solutions d’impression finiront tôt ou tard par passer à la trappe. Ce pour les mêmes raisons qui le conduisent aujourd’hui à vendre ses PC : le développement de ces activités demandent des investissements massifs et la trésorerie de HP n’y suffit plus. D’où l’obligation de faire des choix.

René-Luc Caillaud, pdg du grossiste ETC, l’un des principaux partenaires de HP en France, se veut néanmoins confiant. Il observe que ses ventes de PC à la marque HP sont en croissances très sensibles depuis le début de l’année (+20 à 30%), HP ayant visiblement pris des parts de marché à ses compétiteurs. Il estime par ailleurs que même si la division PC était filialisée ou vendue rapidement, cela ne changerait rien à son fonctionnement, puisque chaque division est déjà indépendante des autres.

 

Quant à la fragilisation supposée des autres activités, il note que HP n’a pas hésité dans un passé récent à négocier des accords OEM étroits (notamment avec Polycom et Canon) pour sécuriser ses activités dans la visio-conférence ou les systèmes d’impression. Et il ne pense pas qu’une cession des solutions d’impression soit envisagée compte tenu des marges qu’elles continuent de dégager.